L’histoire, on la connaît, et elle se résume globalement au constat suivant :
Nous en étions là quand les jeunes du pays ont décidé de dire « stop ! ». Ils ont crié, ils ont défilé, ils ont « milité » et échangé sur Discord et ailleurs, et ils ont été entendus. Ils savent aujourd’hui, bien qu’une grande partie d’entre eux doute encore, que la solution à leurs préoccupations passera par les prochaines législatives. Le dernier conseil des ministres a annoncé bien des ouvertures dans ce sens. La balle est aujourd’hui dans le camp des parlementaires qui devront poser les nouvelles règles.
Mais ce qui apparaît au premier abord prend la forme d’une question philosophique. Comment regénérer une scène politique par et avec ceux-là mêmes qui ont contribué à la nécrose du système et la névrose des populations ?
De la réponse à cette question, si elle existe, dépendra la crédibilité des élections à venir. Mais est-ce être pessimiste, voire nihiliste, que de douter de la valeur de cette réponse ? Non, car les projets d’amendements présentés par le gouvernement pour les lois sur les partis et la Chambre des représentants ne portent pas nécessairement vers l’espoir en la concrétisation du changement annoncé…
Qu’y trouve-t-on ?
1/ Un durcissement des conditions d’éligibilité, ratissant large sur les interdictions qui se fondent sur des condamnations judiciaires. Ceux qui ont proposé cela semblent ne pas prendre en compte que les élus indélicats le deviennent après avoir été élus. Une mesure cosmétique, donc…
2/ Beaucoup de peines de prison prévues pour la communication durant les campagnes électorales et même certaines formes de contestation des résultats. Curieux pour un parlement et une majorité qui se vantent de protéger les libertés et d’avoir introduit les peines alternatives.
3/ Possibilité pour les partis politiques de créer des sociétés commerciales, aux contours bien définis. Mais en dépit de cela, il suffit de se rappeler du sort des fonds alloués aux partis pour frais de missions et d’études pour craindre le pire…
Or, le changement annoncé est d’ordre moral et non technique, électoral et non financier, permissif et non coercitif. Mais c’est le contraire qui semble avoir été proposé au parlement par le gouvernement, et qui sera bien évidemment voté par les députés, inféodés au même gouvernement. Autrement dit, il ne faudra pas s’étonner de voir soit une désaffection du processus électoral soit une inflation de listes indépendantes, les unes sincères, les autres attirées par la subvention promise.
Et tout le processus sera dévoyé, sachant que la situation est sensible et que les jeunes ne sont pas vraiment connus pour leur patience et qu’ils ne doivent surtout pas nourrir le sentiment d’une déception.
- Pourquoi le gouvernement et les députés ne se montrent-ils donc pas aussi clairs que l’ont été les décisions prises en conseil des ministres ?
- Les délibérations et l’esprit de ce qui y a été décidé ne prévalent-ils donc plus une fois franchi le seuil du palais royal ?
- Pourquoi ne se montrent-ils pas aussi imaginatifs qu’attendu, aussi créatifs qu’espéré ? Pourquoi sont-ils incapables de créer la surprise, la bonne surprise ?
Peut-être en sont-ils inaptes… et dans ce cas, que font-ils dans cette galère ? Ils doivent pourtant savoir et comprendre que leur espérance de vie et de crédibilité atteint ses limites et qu’aujourd’hui, ils dansent leur dernier tango…
Les jeunes ont été inventifs, battant le macadam et triturant leurs claviers, et le roi a fait montre d’innovation institutionnelle.
Il faut être inventif, audacieux… ouvrir sérieusement les élections aux jeunes en contrôlant les potentiels dérapages, et en mettant des conditions pour ne pas se retrouver avec des centaines de listes, ce qui rendra l’élection impossible, le résultat incertain et les caisses de l’Etat exsangues, à force de subventionner.
L’affaire est éminemment sérieuse et de cette nouvelle législation électorale devra émerger un Maroc nouveau. Les députés et le gouvernement ne sont définitivement pas aptes à cela, soit par incompétence, soit par calculs soit par inadaptation.
Et là encore, peut-être qu’une commission « paritaire » devrait être mise en place pour penser et proposer la réforme électorale, regroupant quelques ministres, les chefs des principaux partis représentés au parlement, des conseillers royaux et des membres de la société civile, jeunes et moins jeunes.
Ainsi, le Maroc entier serait représenté dans toutes ses composantes, et une vraie loi, effective et donc efficiente, verrait le jour. On ne peut qu’espérer que cette élection sera différente des autres, pour avoir un Maroc politique différent de ce que nous connaissons, et surtout pour éviter un Maroc que nous ne voudrions pas connaître…