« Destruction créatrice à la marocaine : où sont les verrous? »


Rédigé par le Lundi 20 Octobre 2025



Les frictions structurelles au Maroc

Le prix Nobel d’économie 2025 a remis la destruction créatrice au cœur du débat : l’innovation ne se contente pas d’ajouter, elle remplace des vies, des modèles, des acteurs. Pour un pays en rattrapage comme le Maroc, ce concept doit être non pas un mot académique, mais un test de résilience institutionnelle.

Contestation de la concurrence & rente protégée

De nombreux secteurs restent verrouillés par des acteurs historiques ou des monopoles de fait — qu’il s’agisse de la distribution, des infrastructures ou même de certaines filières industrielles stratégiques. En l’absence d’une ouverture concurrentielle réelle, les innovateurs potentiels se heurtent à des barrières d’entrée.
Exemple : une jeune entreprise de motorisation électrique (auto-EV) pourrait proposer un moteur modulaire, mais se retrouve face à des fournisseurs de pièces ou des frais d’homologation non transparents contrôlés par des intérêts institutionnels.

Lenteurs administratives & guichets multiples

Le “dernier kilomètre” administratif tue souvent le projet. Qu’il s’agisse des autorisations environnementales, des agréments de R&D, des certificats d’export ou de la propriété intellectuelle  les délais, les doublons, les incohérences sont fréquents.

Une PME deeptech qui veut exporter un capteur IA à l’étranger peut devoir parcourir 5 ministères ou agences chaque étape pouvant être source de rejet ou de retard.

Financement de l’innovation trop fragile

Les projets à forte technicité sont jugés trop risqués par les banques classiques. Le capital-risque marocain est embryonnaire. Les fonds publics (ou quasi publics) peinent à prendre le relais — et quand ils le font, c’est souvent avec contraintes lourdes qui découragent l’audace.

Propriété intellectuelle et innovation diffuse

Beaucoup d’inventeurs “informels” au Maroc ne matérialisent pas leurs innovations par des brevets ou normes normalisées, pour cause de coût, complexité ou méconnaissance. Résultat : les acteurs étrangers captent souvent la valeur ajoutée à partir du savoir local non protégé.

Actions concrètes (et non fétiches symboliques)

Audit sectoriel concurrentiel : identifier les secteurs où l’entrée est la plus freiné (auto, aéronautique, santé-tech). Supprimer les obstacles réglementaires non justifiés.

Guichet unique “innovation + export” : regrouper autorisations, homologations, PI dans un guichet inter-agences (Économie, Industrie, Recherche, Commerce extérieur).

Fonds “capital patient” à risque public-privé : cofinancer des startups deeptech jusqu’à leur maturité minimale, sans exiger rendement immédiat. Intégrer des ingénieurs de haut niveau dans les comités d’investissement.

Programme national de brevets “low cost” : subventionner les petits brevets (pour PME/chercheurs), simplifier les procédures, offrir des services d’accompagnement PI gratuits dans les universités et pôles technologiques.

Partenariats industriels-universitaires à contrainte d’industrialisation : l’université ne reste pas reine du papier : si le projet est financé, l’engagement est de prototyper, marcher vers un pilote industriel dans un délai fixé.

Avec ces mesures, le Maroc commencerait à transformer la destruction créatrice redoutée en moteur contrôlé de renouvellement productif.

Article de LECO BUSNESS de cette semaine





Lundi 20 Octobre 2025
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