Une directive européenne à forts enjeux économiques
Adoptée dans le sillage du Brexit et publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 19 juin 2024, la directive vise à encadrer plus strictement l’activité des banques non européennes opérant au sein de l’UE. Si sa cible première reste le système bancaire britannique, ses effets collatéraux concernent directement les établissements marocains, fortement implantés en Europe.
Ces banques disposent en effet de filiales, succursales ou bureaux de représentation dans au moins sept pays, dont la France, l’Espagne, l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne et le Royaume-Uni. Ce réseau assure des services de proximité à une diaspora nombreuse, facilitant notamment l’envoi de fonds vers le Maroc.
Or, ces transferts constituent une ressource stratégique. En 2024, ils ont dépassé 117,7 milliards de dirhams, soit près de 7,7 % du PIB. Toute entrave réglementaire risquerait non seulement de fragiliser l’accès bancaire des MRE, mais aussi de peser sur la balance des paiements, dans un contexte international déjà marqué par de fortes incertitudes.
L’accord avec la France, pivot de la stratégie marocaine
Consciente de l’ampleur du risque, Bank Al-Maghrib a mis en place dès septembre 2024 une task force permanente associant les ministères concernés et les banques marocaines. Son objectif : négocier, pays par pays, des aménagements permettant de préserver la continuité des services bancaires.
C’est dans ce cadre qu’un compromis a été trouvé avec le Trésor français en juin 2025, puis finalisé en juillet. La France représente à elle seule plus de 30 % des transferts des MRE, ce qui confère à cet accord une portée stratégique. Sa validation par la Commission européenne permettrait d’en faire un précédent juridique, facilitant les discussions avec d’autres partenaires clés comme l’Espagne, l’Italie ou la Belgique.
Pour Abdellatif Jouahri, l’enjeu réside désormais dans la précision des formulations juridiques. Le risque n’est plus politique, mais technique : éviter toute ambiguïté susceptible d’aboutir à des interprétations restrictives par les régulateurs européens.
À fin octobre 2025, les transferts des MRE ont atteint 102,93 milliards de dirhams, en hausse modérée de 1,5 %. Bank Al-Maghrib table toutefois sur une progression annuelle moyenne de 3,1 % entre 2025 et 2027, avec un volume proche de 130 milliards de dirhams à l’horizon. Au-delà des chiffres, le défi est clair : préserver un lien financier vital entre la diaspora et le Royaume, et transformer l’accord français en un modèle durable à l’échelle européenne.