Votre livre paraît à un moment où le monde traverse des bouleversements technologiques sans précédent. Pourquoi avoir choisi d’aborder spécifiquement l’intelligence économique et l’intelligence artificielle, et en quoi ces deux domaines deviennent-ils désormais indissociables pour comprendre l’avenir du Maroc ?
J’ai consacré ma vie professionnelle à observer les grandes transformations de l’économie marocaine. En quarante ans, j’ai vu des cycles industriels se succéder, des réformes audacieuses et d’autres moins abouties, des crises imprévisibles et des opportunités saisies parfois trop tard. Mais jamais je n’ai vu une rupture aussi profonde que celle que nous vivons aujourd’hui. Nous avons basculé dans une ère où la maîtrise de l’information, de la donnée et de la technologie n’est plus un atout : c’est la condition même de la souveraineté.
L’intelligence économique, telle que je la conçois, n’est plus un outil de veille ou un exercice académique. C’est une discipline stratégique qui structure la puissance d’un pays. Elle permet de comprendre les jeux géopolitiques, d’anticiper les ruptures, de protéger les secteurs vitaux, d’influencer son environnement et de décider avec lucidité. Mais cette discipline, seule, n’est plus suffisante dans un monde où l’information circule à la vitesse de l’éclair.
C’est ici que l’intelligence artificielle devient indispensable. L’IA élargit notre champ de vision et accélère nos capacités d’analyse. Elle permet d’absorber des volumes d’information impossibles à traiter humainement, de détecter des signaux faibles, de simuler des scénarios, de prévoir des crises, d’optimiser les politiques publiques. L’IA n’est pas une simple technologie : c’est un catalyseur qui transforme la manière dont un pays pense, décide, se protège et se projette.
J’ai donc voulu réunir ces deux domaines — intelligence économique et IA — parce qu’ils forment désormais un système unique de décision nationale. Un pays qui ne maîtrise pas ce système sera dépendant. Un pays qui le maîtrise devient stratège.
L’intelligence économique, telle que je la conçois, n’est plus un outil de veille ou un exercice académique. C’est une discipline stratégique qui structure la puissance d’un pays. Elle permet de comprendre les jeux géopolitiques, d’anticiper les ruptures, de protéger les secteurs vitaux, d’influencer son environnement et de décider avec lucidité. Mais cette discipline, seule, n’est plus suffisante dans un monde où l’information circule à la vitesse de l’éclair.
C’est ici que l’intelligence artificielle devient indispensable. L’IA élargit notre champ de vision et accélère nos capacités d’analyse. Elle permet d’absorber des volumes d’information impossibles à traiter humainement, de détecter des signaux faibles, de simuler des scénarios, de prévoir des crises, d’optimiser les politiques publiques. L’IA n’est pas une simple technologie : c’est un catalyseur qui transforme la manière dont un pays pense, décide, se protège et se projette.
J’ai donc voulu réunir ces deux domaines — intelligence économique et IA — parce qu’ils forment désormais un système unique de décision nationale. Un pays qui ne maîtrise pas ce système sera dépendant. Un pays qui le maîtrise devient stratège.
Dans votre préface, vous évoquez une “inquiétude lucide” concernant la vitesse du monde et l’incapacité des États à suivre. Est-ce cela qui vous a poussé à écrire ce livre après votre retraite, et comment votre expérience éclaire-t-elle cette prise de conscience ?
Lorsque j’ai quitté mes fonctions actives, je pensais me consacrer à un travail plus calme, plus intellectuel, sans pression institutionnelle. Mais en observant le monde, j’ai senti monter une inquiétude que je n’avais jamais ressentie auparavant. Non pas une inquiétude pessimiste, mais une inquiétude stratégique. La vitesse des ruptures technologiques dépasse désormais la vitesse des institutions. L’IA, les tensions géopolitiques, les guerres d’influence, la bataille pour les ressources, tout cela bouleverse la hiérarchie mondiale.
Avec le recul, j’ai compris que le Maroc possède un potentiel immense, mais qu’il manque encore d’une chose : une culture de l’anticipation. Pendant mes quarante années d’expérience, j’ai souvent vu des crises que l’on aurait pu éviter, des opportunités qu’on aurait pu saisir plus tôt, des secteurs que l’on aurait pu protéger davantage. Nous avons souvent travaillé avec sérieux, mais rarement avec vision. La retraite offre un avantage incomparable : on n’a plus rien à défendre, donc on peut dire ce qu’il faut dire.
J’ai écrit ce livre parce qu’il était temps de transmettre, non pas des solutions toutes faites, mais une méthode : comprendre, anticiper, protéger, influencer. Le Maroc n’a pas besoin de devenir une grande puissance technologique ; il doit devenir un pays stratégiquement intelligent. Et si mon expérience peut contribuer à cette maturité, alors écrire ce livre n’était pas un choix, mais une responsabilité.
Avec le recul, j’ai compris que le Maroc possède un potentiel immense, mais qu’il manque encore d’une chose : une culture de l’anticipation. Pendant mes quarante années d’expérience, j’ai souvent vu des crises que l’on aurait pu éviter, des opportunités qu’on aurait pu saisir plus tôt, des secteurs que l’on aurait pu protéger davantage. Nous avons souvent travaillé avec sérieux, mais rarement avec vision. La retraite offre un avantage incomparable : on n’a plus rien à défendre, donc on peut dire ce qu’il faut dire.
J’ai écrit ce livre parce qu’il était temps de transmettre, non pas des solutions toutes faites, mais une méthode : comprendre, anticiper, protéger, influencer. Le Maroc n’a pas besoin de devenir une grande puissance technologique ; il doit devenir un pays stratégiquement intelligent. Et si mon expérience peut contribuer à cette maturité, alors écrire ce livre n’était pas un choix, mais une responsabilité.
Le Maroc est souvent présenté comme une économie émergente solide. Pourtant, vous insistez sur la vulnérabilité de certains secteurs. Quels sont, selon vous, les angles morts les plus dangereux dans notre modèle actuel ?
Nous avons parfois tendance à confondre performance et résilience. Le Maroc réussit de belles choses : une industrie automobile compétitive, des infrastructures logistiques de premier plan, un positionnement agricole reconnu, un dynamisme financier africain. Mais la solidité apparente ne doit pas masquer les fragilités profondes. Nos dépendances sont réelles : dépendance technologique, dépendance énergétique, dépendance en matière d’approvisionnement, dépendance vis-à-vis de donneurs d’ordres étrangers. Et surtout, dépendance vis-à-vis de données et d’infrastructures numériques que nous ne contrôlons pas totalement.
Les angles morts viennent souvent de notre manière d’appréhender le réel : nous valorisons le visible, les succès tangibles, les infrastructures physiques. Or, les vulnérabilités modernes sont souvent invisibles : une faille cyber, une rupture logistique, une dépendance à une technologie importée, une manipulation informationnelle, un choc climatique mal anticipé. Ce sont ces dimensions silencieuses qui façonnent les crises de demain.
Pourquoi sont-elles invisibles ? Parce qu'elles n’entrent pas dans les tableaux de bord traditionnels. Les ministères, les banques, les entreprises regardent ce qui est mesurable. Mais l’intelligence économique consiste précisément à regarder ce qui ne l’est pas encore — les signaux faibles, les interconnexions, la fragilité systémique. Le Maroc doit passer d’une économie performante à une économie stratégique. C’est une différence majeure.
Les angles morts viennent souvent de notre manière d’appréhender le réel : nous valorisons le visible, les succès tangibles, les infrastructures physiques. Or, les vulnérabilités modernes sont souvent invisibles : une faille cyber, une rupture logistique, une dépendance à une technologie importée, une manipulation informationnelle, un choc climatique mal anticipé. Ce sont ces dimensions silencieuses qui façonnent les crises de demain.
Pourquoi sont-elles invisibles ? Parce qu'elles n’entrent pas dans les tableaux de bord traditionnels. Les ministères, les banques, les entreprises regardent ce qui est mesurable. Mais l’intelligence économique consiste précisément à regarder ce qui ne l’est pas encore — les signaux faibles, les interconnexions, la fragilité systémique. Le Maroc doit passer d’une économie performante à une économie stratégique. C’est une différence majeure.
Dans votre ouvrage, vous insistez sur l’importance d’une souveraineté informationnelle. Que signifie concrètement cette souveraineté numérique pour un pays comme le Maroc, et quels risques courons-nous si nous ne la construisons pas dès maintenant ?
La souveraineté informationnelle ne consiste pas à se couper du monde ni à ériger des murs numériques. Elle consiste à maîtriser trois choses : nos données, nos infrastructures et nos décisions. Aujourd’hui, les données marocaines — celles des administrations, des entreprises, des citoyens — transitent largement par des plateformes étrangères. Nos infrastructures numériques s’appuient sur des technologies dont nous ne contrôlons ni les mises à jour, ni l’architecture, ni les flux transfrontaliers. Et nos décisions publiques se fondent parfois sur des outils d'analyse appartenant à des acteurs que nous ne maîtrisons pas.
Si nous ne construisons pas cette souveraineté, nous courons trois risques.
D’abord, un risque de vulnérabilité : une dépendance technologique peut paralyser un secteur entier en cas de crise géopolitique, de sanction, de rupture d’approvisionnement ou d’attaque informatique. Ensuite, un risque de captation : les données marocaines peuvent devenir une ressource exploitée par d’autres puissances, sans retour pour le pays. Enfin, un risque de dépossession : si nos modèles de décision reposent sur des outils étrangers, ceux-ci influencent indirectement nos politiques publiques et nos trajectoires économiques.
Construire une souveraineté numérique ne signifie pas inventer tout localement — ce serait impossible. Cela signifie choisir ce que l’on contrôle, ce que l’on externalise, ce que l’on partage et ce que l’on protège. Cela signifie développer un cloud souverain, une gouvernance des données, des compétences nationales, des partenariats équilibrés. Sans souveraineté informationnelle, il n’y a pas d’intelligence économique. Il n’y a qu’une dépendance intelligente.
Si nous ne construisons pas cette souveraineté, nous courons trois risques.
D’abord, un risque de vulnérabilité : une dépendance technologique peut paralyser un secteur entier en cas de crise géopolitique, de sanction, de rupture d’approvisionnement ou d’attaque informatique. Ensuite, un risque de captation : les données marocaines peuvent devenir une ressource exploitée par d’autres puissances, sans retour pour le pays. Enfin, un risque de dépossession : si nos modèles de décision reposent sur des outils étrangers, ceux-ci influencent indirectement nos politiques publiques et nos trajectoires économiques.
Construire une souveraineté numérique ne signifie pas inventer tout localement — ce serait impossible. Cela signifie choisir ce que l’on contrôle, ce que l’on externalise, ce que l’on partage et ce que l’on protège. Cela signifie développer un cloud souverain, une gouvernance des données, des compétences nationales, des partenariats équilibrés. Sans souveraineté informationnelle, il n’y a pas d’intelligence économique. Il n’y a qu’une dépendance intelligente.
Vous consacrez plusieurs chapitres aux menaces informationnelles et à la guerre des narratifs. Comment ces phénomènes influencent-ils le Maroc aujourd’hui, et pourquoi sont-ils si difficiles à percevoir sans un système structuré d’intelligence économique ?
La guerre des narratifs est devenue la première ligne de la géopolitique moderne. On ne cherche plus seulement à influencer les gouvernements, mais à façonner les perceptions, les émotions, les croyances des populations. Le Maroc, de par son positionnement stratégique, est exposé à ces offensives : sur le Sahara, sur son rôle en Afrique, sur ses choix diplomatiques, sur ses succès économiques. Certaines campagnes sont orchestrées, d’autres opportunistes, d’autres encore automatisées par l’IA.
Pourquoi sont-elles difficiles à percevoir ? Parce que leur objectif n’est pas de convaincre rationnellement, mais de créer du doute, du bruit, de la division. Elles se propagent par des vidéos, des extraits isolés, des publications virales, des messages ciblés. Elles utilisent les failles psychologiques du public : la peur, la colère, l’indignation. Dans ce contexte, l’absence d’intelligence économique structurée laisse le pays réagir trop tard, parfois après que le narratif hostile s’est déjà installé.
Le Maroc doit bâtir une capacité d’analyse en temps réel des flux informationnels, une cellule de contre-narratif, des partenariats avec les médias, les plateformes et la société civile. L’influence n’est pas une manipulation ; c’est une protection de la vérité nationale. Ignorer les guerres de perception, c’est laisser d’autres raconter notre histoire à notre place.
Pourquoi sont-elles difficiles à percevoir ? Parce que leur objectif n’est pas de convaincre rationnellement, mais de créer du doute, du bruit, de la division. Elles se propagent par des vidéos, des extraits isolés, des publications virales, des messages ciblés. Elles utilisent les failles psychologiques du public : la peur, la colère, l’indignation. Dans ce contexte, l’absence d’intelligence économique structurée laisse le pays réagir trop tard, parfois après que le narratif hostile s’est déjà installé.
Le Maroc doit bâtir une capacité d’analyse en temps réel des flux informationnels, une cellule de contre-narratif, des partenariats avec les médias, les plateformes et la société civile. L’influence n’est pas une manipulation ; c’est une protection de la vérité nationale. Ignorer les guerres de perception, c’est laisser d’autres raconter notre histoire à notre place.
Vous consacrez un chapitre entier au rôle crucial des talents. Pourquoi le capital humain est-il, selon vous, la ressource la plus déterminante de l’intelligence économique marocaine ?
On parle beaucoup de technologies, d’algorithmes, d’infrastructures, de data centers. Mais un pays ne devient stratège que par ses femmes et ses hommes. L’intelligence économique est un métier hybride : il demande une culture générale solide, une capacité d’analyse, une sensibilité géopolitique, une maîtrise technique, un esprit critique et une intuition humaine. Aucun outil numérique ne remplace cela.
Le Maroc forme de très bons ingénieurs, de bons économistes, de bons administrateurs. Mais il manque de profils capables de faire le pont : ceux qui comprennent à la fois la technologie et la stratégie, la géopolitique et la donnée, l’économie et l’influence. C’est cette hybridation qui crée la puissance.
Le capital humain est déterminant pour deux raisons. La première est simple : sans analystes compétents, les données ne deviennent jamais des décisions. Elles restent des tableaux, des graphiques, des rapports. La seconde est plus profonde : les crises de demain ne seront pas techniques, mais systémiques. Elles exigeront de la créativité, du sang-froid, une pensée latérale, une capacité à comprendre ce qui n’apparaît pas encore dans les chiffres.
Un pays peut importer des technologies, mais pas l’intelligence stratégique. Le Maroc doit donc investir massivement dans la formation, la recherche, l’analyse et la montée en compétence de ses élites. Une nation se construit avec des talents ; une puissance se construit avec des stratèges.
Le Maroc forme de très bons ingénieurs, de bons économistes, de bons administrateurs. Mais il manque de profils capables de faire le pont : ceux qui comprennent à la fois la technologie et la stratégie, la géopolitique et la donnée, l’économie et l’influence. C’est cette hybridation qui crée la puissance.
Le capital humain est déterminant pour deux raisons. La première est simple : sans analystes compétents, les données ne deviennent jamais des décisions. Elles restent des tableaux, des graphiques, des rapports. La seconde est plus profonde : les crises de demain ne seront pas techniques, mais systémiques. Elles exigeront de la créativité, du sang-froid, une pensée latérale, une capacité à comprendre ce qui n’apparaît pas encore dans les chiffres.
Un pays peut importer des technologies, mais pas l’intelligence stratégique. Le Maroc doit donc investir massivement dans la formation, la recherche, l’analyse et la montée en compétence de ses élites. Une nation se construit avec des talents ; une puissance se construit avec des stratèges.
Vous évoquez la nécessité d’un modèle marocain d’intelligence économique. Qu’est-ce qui empêcherait le Maroc de simplement adopter les modèles étrangers qui ont fait leurs preuves ?
Les modèles étrangers sont inspirants — américain, chinois, français, israélien, nordique, coréen. Mais aucun n’est transposable au Maroc. Un modèle national repose sur trois choses : la culture, l’histoire et les intérêts stratégiques. Copier un modèle étranger reviendrait à ignorer ce que nous sommes et ce que nous voulons devenir.
Les États-Unis s’appuient sur la puissance des Big Tech. La Chine sur la planification autoritaire. La France sur l’administration centrale. Israël sur l’écosystème militaire. La Corée sur les chaebols. Ces modèles fonctionnent parce qu’ils sont cohérents avec leurs sociétés. Ils ne fonctionneraient pas chez nous tels quels.
Le Maroc doit construire son propre modèle — méditerranéen, africain, ouvert, mais souverain. Un modèle qui combine notre agilité, notre diplomatie, notre jeunesse, notre potentiel énergétique, notre rôle continental. Un modèle où l’État coordonne, le privé innove, les régions analysent, les universités forment, la diaspora contribue. Nous devons inventer une intelligence économique qui ressemble à notre histoire et qui serve notre avenir.
Les États-Unis s’appuient sur la puissance des Big Tech. La Chine sur la planification autoritaire. La France sur l’administration centrale. Israël sur l’écosystème militaire. La Corée sur les chaebols. Ces modèles fonctionnent parce qu’ils sont cohérents avec leurs sociétés. Ils ne fonctionneraient pas chez nous tels quels.
Le Maroc doit construire son propre modèle — méditerranéen, africain, ouvert, mais souverain. Un modèle qui combine notre agilité, notre diplomatie, notre jeunesse, notre potentiel énergétique, notre rôle continental. Un modèle où l’État coordonne, le privé innove, les régions analysent, les universités forment, la diaspora contribue. Nous devons inventer une intelligence économique qui ressemble à notre histoire et qui serve notre avenir.
L’Afrique occupe une place centrale dans votre réflexion. Pourquoi pensez-vous que l’intelligence économique marocaine doit s’étendre au continent africain ?
L’Afrique est notre profondeur stratégique. Non pas pour des raisons idéologiques, mais économiques, géopolitiques et historiques. Le Maroc y est déjà un acteur majeur : banques, énergie, engrais, logistique, diplomatie. Mais pour sécuriser cette présence, il faut comprendre le continent avec finesse, et non avec des clichés.
L’Afrique est un espace de compétition intense. Les grandes puissances y sont présentes : Chine, Turquie, France, Golfe, États-Unis. Les narratifs circulent. Les influences s’affrontent. Les marchés se transforment. Les risques politiques changent vite. Sans intelligence économique continentale, le Maroc avance à l’aveugle.
Il faut cartographier les risques pays, anticiper les élections, comprendre les réseaux d’influence, protéger les entreprises marocaines, analyser les dynamiques sociales et informationnelles. Le Maroc ne doit pas seulement être présent en Afrique ; il doit comprendre l’Afrique. C’est là que se jouent une grande partie de nos opportunités futures — et de nos vulnérabilités potentielles.
L’Afrique est un espace de compétition intense. Les grandes puissances y sont présentes : Chine, Turquie, France, Golfe, États-Unis. Les narratifs circulent. Les influences s’affrontent. Les marchés se transforment. Les risques politiques changent vite. Sans intelligence économique continentale, le Maroc avance à l’aveugle.
Il faut cartographier les risques pays, anticiper les élections, comprendre les réseaux d’influence, protéger les entreprises marocaines, analyser les dynamiques sociales et informationnelles. Le Maroc ne doit pas seulement être présent en Afrique ; il doit comprendre l’Afrique. C’est là que se jouent une grande partie de nos opportunités futures — et de nos vulnérabilités potentielles.
Beaucoup voient l’intelligence artificielle comme une menace pour les emplois. Dans votre livre, vous la présentez comme un levier de souveraineté. Comment concilier ces deux visions ?
L’IA est une technologie ambivalente : elle crée autant qu’elle détruit. Mais ce qui détermine son impact, ce n’est pas la technologie en elle-même, mais la manière dont un pays l’intègre dans sa stratégie. Si l’on subit l’IA, elle détruit des emplois et crée de la dépendance. Si on la maîtrise, elle augmente nos compétences, nos entreprises, nos décisions et notre productivité.
Il faut être clair : l’IA supprimera des métiers répétitifs. Mais elle en créera d’autres — plus qualifiés, mieux rémunérés, plus stratégiques. Le problème n’est pas la disparition des emplois, mais l’absence de formation pour occuper ceux qui apparaissent.
Le Maroc doit donc former massivement ses talents, restructurer ses filières universitaires, créer des programmes de reconversion, investir dans la recherche et l’innovation. L’IA doit être utilisée pour protéger nos secteurs stratégiques, améliorer notre agriculture, optimiser nos ressources, renforcer nos infrastructures, moderniser nos services publics.
La question n’est pas “L’IA est-elle une menace ?”, mais “Sommes-nous prêts à en faire une opportunité ?”. Ceux qui maîtrisent l’IA ne craignent pas la technologie ; ils craignent de la laisser aux autres.
Il faut être clair : l’IA supprimera des métiers répétitifs. Mais elle en créera d’autres — plus qualifiés, mieux rémunérés, plus stratégiques. Le problème n’est pas la disparition des emplois, mais l’absence de formation pour occuper ceux qui apparaissent.
Le Maroc doit donc former massivement ses talents, restructurer ses filières universitaires, créer des programmes de reconversion, investir dans la recherche et l’innovation. L’IA doit être utilisée pour protéger nos secteurs stratégiques, améliorer notre agriculture, optimiser nos ressources, renforcer nos infrastructures, moderniser nos services publics.
La question n’est pas “L’IA est-elle une menace ?”, mais “Sommes-nous prêts à en faire une opportunité ?”. Ceux qui maîtrisent l’IA ne craignent pas la technologie ; ils craignent de la laisser aux autres.
Certains reprochent à l’intelligence économique d’être trop technocratique ou trop théorique. Comment rendre cette discipline utile, accessible et opérationnelle pour les décideurs marocains ?
L’intelligence économique ne doit jamais être un exercice académique. Si elle n’alimente pas la décision, elle ne sert à rien. Le premier moyen de la rendre utile est de la simplifier en la rendant opérationnelle : des outils clairs, des alertes précises, des analyses synthétiques, des tableaux de bord stratégiques, des scénarios plausibles. Les décideurs n’ont pas besoin de 200 pages ; ils ont besoin de 2 pages bien écrites.
Ensuite, il faut intégrer l’intelligence économique dans la gouvernance. Pas comme un département de plus, mais comme une fonction centrale : anticiper les risques, surveiller les tendances, sécuriser les secteurs vitaux, identifier les opportunités. L’intelligence économique doit être présente dans les régions, les secteurs, les entreprises, les administrations, les ministères.
Enfin, il faut diffuser une culture nationale de l’anticipation. Nous devons apprendre à regarder le monde autrement : moins dans la réaction, plus dans la projection. Le Maroc dispose de talents formidables, mais ils doivent être mobilisés. L’intelligence économique doit devenir une compétence partagée, pas un cercle fermé d’experts. C’est ainsi qu’elle deviendra une force nationale.
Ensuite, il faut intégrer l’intelligence économique dans la gouvernance. Pas comme un département de plus, mais comme une fonction centrale : anticiper les risques, surveiller les tendances, sécuriser les secteurs vitaux, identifier les opportunités. L’intelligence économique doit être présente dans les régions, les secteurs, les entreprises, les administrations, les ministères.
Enfin, il faut diffuser une culture nationale de l’anticipation. Nous devons apprendre à regarder le monde autrement : moins dans la réaction, plus dans la projection. Le Maroc dispose de talents formidables, mais ils doivent être mobilisés. L’intelligence économique doit devenir une compétence partagée, pas un cercle fermé d’experts. C’est ainsi qu’elle deviendra une force nationale.
Vous parlez beaucoup d’anticipation. Que signifie “anticiper” pour un pays comme le Maroc, et quelles erreurs devons-nous absolument éviter dans les années à venir ?
Anticiper ne signifie pas prédire. C’est apprendre à lire ce qui n’a pas encore de nom. C’est comprendre les tendances avant qu’elles ne deviennent des crises. Pour le Maroc, anticiper signifie surveiller les marchés mondiaux, les tensions géopolitiques, les risques climatiques, les dépendances technologiques, les mouvements informationnels, les vulnérabilités urbaines.
Les erreurs à éviter sont doubles. La première : croire que la stabilité actuelle est garantie. Elle est le fruit d’efforts constants ; elle doit être protégée. La deuxième : croire que les crises seront les mêmes que celles du passé. Les crises modernes sont numériques, informationnelles, logistiques, systémiques.
Le Maroc doit éviter trois pièges : la réaction tardive, la dépendance technologique non maîtrisée et l’illusion que la modernisation suffit à remplacer la stratégie. L’anticipation est une discipline exigeante, mais elle est à la portée du Maroc. Il suffit de mettre en place les outils, les talents et la culture nécessaires.
Les erreurs à éviter sont doubles. La première : croire que la stabilité actuelle est garantie. Elle est le fruit d’efforts constants ; elle doit être protégée. La deuxième : croire que les crises seront les mêmes que celles du passé. Les crises modernes sont numériques, informationnelles, logistiques, systémiques.
Le Maroc doit éviter trois pièges : la réaction tardive, la dépendance technologique non maîtrisée et l’illusion que la modernisation suffit à remplacer la stratégie. L’anticipation est une discipline exigeante, mais elle est à la portée du Maroc. Il suffit de mettre en place les outils, les talents et la culture nécessaires.
Si vous deviez résumer en une seule phrase ce que vous souhaitez transmettre avec ce livre, quelle serait-elle ? Et quel message adressez-vous aux jeunes générations qui construiront le Maroc de 2035 et au-delà ?
Si je devais résumer ce livre en une seule phrase, ce serait celle-ci :
“Un pays qui ne pense pas stratégiquement construit son avenir au hasard ; un pays qui maîtrise l’intelligence économique construit son avenir par choix.”
Aux jeunes générations, je veux dire ceci : vous vivez dans un monde plus complexe, plus rapide, plus exigeant, mais aussi plus ouvert que celui que nous avons connu. Vous êtes la génération des données, des réseaux, de la technologie, de l’Afrique, de l’IA. Vous avez des outils que nous n’aurions jamais imaginés. Utilisez-les pour servir votre pays, pas seulement pour suivre le monde. Le Maroc ne deviendra stratégique que si sa jeunesse l’est.
Vous devez apprendre à analyser, à anticiper, à douter, à vérifier, à comparer, à innover. Ne soyez pas prisonniers de l’urgence ; soyez architectes de la vision. Le Maroc a besoin de femmes et d’hommes qui comprennent leur époque et qui osent la façonner. Vous n’héritez pas seulement d’un pays : vous héritez d’un potentiel. À vous de le transformer en puissance.
“Un pays qui ne pense pas stratégiquement construit son avenir au hasard ; un pays qui maîtrise l’intelligence économique construit son avenir par choix.”
Aux jeunes générations, je veux dire ceci : vous vivez dans un monde plus complexe, plus rapide, plus exigeant, mais aussi plus ouvert que celui que nous avons connu. Vous êtes la génération des données, des réseaux, de la technologie, de l’Afrique, de l’IA. Vous avez des outils que nous n’aurions jamais imaginés. Utilisez-les pour servir votre pays, pas seulement pour suivre le monde. Le Maroc ne deviendra stratégique que si sa jeunesse l’est.
Vous devez apprendre à analyser, à anticiper, à douter, à vérifier, à comparer, à innover. Ne soyez pas prisonniers de l’urgence ; soyez architectes de la vision. Le Maroc a besoin de femmes et d’hommes qui comprennent leur époque et qui osent la façonner. Vous n’héritez pas seulement d’un pays : vous héritez d’un potentiel. À vous de le transformer en puissance.
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