Entreprises en difficulté : Réalité ou désinformation ?


Rédigé par La rédaction le Mercredi 19 Novembre 2025

La polémique autour du nombre supposé record de faillites d'entreprises au Maroc a pris une ampleur démesurée, alimentée par des chiffres largement exagérés relayés par des sources privées. Après l’orage médiatique, le ministre Ryad Mezzour a pris les devants pour éclaircir la situation. Pourtant, les déclarations du ministre soulevant des questions sur la fiabilité des chiffres font naître de nouveaux débats. Est-ce un excès de prudence ou une réelle volonté d’apporter de la clarté ? L’heure est venue de déconstruire les mythes et d'analyser la réalité derrière les chiffres.



Les informations sur les faillites d’entreprises au Maroc ont récemment pris des proportions alarmantes, notamment avec les révélations de certaines études privées qui ont chiffré ces fermetures à des niveaux bien supérieurs aux données officielles. Selon ces sources, près de 16 000 entreprises auraient disparu en 2025. Pourtant, le ministre de l’Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour, a tenu à rectifier le tir. Pour lui, la réalité est bien différente : « Le nombre d’entreprises officiellement en faillite, tel que défini par la justice marocaine, ne dépasse pas les 5 000 dossiers », a-t-il précisé. Mais pourquoi une telle différence entre les chiffres relayés et les données officielles ?

Mezzour explique que les chiffres gonflés proviennent souvent de bases de données payantes où les entreprises radiées ou dont l’activité a cessé sont automatiquement classées comme faillites. Un problème de méthodologie, souligne-t-il, qui fausse totalement l’analyse de la situation économique. En effet, selon le ministre, seule la justice a le pouvoir de déclarer une entreprise en faillite. Autrement dit, les entreprises dont l’activité est suspendue ou gelée ne devraient pas être comptabilisées comme des défaillances.

Cette confusion, selon Mezzour, trouve en partie son origine dans la structure particulière du tissu économique marocain. Actuellement, le Maroc compte environ 650 000 entreprises inscrites à la CNSS, mais seulement 230 000 d’entre elles sont réellement actives. Les autres, gelées ou inactives, ne doivent en aucun cas être assimilées à des faillites. Ces statistiques faussées soulèvent plusieurs questions : pourquoi tant de structures inactives ? Sont-elles victimes d’un manque d’accompagnement ? Un ralentissement de l’investissement et des liquidités ?

Il est également important de noter que malgré ces disparitions, l'économie marocaine continue d'afficher un certain dynamisme. Chaque année, ce sont près de 100 000 nouvelles entreprises qui voient le jour, témoignant de l’enthousiasme entrepreneurial des Marocains. Pour Ryad Mezzour, ce chiffre témoigne de la vitalité et de l’esprit d'initiative des entrepreneurs marocains. Bien sûr, ce dynamisme est loin de signifier que tout va pour le mieux. Le ministre admet que la disparition de certaines structures est un phénomène naturel dans toute économie ouverte. Entre la concurrence, l'évolution des technologies, et les modèles économiques parfois fragiles, les entreprises en difficulté font partie intégrante du paysage économique.

Cependant, cette réalité soulève un questionnement sur l'efficacité de l'accompagnement et des dispositifs d’aide aux PME, notamment face à la corruption et aux pratiques déloyales qui fragilisent encore davantage les plus vulnérables. L'État, dans sa réponse, met en place des réformes pour encadrer les pratiques économiques : une réforme des marchés publics pour favoriser les petites et moyennes entreprises, mais aussi une action forte sur les délais de paiement.

La réforme des délais de paiement : Une solution pour les PME ?

Une des avancées majeures du gouvernement, selon le ministre, est la réforme des délais de paiement, un des défis récurrents pour les PME marocaines. En effet, pendant trop longtemps, les grandes entreprises ont pris l’habitude de retarder les paiements, mettant ainsi les petites structures dans une situation financière précaire. Depuis l’introduction d’amendes progressives pour les retardataires, une dynamique a été lancée. Ces amendes, qui ne sont plus renvoyées aux entreprises mais directement vers le Trésor public, ont permis de collecter près de 2 milliards de dirhams en un an. Une somme significative, mais qui fait aussi écho à une réalité : la régulation dans un environnement encore trop favorable aux plus puissants.

Le ministre ne cache pas que cette réforme a permis de réduire les abus de paiement, en particulier parmi les grandes entreprises, qui doivent désormais respecter les délais sous peine de sanctions directes. Pour Ryad Mezzour, cela constitue une avancée significative pour restaurer la confiance dans le système économique, et particulièrement dans le secteur des PME, qui constitue le poumon économique du pays. Mais à quel point ce système sera-t-il suffisant pour protéger les petites entreprises, face à une concurrence de plus en plus globale et féroce ? Et surtout, ces réformes sont-elles suffisantes pour compenser la faiblesse structurelle des PME marocaines ?

L’illusion des chiffres : Une fausse analyse des faillites ?

Le débat autour de l’exactitude des chiffres sur les faillites met en lumière un phénomène plus vaste : la difficulté de dresser un état des lieux précis de la santé économique du Maroc. Chaque donnée, chaque chiffre peut être interprété différemment, et c’est là que réside tout le défi pour les responsables économiques du pays. Si la rectification des chiffres par le ministre Ryad Mezzour est salutaire, elle soulève également des questions sur la méthodologie utilisée par les différents acteurs économiques, publics comme privés.

Est-il nécessaire de revoir les outils d’analyse et les bases de données utilisées par les institutions privées pour garantir une plus grande transparence ? Si l’on veut réellement comprendre les raisons derrière la disparition des entreprises, il faudra aller au-delà des simples chiffres et s’attaquer aux causes profondes, telles que le financement, la compétitivité et la gouvernance.

Au final, le débat sur les faillites d’entreprises ne se résume pas à une simple question de chiffres. Il soulève des enjeux de méthodologie, de gouvernance et de transparence dans l’analyse économique. Si l’économie marocaine continue d'afficher un dynamisme indéniable, il reste encore beaucoup à faire pour soutenir véritablement les entreprises en difficulté et offrir aux nouvelles structures un cadre propice à leur développement. Le véritable défi reste celui de réconcilier croissance économique et justice sociale, dans un contexte où les PME, moteur de l’économie, demeurent vulnérables face aux fluctuations du marché.




Mercredi 19 Novembre 2025
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