Et si la Tunisie nous préparait un printemps nouveau ?


Rédigé par Hicham Aboumerrouane le Lundi 26 Juillet 2021



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Si la Tunisie ne s’est pas faite en un jour, risque-t-elle de capoter, payer les pots d’une scission qui se découpe à l’horizon? Ou devrait-on se fier à la rengaine sans concession de Feu SM Hassan 2 qui répondit du tac-au-tac à un journaliste brumeux, de mauvais augure : « La Tunisie est un peuple, on ne déstabilise pas un peuple »…et de rajouter «  On peut faire à ce que ce pays marche claudiquant, ou en peinant… ».

Et si nous reposions sur ce second tronçon pour amorcer une lecture actuelle ? N’est-ce pas que la marche du pays soit en « suspens », et ce n’est pas tant s’immiscer dans ses affaires, que d’éclairer notre lanterne…n’est-ce pas que notre « arabité » fut doublé d’un printemps qui nous chapeaute tous ? et que ce parapluie « nouveau » qui abrite nos soubresauts démocratiques, et autres rétrogrades, ce sac et ressac, départagés  de par des tiraillements adverses, chacun prêchant pour sa paroisse, certains dogmatiques, d’autres se réclamant d’un universalisme sonnant et trébuchant ? n’est-ce pas que la démocratie réponde aux prérequis dogmatiques, et que son crédo n’est rien, qu’un autre « Il faut ! » ?

Sauf que cet élan, vent nouveau, se voit dinguer contre les barricades signées de par le cru d’une réalité, parfois abjectes. Car le soubassement est là, est-il propice pour accueillir dans son sein une Tunisie nouvelle ? Mais de quelle Tunisie parlons-nous ? Ne nous évadons  pas jusqu’aux Carthaginois, Capsiens ou Romains, limitons-nous plutôt à ce que nous vîmes de nos yeux sans découpes ni fanfaronnade.

Passée la Tunisie monarchiste, l’ère Bourguiba, il y’eut la Tunisie d’avant-peu 2011, un quart de siècle sous la coupe de Ben Ali, où sévirent, selon les langues qui se délièrent après coup, autoritarisme, et corruption à des échelons spectaculaires. Deux vecteurs incendiaires qui eurent pour résultante, le drame Bouazizi qui fit sauter le couvercle de la marmite tunisienne. Ben Ali eut beau se rendre, toute bonhomie, au chevet du marchand ambulant porte-étendard de ce « vent nouveau », auto-brûlé, et pour cause,  un excès de zèle policier, emblème d’une Tunisie sous botte,  que cela ne fut rien à l’affaire…la rue fut bariolée de banderoles, et les tunisiens en masse scandaient le fameux «  Dégage ! ».

Comme si ce feu qui couvait se devait transiter de par un quidam savamment chargé de ces « dynamites du malheur »… Ben Ali, fit un emprunt au fameux De Gaulle, ne dit-il pas «  Je vous ai compris »… une incantation qui tomba en panne, l’enchantement fut celui de la masse, se libérant d’une vieille botte. N’est-ce pas, comme le dit si familièrement Feu SM Hassan 2, en demandant, de prime abord, de lui passer l’expression, que les gens aimaient voir de nouvelles « gueules »…

Disons que pour la Tunisie, cet amour qui glougloute finit par toucher un mot au désamour de Ben Ali. Avons-nous fini de relever ce « caprice » ? ce « fait d’homme » serait-ce chez les démocraties les plus tapantes ? Non. La Tunisie donna le « la » à ce printemps balbutiant, ne sachant où poindre, ne dit-on, après constat que les pays arabes avaient plutôt besoin d’une « révolution lente » que d’une « révolution » ajoutons «  abrupte » ?

Le printemps « pernicieux » ? pour les uns, « opportun » pour d’autres, finit par se jouer de la tête légère de quelques pays, pris de court, traversés par un séisme de caprices, jusqu’être l’ombre d’un pays, pour d’autres, ils se cherchent encore, mais vont-ils jamais se trouver ?

Pour la Tunisie, foyer, non pas d’une « gangrène » c’est trop dire, mais d’un « printemps » chaotique qui peina à déboucher, à la manière d’un bigbang, ou de la maxime Nietzschéenne qui fait de l’étoile dansante la fille légitime du chaos,  sur un ordre pérenne. Ou que cela requiert davantage de temps que notre patience daigne nous impartir ? Le «  Je vous ai compris » tomba à l’eau, et avec l’ère Ben Ali, qui se sauva en Arabie Saoudite jusqu’à y périr.

Trois présidents se succédèrent, Essebsi, moderniste, laïc, Marzouki, dans sa volonté de ménager la chèvre le chou, à savoir islamistes et modernistes essuya une défaite en chiffres, et Kaïs Saïd, le juriste, de lui emboiter le pas…mais pour combien de temps ? un professeur de droit constitutionnel, mais qui omit, de bonne ou de mauvaise foi, d’équiper son pays d’une cour constitutionnel ? N’est-ce pas là un minimum ?

Une cour nécessaire au déchiffrage des derniers agissements en date, aux dehors mal jugées, de l’aval du président. Des dehors, pour qui, l’estampille «  anti-démocratique », serait, dans la bouche de certains, un euphémisme de trop. Le président en place planta le décor… de qui ? de hauts gradés militaires tissant  un discours « prussien » et d’un lourd poing sur la table ! le président juriste mit la casquette ou les galons  du chef des armées, et d’activer d’un ton martial l’article 80 qui donna lieu au gel des activités de l’assemblée des députés, et de faire sauter son président, et avec le premier ministre…après concertations, selon ses dires, pour rester conforme aux latitudes de la constitution.

Autre son de cloche chez l’adversaire islamiste, qui dédit son président, et de renchérir en mots acerbes et évocateurs que le président perpétra un coup d’État et contre la « constitution » et contre la « révolution ». Évocateurs ? n’est-ce pas que ce sont-là deux repères ancrés dans l’inconscient collectif  tunisien d’après 2011 ? Encore faut-il les mettre dans la bonne bouche… car le parti « Ennahda » ne semble pas être en odeur de sainteté chez nombre de tunisiens sortis extérioriser  leurs désarrois dans les rues, certains réclamant la dissolution du parlement ( ce qui n’est pas prévu par la constitution), c’est dire que le président en place usa du comble de ses prérogatives qui, au mieux, garantissent le gel précité…

D’autres, plus enflammés, réclament la chute du régime. Doit-on rappeler de ces faits monstres pour appuyer cette rage citoyenne ? Un dinar dévalué de moitié en dix ans, l’informel qui s’accapare un emploi sur deux, gestion catastrophique du Covid, le vaccin en traine, des citoyens qui s’endettent pour payer leurs factures d’eau et d’électricité, la fonction publique qui ronge 80 % du budget de fonctionnement de l’État, et quelle service publique ? N’est-ce pas que la Tunisie nouvelle s’est constituée autour de la « chose » publique, et qu’en voir la décrépitude offusque au plus haut point…

Certains ne manquent pas de faire du « Tout ça pour ça » leur affaire, sous-entendu que c’est un mauvais deal que de troquer une meilleure assise économique des temps dictateurs, contre la seule liberté d’expression,  c’est que cette bouche qui parle, réclame un pain digne, et quotidien…

Alors que le président fait allusion aux  « inquiétudes » de son conseil, qui n’est autre que sécuritaire, y aligne les directives qui suivent   jusqu’à brandir un ton de menace envers ceux qui s’aventureraient à prendre les armes,  et de dire que pour une balle, en face il y aurait une flopée d’autres… parlent de ce parti majoritaire qui semble semer la zizanie jusqu’investir en vue d’une instrumentalisation politique et  les magistratures, et les médias, et de se demander où est passée la démocratie ?

D’autres, intarissables en reproches, retournent cette même arme au calibre « démocratique » contre son détenteur, voient d’un œil mauvais cette ruée soudaine sur l’appareil démocratique… soudaine ? non, car le président dit bien que cela se devrait être fait il y a bien des mois…

Des mois où la colère populaire exprime son ras-le-bol à l’encontre de cette « mosaïque » parlementaire et ses éternels «  Tu me fais, je te fais » au lieu que d’agir de concert pour redresser une Tunisie mal en point… Sommes-nous à la veille d’un printemps nouveau ? Quelles leçons retenir ? Surtout quelles retombées ?  




Lundi 26 Juillet 2021
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