Et si les Français demandaient bientôt la carte AMO ?


Rédigé par La rédaction le Mercredi 16 Juillet 2025

Le Maroc investit plus de 40 MMDH en 2026 dans la protection sociale. Une stratégie audacieuse qui pourrait bientôt faire pâlir l’Europe :
Le Maroc injecte plus de 40 milliards de dirhams pour généraliser la protection sociale.
Assurance maladie, retraite, indemnisation chômage : vers un modèle universel ?
Derrière les chiffres, une stratégie politique pour préserver la cohésion nationale.



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Une couverture sociale marocaine en pleine mutation

Il y a quelques années à peine, personne n’aurait imaginé que le Maroc puisse se retrouver en position d’inspirer d'autres pays sur la question de la protection sociale. Pourtant, à mesure que les filets de sécurité se déchirent en Europe, notamment en France, et que les systèmes publics de santé y s’enlisent dans la bureaucratie et le sous-financement, le Royaume semble tracer un chemin inverse. Le Chef du gouvernement, vient d’annoncer que les dépenses liées à la protection sociale atteindront près de quarante et un milliards de dirhams dès 2026. Un chiffre qui n’a rien d’anecdotique : il traduit une volonté de refonder le pacte social, bien au-delà des discours.

À ce rythme, on se demande sérieusement si, d’ici quelques années, ce ne seront pas les Français en quête de soins décents qui viendront frapper à la porte du Maroc pour une carte AMO. Si l’image peut sembler provocatrice, elle révèle une inversion symbolique des pôles : d’un côté, des pays occidentaux qui peinent à préserver leurs acquis sociaux ; de l’autre, un pays du Sud qui tente de les construire, brique par brique, pour toutes ses populations, même les plus précaires.

Un chantier à plusieurs étages… mais des fondations solides ?

Le gouvernement marocain annonce fièrement que le financement de la réforme sociale a atteint trente-deux milliards de dirhams en 2024, et qu’il grimpera encore l’année prochaine. Cela ne s’est pas fait du jour au lendemain : la généralisation de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO), la mise en place du programme « AMO-Tadamon », l’élargissement des régimes de retraite aux indépendants, ou encore la promesse d’un mécanisme d’indemnisation chômage pour les salariés d’ici fin 2025, marquent des étapes importantes.

Mais au-delà des chiffres, c’est un changement de philosophie que tente de porter le Maroc : celui d’un État qui ne laisse plus les citoyens sur le bord de la route. Dans les campagnes comme dans les centres urbains, l’accès aux soins, aux allocations sociales et à une retraite digne devient peu à peu une réalité, même si le chemin est encore long.

La nouveauté réside aussi dans le fait que cette couverture n’est plus un privilège lié au statut, mais une promesse nationale, portée par un État qui affirme, du haut de ses limites budgétaires, que la dignité n’a pas de prix.

Le gouvernement marocain ne s’en cache pas : cette réforme n’est pas un simple habillage social, mais un « choix stratégique » à part entière. Autrement dit, le social devient un levier de gouvernance. Dans un pays où les inégalités territoriales sont criantes, où la jeunesse peine à croire aux discours officiels, et où la pression sur le pouvoir d’achat reste constante, l’État tente une contre-offensive politique par la redistribution.

Cette ambition s’inscrit dans une continuité impulsée par SM le roi Mohammed VI, dont les discours insistent de plus en plus sur la justice sociale, l’inclusion, et la refonte du modèle de développement. Il s’agit donc aussi de stabilité politique. Car on le sait : là où l’État social se délite, la colère populaire trouve souvent d’autres canaux d’expression, parfois violents.

Alors, construire une sécurité sociale universelle au Maroc, c’est peut-être moins une affaire de compassion que de lucidité politique. Une manière de prévenir ce que d’autres nations, à bout de souffle, peinent à contenir : la rupture du contrat social.

​Mais à quel prix ? L’équation budgétaire reste fragile et une réforme encore inégalitaire dans ses effets !

Si les annonces sont ambitieuses, la question du financement reste épineuse. En dépit des milliards injectés, personne n’ignore que les caisses de l’État marocain ne sont pas inépuisables. La hausse continue des dépenses sociales pourrait rapidement se heurter à des contraintes fiscales sévères, notamment en période de ralentissement économique ou de sécheresse prolongée.

Qui va vraiment payer ? Les classes moyennes, déjà pressées comme des citrons par l’inflation ? Les entreprises, confrontées à un environnement fiscal incertain ? Ou les générations futures, à qui l’on transmettra une dette sociale de plus en plus lourde ?

Autre incertitude : la capacité de l’administration à absorber et gérer efficacement cet afflux massif de bénéficiaires. La bureaucratie marocaine, souvent lente et inadaptée, pourra-t-elle faire face à cette transition sans générer de frustration ni de désillusion ?

Malgré les beaux discours sur l’universalité, certains territoires restent mal desservis. L’accès aux soins en zone rurale, la qualité des hôpitaux publics, ou encore la lenteur des remboursements, freinent l’impact réel de la réforme. De plus, le secteur informel, toujours massif, demeure difficile à intégrer pleinement aux dispositifs.

On est donc encore loin d’un système scandinave. Le modèle marocain reste en construction, imparfait, parfois incohérent. Et il faudra du temps  et beaucoup de volonté politique  pour faire en sorte que la promesse d’une couverture sociale pour tous devienne autre chose qu’un slogan technocratique.

La situation n’est pas sans ironie : Quand le Maroc inspire l’Europe ?

Tandis que les Français descendent dans la rue pour défendre leur sécurité sociale, les Marocains, eux, voient peu à peu se construire un édifice qu’ils n’osaient plus espérer. La carte AMO devient presque un symbole de renaissance sociale, là où les cartes Vitale et les mutuelles européennes ressemblent parfois à des reliques d’un passé glorieux.

Le Maroc n’est pas encore un paradis social. Mais il avance, pas à pas, sur un terrain que bien des nations plus riches abandonnent en rase campagne. Peut-être, dans un futur pas si lointain, verra-t-on s’inverser les flux migratoires… non pas pour travailler, mais pour se soigner.

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Mercredi 16 Juillet 2025
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