Et si nous devenions (vraiment) un régime parlementaire…


Les protestations abondent et la contestation gronde… Entre les restrictions, l’inflation et le manque de communication, voire parfois même de décision du gouvernement, les nerfs des uns et des autres sont soumis à rude épreuve.



Par Aziz Boucetta

A lire ou à écouter en podcast :  (2.15 Mo)

Les protestations abondent et la contestation gronde… Entre les restrictions, l’inflation et le manque de communication, voire parfois même de décision du gouvernement, les nerfs des uns et des autres sont soumis à rude épreuve. Le gouvernement Akhannouch fait certainement ce qu’il peut, mais la société demande plus. Or, nous sommes supposés être dans un Etat de droit, qui présuppose l’existence d’un parlement qui veille et qui contrôle, qui doit donc surveiller et tenir son rôle.

Aujourd’hui, au Maroc, nous avons une structure politique, partisane pour être plus précis, cohérente et ramassée. Le trio RNI-PAM-Istiqlal tient solidement les rênes d’à peu près toutes les institutions élues, les deux Chambres, les Régions, les communes et les chambres professionnelles. A la Chambre des représentants, la majorité prospère sur un très confortable matelas de 270 députés, soit les deux tiers de l’effectif, pulvérisant la simple majorité de 197 élus.

Or, les deux partis qui ont accompagné le RNI à l’Olympe sont le PAM et le parti de l’Istiqlal, anciens farouches adversaires de leur allié actuel, le RNI. Il existe certes cette contrainte de solidarité gouvernementale et donc au sein de la majorité aussi, mais les parlementaires du trio peuvent avoir des dissensions et des frictions ou, plus simplement, des interrogations et des suggestions.

Depuis la formation de la majorité, deux événements législatifs sérieux se sont produits dans l’enceinte parlementaire, en l’occurrence le très légal (et peut-être un peu moins légitime) retrait du Code pénal et de la loi 03-19 sur le domaine public… Il aurait été utile que les députés de la majorité s’en inquiètent et s’en interrogent, puisque ceux de l’opposition sont dispersés pour les uns, bouleversés pour les autres qui auraient voulu être à la majorité.

Puis nous avons d’autres questionnements… la sortie de crise, le stress hydrique aggravé par l’une des pires sécheresses que nous ayons connu eau 21ème siècle, l’augmentation des prix de l’énergie et surtout, avant tout, la très forte inflation perçue par la population et qui diffère de l’inflation savamment calculée par les organismes d’Etat et le gouvernement.

Sur nos terres, les lois proviennent rarement d’une initiative parlementaire, les élus se contentant de voter et d’adopter les propositions législatives soumises par le gouvernement. Ils en ont parfaitement le droit, mais un parlement, c’est aussi fait, c’est essentiellement fait pourrions-nous dire, pour prendre l’initiative des lois ou s’inquiéter de certaines dispositions du gouvernement en matière législative, comme les deux retraits de textes susmentionnés.

Dans toutes les grandes démocraties, nous assistons souvent à des remises en question des pouvoirs exécutifs par leurs pendants législatifs. Les « frondeurs » en France du temps de la présidence Hollande, les pressions exercées sur le gouvernement Sanchez en Espagne par ses propres alliés, les sévères remontrances adressées par sa propre majorité à Boris Johnson pour ses petites agapes en pleines restrictions Covid, les difficultés de Joe Biden avec l’élu de sa majorité Joe Manchin pour le projet de loi sur les dépenses sociales… C’est ainsi que cela se passe dans les grandes démocraties, et la question de savoir si nous en sommes une mérite d’être posée. La réponse appartient aux deux Chambres, à leurs députés et à leurs présidents, principalement à celui de la 1ère Chambre, Rachid Talbi Alami, un vétéran du parlement et de la politique marocaines. Il n’est en effet pas interdit de proposer, voire de s’opposer, et même, simplement, d’oser…

« La loi est l'expression suprême de la volonté de la nation », nous enseigne la constitution, et ce sont les parlementaires qui la font, devenant de fait l’incarnation de cette « expression suprême » de la volonté populaire. « L’expression suprême » peut être vociférante et sarcastique, rebelle et perfide, grandiloquente et même impertinente, brouillonne et parfois, souvent bouffonne, mais elle se doit d’être utile.

Notre parlement a la configuration idéale pour « faire du parlement »… Plus de jeunes, davantage de diplômés, majorité compacte, conduite par des anciens expérimentés. Et notre gouvernement est truffé de compétences formées dans les meilleures écoles d’ici et d’ailleurs. D’ici à 2026, le gouvernement peut changer, et même le chef du gouvernement peut partir (sur décision personnelle), mais le parlement, lui, restera, sauf crise institutionnelle.

Il serait dommage, regrettable et très fortement préoccupant que le parlement continue d’être cette chambre d’enregistrement des décisions gouvernementales et oublie ce qu’il est supposé être, en l’occurrence l’incarnation des aspirations populaires pour un régime véritablement parlementaire.

Le parlement ne doit plus être le serviteur de la volonté du gouvernement mais l’exécuteur de la volonté du peuple, car le pays n'a plus de temps à perdre.

Rédigé par Aziz Boucetta sur  Panorapost


Samedi 19 Février 2022

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