Pendant longtemps, le lait au Maroc, c’était une histoire de fierté nationale. Une filière organisée, des coopératives dynamiques, des vaches à l’herbe, et un marché intérieur en expansion. Mais depuis quelques années, quelque chose se gâte dans la baratte.
Le climat a tourné, et avec lui, le lait aussi. Les sécheresses récurrentes ont asséché les pâturages. Le maïs fourrager a vu son prix s’envoler comme un ballon de foot en finale. Les éleveurs, eux, boivent la tasse. Certains bradent leur bétail, d’autres raccrochent la trayeuse. Le SIAM 2025 le sait bien : il consacre à cette filière des sessions entières de réflexions et d’alerte.
On y parle d’innovation alimentaire, de races locales plus rustiques, de stratégie de repeuplement, de valorisation du petit lait, et même de diversification. On fantasme le jour où une vache Oulmès-Zaer, fière et musclée, deviendra la mascotte d’un lait 100% marocain, bio, équitable, vendu en circuit court. Le storytelling est là. Reste à aligner la logistique.
Car la filière souffre de contradictions. Elle veut être moderne, mais elle dépend d’aliments importés. Elle veut être équitable, mais les petits producteurs gagnent à peine de quoi s’acheter une galette de pain. Elle veut être résiliente, mais elle reste fragile face à chaque choc climatique.
Et puis il y a l’ombre des grandes laiteries, les contrats léonins, les normes impitoyables. Il y a aussi les consommateurs qui, entre l’ultra-frais, le lait végétal, et le yaourt aux graines de chia, ne savent plus trop à quelle bouteille se vouer.
L’avocat du diable : le lait de la discorde
Le lait marocain a longtemps été un symbole de progrès rural. Mais n’est-il pas devenu, aujourd’hui, un système à bout de souffle ? Un modèle intensif, basé sur l’importation d’aliments, sur la standardisation de la production, sur la dépendance à un climat de plus en plus instable. Peut-être faut-il se poser une vraie question : faut-il produire autant de lait partout, ou repenser la géographie et les usages de cette production ? Peut-être que l’avenir du lait, ce n’est pas plus de lait, mais mieux de lait.