Flow toxique et fumée morale : le prix d’une liberté mal chantée


Rédigé par le Lundi 30 Juin 2025

Un parent marocain dénonce la dérive artistique actuelle : entre paroles vulgaires et apologie de la drogue, l’art devient poison pour la jeunesse :
Quand la musique cesse d’élever pour devenir un vecteur de déchéance morale.
Une réflexion désolée sur le rôle des artistes face à une jeunesse vulnérable.
Redonner à nos enfants des modèles qui construisent plutôt que ceux qui consument.



Concert pour un naufrage : quand une certaine scène tue l’âme

Je ne suis ni juge, ni censeur. Juste un père marocain, de cette génération qui croit encore que l’art peut guérir, rassembler, élever. Et quand je vois ce qu’est devenue la scène aujourd’hui, je ressens plus qu’un malaise. C’est une tristesse profonde, une sorte de désespoir lucide. Car ce que certains osent encore appeler « musique » n’est bien souvent qu’un vacarme toxique, un poison sonore déguisé en performance, qui s’infiltre dans les veines d’une jeunesse déjà en quête de repères.

Autrefois, la scène était un sanctuaire. Un espace où les mots avaient du poids, où la rime était subtile, où la musique servait à panser les plaies ou à transmettre un message. Aujourd’hui, certains artistes — du moins ceux qui s’en revendiquent — transforment la scène en laboratoire de provocation, en laboratoire de déconstruction morale. On ne parle plus d’élever l’âme. Non. On caresse les bas instincts, on glorifie la déchéance, on chante la drogue comme on vanterait un parfum. Et tout cela, au nom de la liberté artistique.

Mais la liberté sans responsabilité n’est qu’un masque pour l’impunité. Une dérive décorée de lumières LED, mais qui n’a rien de lumineux. Il y a une frontière entre émancipation et effondrement. Cette frontière, certains la piétinent volontairement. Et ce ne sont pas eux seuls qui tombent, mais ceux qu’ils entraînent dans leur chute : notre jeunesse.

Le plus douloureux dans cette histoire, c’est de voir des enfants reprendre en chœur des paroles dont ils ne comprennent pas le sens, mais dont ils absorbent l’énergie. Ils apprennent à banaliser la vulgarité, à considérer la provocation comme un acte artistique, à voir la drogue non plus comme un fléau, mais comme un accessoire scénique.

Et qui pourrait les en blâmer totalement ? Quand des milliers de spectateurs ovationnent des textes vides, quand les plateformes de streaming promeuvent ces chansons en boucle, quand les clips regorgent d’images suggestives et de fumées grisâtres… C’est tout un écosystème culturel qui devient complice.

Le danger, ce n’est pas la musique en elle-même. Le danger, c’est ce que certains en ont fait. Un vecteur d’anesthésie morale, un outil de désensibilisation à la violence verbale, au nihilisme, à la consommation de substances illicites. Et dans ce vacarme assourdissant, ce n’est pas seulement le silence qu’on tue : c’est la pensée.

Je m’adresse ici aux pères et mères. Aux familles marocaines qui s’efforcent chaque jour de transmettre des valeurs, malgré les pressions de la modernité et les vents contraires des réseaux sociaux. Ce combat est injuste, épuisant. Mais il est vital.

Nous ne pourrons pas couper toutes les sources de ce poison. Mais nous pouvons vacciner nos enfants contre ses effets. Comment ? En leur donnant d’autres horizons. En leur montrant que le monde ne se résume pas à un flow tapageur ou à des punchlines creuses. En leur offrant l’accès à d’autres formes de créativité, plus exigeantes, plus porteuses.

Il ne s’agit pas de diaboliser un genre musical ou de s’arc-bouter sur le passé. Il s’agit de retrouver le sens. Le sens de l’art, le sens de la transmission, le sens de la dignité.

À chaque beat qui abrutit, il faut opposer une ligne de code qui construit.
À chaque clip qui pousse à la consommation, opposons une expérience scientifique qui stimule la réflexion.
À chaque artiste qui cultive l’indécence, mettons en lumière ceux qui cultivent la terre, ceux qui programment l’avenir, ceux qui innovent en silence.

La technologie n’est pas l’ennemie de la culture. Bien au contraire. Elle peut en être la plus belle alliée. Les domaines comme l’intelligence artificielle, la cybersécurité, les énergies vertes, l’entrepreneuriat digital… ne sont pas des utopies inaccessibles. Ce sont des sentiers possibles. Il faut juste les tracer, les rendre visibles, les incarner.

Car le jour où un adolescent marocain ressentira plus de fierté à créer une application qu’à rapper une insulte, nous aurons franchi une étape. Le jour où une jeune fille préférera fabriquer un drone que danser pour un clic, ce sera une victoire collective.

Toutes les modes passent. Toutes. Ce vacarme aussi s’essoufflera. Mais ce qui restera, ce sont les savoirs transmis, les disciplines intériorisées, les rêves construits sur des fondations solides.

Le Maroc avance, malgré tout. Il bouge, il crée, il pense. Mais il ne pourra jamais construire sur du sable. Il nous faut retrouver l’épine dorsale : éthique, esthétique, éducation.

Ce n’est pas un appel au boycott, ni à la censure. C’est un appel au réveil. Un appel désespéré, peut-être. Mais sincère. Comme celui d’un parent qui voit son enfant s’éloigner, happé par un mirage sonore.

Car le vrai spectacle n’est pas celui qu’on donne sur scène. Le vrai spectacle, c’est ce que deviennent ceux qui l’écoutent.

​Je ne citerai pas ton nom, non. Pas par peur. Par pitié.

Car ton art n’est pas un flambeau, c’est une torche qui brûle dans le vide.

Mais nous, parents marocains, ne céderons pas. Nous continuerons à croire que nos enfants méritent mieux que des rimes qui salissent, mieux qu’un show qui détruit. Ils méritent des outils, des savoirs, des perspectives.

Et surtout, ils méritent qu’on leur dise la vérité : ce que tu fais n’est pas de l’art. C’est une diversion. Et nous avons mieux à leur offrir.




Lundi 30 Juin 2025
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