Forêts sous stress, biodiversité en alerte : le Maroc face aux dérèglements écologiques


Rédigé par La rédaction le Samedi 21 Juin 2025



Un recul inédit des feux… grâce au climat ?

Moins de feux de forêt, mais davantage de dépérissement des arbres, une recrudescence des ravageurs, un enneigement quasi nul et des températures extrêmes : l’année 2024 révèle les tensions croissantes qui pèsent sur les écosystèmes naturels marocains. Le réchauffement climatique ne se contente plus de menacer l’agriculture et l’eau : il attaque aussi les forêts, la biodiversité et la santé des milieux vivants.

Selon l’Agence Nationale des Eaux et Forêts (ANEF), seulement 873 hectares de forêts ont été détruits par les flammes en 2024, contre 6 100 hectares en 2023 et plus de 22 000 en 2022. Cette baisse spectaculaire s’explique en partie par une météo moins propice aux incendies : printemps humide au nord, absence de vents chauds en juillet.

Mais ce chiffre rassurant cache une autre réalité : la santé des forêts marocaines se détériore. Le dépérissement des pins, des cèdres et des chênes verts s’accélère, surtout dans le Moyen Atlas, les zones montagneuses du Rif et les forêts du centre. En cause : sécheresse prolongée, canicules à répétition, stress hydrique chronique, attaques de ravageurs (notamment les scolytes) et faible régénération naturelle.

Les perturbations affectent l’ensemble de la biodiversité. Le stress climatique affaiblit les arbres, ce qui facilite les attaques parasitaires. La raréfaction de l’eau réduit les zones humides, essentielles aux amphibiens et aux oiseaux migrateurs. La disparition des haies et des corridors écologiques accentue l’isolement des espèces. Résultat : des déséquilibres en cascade, des migrations précoces ou tardives, et des extinctions locales.

Les écosystèmes forestiers jouent pourtant un rôle vital : stockage du carbone, filtration de l’eau, régulation du climat local, refuge pour la faune. Leur affaiblissement met en danger la résilience écologique du pays.

Face à cette menace silencieuse, des réponses existent. Il s’agit d’adopter une gestion adaptative des forêts : diversification des essences, surveillance sanitaire renforcée, régénération naturelle assistée, restauration des sols. Il faut aussi reconnecter les écosystèmes fragmentés, protéger les zones humides restantes, et intégrer la biodiversité dans les politiques d’aménagement.

Le programme national de reboisement doit évoluer vers une approche plus fine : choix d’espèces locales résilientes, implication des populations locales, entretien à long terme. Les technologies satellitaires, les observatoires de la faune et les sciences participatives peuvent renforcer l’alerte précoce.

L’année 2024 nous rappelle que les dérèglements climatiques ne se mesurent pas qu’en degrés ou en millimètres de pluie. Ils se lisent dans la fragilité des forêts, la disparition des insectes, l’érosion des paysages. Préserver la biodiversité, c’est préserver les conditions mêmes de la vie humaine. C’est aussi redonner une valeur stratégique au vivant, au moment où celui-ci s’efface lentement sous nos yeux.




Samedi 21 Juin 2025
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