GEN Z 212 reveille la gauche marocaine


Rédigé par La rédaction le Jeudi 9 Octobre 2025



Il y a des réveils qui sonnent comme des avertissements. GEN Z 212, cette énergie diffuse et têtue des jeunesses connectées du Royaume, n’a pas seulement remis la rue au centre du débat : elle a rouvert le dossier, trop longtemps classé, de la gauche marocaine. Derrière les slogans et les stories, on lit une exigence claire : reconstruire la confiance, moderniser le discours, passer de la symbolique à l’intégration réelle. Un mémorandum récent adressé aux formations de gauche – un texte sans emphase, mais au scalpel – dresse le diagnostic et propose une feuille de route. Il dit tout haut ce que beaucoup chuchotent depuis des années : la gauche n’a plus droit à l’excuse de l’histoire, elle doit se réinventer ou s’étioler. 

Un diagnostic sans fard : crise structurelle, pas conjoncturelle

Les auteurs du mémorandum parlent de « crise structurelle et multidimensionnelle ». Le mot n’est pas choisi au hasard. La gauche a perdu ses mécanismes d’encadrement, s’est éloignée de ses bases sociales, et surtout des jeunes, qui la perçoivent comme une machine fermée, reproductrice d’élites, allergique au renouvellement. Le problème ne tient pas qu’aux organigrammes : le langage politique s’est figé, prisonnier d’un lexique d’hier, incapable d’épouser les codes culturels et numériques d’aujourd’hui. Quand les jeunes inventent de nouvelles grammaires de mobilisation, la gauche leur répond souvent avec des verbes irréguliers. Résultat : abstention record, fatigue démocratique, et impression d’un rendez-vous manqué avec l’époque. 

GEN Z 212, révélateur et accélérateur

GEN Z 212 n’a pas demandé à « rejoindre » un cortège : elle a imposé ses thèmes et ses formats – horizontalité, transparence, micro-causes concrètes, efficacité mesurable. Cette génération n’achète plus l’« opposition morale » ou la « protestation saisonnière ». Elle veut des plans d’action, du tangible, des résultats. Le mémorandum appelle précisément à sortir de la posture et à bâtir « un projet de société alternatif et clair », un contrat politique qui parle emploi, mobilité sociale, justice territoriale, égalité de genre, écologie pragmatique – et qui donne, surtout, des leviers de contribution aux jeunes au-delà du simple bulletin de vote. Œil pour œil : à une jeunesse qui produit de la valeur (créative, numérique, associative), il faut proposer un parti qui produit du pouvoir partagé. 

De la vitrine à la décision : intégrer vraiment, pas décorer

C’est l’un des passages les plus tranchants du texte : « il n’est plus acceptable de maintenir les jeunes dans un rôle de réservoir électoral ou de vitrine symbolique ». Message limpide : assez des têtes d’affiche junior, place aux responsabilités. Concrètement, cela suppose de réserver des postes de direction (national et local), d’ouvrir des espaces permanents de débat libre, d’institutionnaliser la critique constructive, et de confier des prérogatives réelles en matière de planification et de gestion. La jeunesse ne demande pas un strapontin dans la salle ; elle réclame une place à la table, et la clé de la salle des machines. Sans ce basculement, tout « rajeunissement » restera cosmétique – l’illusion d’une interface moderne branchée sur un back-office obsolète. 

Un discours qui parle juste et proche

La modernité ne se résume pas aux réseaux sociaux. Le mémorandum plaide pour un « réalisme progressiste » : abandonner le verbe grandiloquent, répondre aux urgences quotidiennes, épouser les codes culturels et numériques sans fétichisme. Autrement dit, parler à la fois « macro » et « micro » : expliquer les choix budgétaires et industriels, mais aussi résoudre les nœuds concrets – logement étudiant, transports, santé mentale, précarités invisibles. Et le faire dans une langue qui ne méprise pas les usages : infographies, lives, formats courts – tout ce que la politique traditionnelle soupçonnait hier d’être « superficiel » et qui est devenu la texture ordinaire du débat public. 

Finir avec la dispersion : l’unité comme stratégie, pas comme nostalgie

Autre point cardinal : l’unification de la famille de gauche. Pas une alliance de circonstances, mais un horizon commun fondé sur la clarté programmatique et le respect mutuel. L’atomisation a un coût : elle brouille la lisibilité, décourage les sympathisants, et dilue les relais sociaux (syndicats, associations, campus, collectifs). Dans un pays où les échéances de 2026 redessineront des rapports de force, la gauche ne peut plus se payer le luxe des querelles de chapelle. L’union n’est pas un selfie de campagne, c’est une architecture : gouvernance partagée, règles d’arbitrage, plateformes thématiques ouvertes à la société civile. 

Retour au terrain : renouer avec les luttes sociales

Le texte le dit sans ambages : la gauche s’est éloignée des mouvements civiques, étudiants, féministes, professionnels. C’est là que GEN Z 212 a occupé le vide. Revenir au terrain, c’est écouter avant de cadrer, co-produire avant de récupérer. L’école, l’université, l’usine, la rue : autant d’espaces où la politique redevient pratique, où l’on confronte les idées aux contraintes, où l’on bâtit des coalitions de problèmes pour faire émerger des solutions. Ce n’est pas « faire jeune » ; c’est redevenir utile. 

2026 en ligne de mire : dernière fenêtre avant l’ère du soupçon permanent

À l’approche des législatives, le temps s’accélère. La jeunesse a appris à se mobiliser sans intermédiaires ; elle apprendra, si on l’y invite, à gouverner avec. L’alternative est connue : une gauche commémorative, réduite à la nostalgie et aux notes de bas de page, face à une société qui change de logiciel. GEN Z 212 a allumé la lumière dans la pièce ; aux partis de gauche d’arrêter de chercher l’interrupteur. La méthode est sur la table : projet clair, discours ajusté, intégration réelle, unité stratégique, retour au terrain. Ce n’est pas un slogan, c’est un programme de survie – et, mieux encore, de renaissance. 

La balle est dans le camp des directions. Soit elles entendent ce réveil et engagent la bascule, soit elles regarderont la jeunesse écrire l’avenir sans elles. Dans l’un et l’autre cas, le pays, lui, ne patientera pas.




Jeudi 9 Octobre 2025
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