Une brochure de 38 pages aux accents techno-utopiques
Le vocabulaire est celui des prospectus d’innovation : « villes IA », réseaux 5G résilients, hubs logistiques « neutres en carbone », zones économiques « catalytiques ». Derrière cette esthétique futuriste, la brochure de 38 pages mentionnée par le Washington Post prétend organiser une renaissance urbaine de Gaza sous pilotage d’un consortium d’acteurs publics et privés, avec Donald Trump comme figure impulsive et l’entremise d’acteurs israéliens liés à la très critiquée ONG GHF. Le document — non officiellement publié ni authentifié par les instances américaines au moment où nous écrivons — circule, affirment des sources, dans certains cercles de l’administration, alimentant scénarios et inquiétudes.
Le nœud du débat se cristallise sur l’expression « déplacements volontaires ». Présentée comme une phase transitoire d’évacuation pour sécuriser les chantiers, elle réveille la mémoire juridique du droit international humanitaire qui prohibe tout transfert forcé de population sous occupation ou en contexte de conflit, sauf impératif sécuritaire temporaire dûment encadré. Les critiques redoutent un glissement euphémistique : que le qualificatif « volontaire » masque un faisceau de pressions matérielles (destruction d’infrastructures, accès restreint à l’eau, insécurité) rendant l’option de départ moins choix que contrainte.
La dimension financière du plan affiche une promesse de « mobilisation accélérée » d’investissements privés, depuis des fonds souverains jusqu’à des conglomérats technologiques, via des incitations fiscales et des garanties politico-réglementaires. Or, l’expérience comparée des reconstructions post-conflit démontre que la rapidité capitalistique se heurte souvent à la lenteur institutionnelle : cadastre détruit, incertitude sur la gouvernance, risques de capture foncière. L’absence de mécanisme clair de participation des communautés locales transformerait la promesse d’empowerment en architecture exogène sujette à rejet.
Steve Witkoff, émissaire américain cité début et fin août, a vanté un « très, très bon plan » en construction « avec le gouvernement israélien ». Ses déclarations, réitérées à la veille d’une réunion visant à faire cesser la guerre, illustrent une volonté d’articuler agenda de cessation des hostilités et horizon économique. Mais plusieurs diplomates soulignent que tout schéma crédible de reconstruction suppose prioritairement : cessez-le-feu stable, accès humanitaire massif, mécanisme de désarmement ou de garanties sécuritaires mutuelles, et cadre de gouvernance accepté par les Palestiniens eux-mêmes.
L’angle techno-utopique des « villes IA » – promesse de gestion algorithmique de l’eau, de l’énergie distribuée, de la mobilité – se heurte à la réalité matérielle actuelle : pénurie aiguë d’électricité, délabrement des aquifères côtiers, traumatismes sanitaires. Sans couloir de matériaux, réparation systémique des réseaux et protection juridique contre l’expropriation, les maquettes numériques risquent de relever du solutionnisme.
Le plan, s’il existe dans la forme décrite, agit moins comme feuille de route aboutie que comme instrument narratif : projeter une alternative future pour influencer les paramètres de négociation présents. Reste une interrogation centrale : l’avenir bâti de Gaza peut-il être élaboré sans architecture participative palestinienne robuste et garanties contre toute ingénierie démographique ? La réponse conditionnera la légitimité de toute reconstruction. Entre promesse et suspicion, la bataille des récits commence autant que celle des infrastructures.
Le nœud du débat se cristallise sur l’expression « déplacements volontaires ». Présentée comme une phase transitoire d’évacuation pour sécuriser les chantiers, elle réveille la mémoire juridique du droit international humanitaire qui prohibe tout transfert forcé de population sous occupation ou en contexte de conflit, sauf impératif sécuritaire temporaire dûment encadré. Les critiques redoutent un glissement euphémistique : que le qualificatif « volontaire » masque un faisceau de pressions matérielles (destruction d’infrastructures, accès restreint à l’eau, insécurité) rendant l’option de départ moins choix que contrainte.
La dimension financière du plan affiche une promesse de « mobilisation accélérée » d’investissements privés, depuis des fonds souverains jusqu’à des conglomérats technologiques, via des incitations fiscales et des garanties politico-réglementaires. Or, l’expérience comparée des reconstructions post-conflit démontre que la rapidité capitalistique se heurte souvent à la lenteur institutionnelle : cadastre détruit, incertitude sur la gouvernance, risques de capture foncière. L’absence de mécanisme clair de participation des communautés locales transformerait la promesse d’empowerment en architecture exogène sujette à rejet.
Steve Witkoff, émissaire américain cité début et fin août, a vanté un « très, très bon plan » en construction « avec le gouvernement israélien ». Ses déclarations, réitérées à la veille d’une réunion visant à faire cesser la guerre, illustrent une volonté d’articuler agenda de cessation des hostilités et horizon économique. Mais plusieurs diplomates soulignent que tout schéma crédible de reconstruction suppose prioritairement : cessez-le-feu stable, accès humanitaire massif, mécanisme de désarmement ou de garanties sécuritaires mutuelles, et cadre de gouvernance accepté par les Palestiniens eux-mêmes.
L’angle techno-utopique des « villes IA » – promesse de gestion algorithmique de l’eau, de l’énergie distribuée, de la mobilité – se heurte à la réalité matérielle actuelle : pénurie aiguë d’électricité, délabrement des aquifères côtiers, traumatismes sanitaires. Sans couloir de matériaux, réparation systémique des réseaux et protection juridique contre l’expropriation, les maquettes numériques risquent de relever du solutionnisme.
Le plan, s’il existe dans la forme décrite, agit moins comme feuille de route aboutie que comme instrument narratif : projeter une alternative future pour influencer les paramètres de négociation présents. Reste une interrogation centrale : l’avenir bâti de Gaza peut-il être élaboré sans architecture participative palestinienne robuste et garanties contre toute ingénierie démographique ? La réponse conditionnera la légitimité de toute reconstruction. Entre promesse et suspicion, la bataille des récits commence autant que celle des infrastructures.