GenZ 212 en ébullition : transformer la colère en dialogue pour l’avenir


Rédigé par Salma Chmanti Houari le Jeudi 2 Octobre 2025

Depuis plusieurs jours, le Maroc traverse une période de tensions. Des manifestations ont éclaté dans plusieurs villes, exprimant une colère profonde, mais parfois aussi des débordements qui risquent de ternir l’image d’un pays en pleine transition. L’inquiétude est légitime : la jeunesse souffre d’un système éducatif en difficulté et d’un accès aux soins publics souvent insatisfaisant. Mais la violence et la casse ne peuvent pas être une réponse, car elles affaiblissent la cause au lieu de la renforcer.



En matière de santé, l’effort budgétaire est indéniable.

Entre 2021 et 2025, les crédits alloués au secteur ont bondi de plus de 65 %, passant d’à peine 20 milliards de dirhams à plus de 32 milliards. Des plans ambitieux existent : réhabilitation de dizaines d’hôpitaux, construction de nouveaux CHU, recrutements supplémentaires. Pourtant, sur le terrain, beaucoup de Marocains continuent à faire face à des hôpitaux saturés, des soins inaccessibles et des inégalités criantes entre zones urbaines et rurales. Le problème ne réside donc pas uniquement dans le financement, mais dans la manière dont les politiques publiques sont conduites, dans la gouvernance, la transparence et la gestion.

La situation de l’éducation est tout aussi préoccupante. Le budget qui lui est consacré absorbe chaque année près d’un quart des dépenses publiques, soit environ 7 % du PIB. En 2025, plus de 85 milliards de dirhams sont prévus pour ce secteur, en hausse notable par rapport à l’année précédente. Pourtant, les résultats ne sont pas à la hauteur des efforts financiers. La quasi-totalité du budget est absorbée par la masse salariale, laissant peu de place à la modernisation des infrastructures, à l’innovation pédagogique ou à la formation continue. Les familles, elles, supportent des coûts croissants, accentuant les inégalités. Les ménages les plus aisés dépensent quatorze fois plus pour la scolarisation de leurs enfants que les plus pauvres, un écart qui met en péril le principe même d’égalité des chances.

Ces contradictions nourrissent une frustration sociale réelle, qu’il serait dangereux de nier.

Beaucoup de jeunes expriment un sentiment d’abandon, convaincus que leurs sacrifices ne trouvent pas d’écho. Leur colère n’est pas dénuée de fondement : elle reflète un besoin urgent de dignité et de perspectives. Mais cette colère doit trouver une issue constructive. Le Maroc n’a pas besoin de chaos, il a besoin d’idées et de propositions.

C’est aux décideurs d’ouvrir un véritable dialogue, franc et inclusif, avec la jeunesse, les enseignants, les médecins, les syndicats et les associations. Non pas pour répéter des promesses, mais pour fixer des objectifs clairs, mesurables, et pour rendre compte régulièrement des avancées. La communication doit être transparente, l’écoute sincère, et les réformes menées avec professionnalisme et humanisme.

Mais le dialogue seul ne suffit pas.

Il doit déboucher sur des actions concrètes. Parmi les mesures urgentes, il faut d’abord mettre en place des comités de concertation régionaux, qui associent élus, représentants de la jeunesse, syndicats et société civile. Ces espaces permettraient de discuter des priorités locales : écoles à réhabiliter, hôpitaux à équiper  et de suivre leur mise en œuvre. Ensuite, il est nécessaire de mener des audits indépendants et publics des dépenses dans l’éducation et la santé, afin de savoir où va réellement l’argent et comment améliorer l’efficacité des programmes.

Autre piste : ouvrir les données publiques sur la santé et l’éducation pour que chaque citoyen puisse consulter les budgets, les réalisations et les retards, et participer ainsi à une reddition des comptes transparente. Enfin, il devient urgent de renforcer l’équité territoriale, notamment en encourageant des programmes spécifiques pour les zones rurales et les quartiers défavorisés, où les manques sont les plus criants.

De notre côté, en tant que citoyens, nous devons aussi changer notre manière de protester. Les manifestations sont un droit, mais elles doivent rester pacifiques et constructives. La violence détruit ce que des générations ont bâti et détourne l’attention du vrai combat : celui pour une école publique de qualité et un système de santé digne. Nous devons transformer la colère en propositions concrètes, en initiatives locales, en engagement associatif, en intelligence collective.

Notre pays s’apprête à accueillir des événements d’envergure internationale, à commencer par la Coupe d’Afrique des Nations.

Ces rendez-vous ne doivent pas être perçus comme un prétexte pour oublier les difficultés sociales, mais comme une opportunité de montrer au monde un Maroc uni, capable de relever ses défis dans le calme et la dignité. Le Maroc n’est pas un pays fragile : c’est une monarchie forte de douze siècles d’histoire, un peuple qui a toujours su surmonter les épreuves. C’est au nom de ce patrimoine que nous devons mettre notre patriotisme au-dessus des divisions et avancer ensemble.

Oui, les défis sont immenses. Oui, les frustrations sont réelles. Mais la solution n’est pas dans l’affrontement. Elle est dans le dialogue, dans la responsabilité et dans l’action collective. Nous avons les ressources, nous avons l’énergie, nous avons surtout cette jeunesse qui aspire à un avenir meilleur. À nous de lui tendre la main et de lui donner les moyens de croire en son pays.

Le Maroc mérite mieux que des scènes de chaos. Il mérite une mobilisation constructive, à la hauteur de sa grandeur et de son histoire.




Jeudi 2 Octobre 2025
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