Gouverner avec la jeunesse : le vrai défi du Maroc de demain


Par Marouane Bouchikhi

La jeunesse marocaine est omniprésente dans les discours, mais souvent absente dans les décisions. On parle d’elle, rarement avec elle. On la gouverne, sans toujours chercher à la comprendre. Cette tension entre inclusion affichée et participation réelle révèle un malaise plus profond : celui de la gouvernabilité d’une génération qui refuse désormais les logiques de tutelle et les schémas de domination hérités. Une jeunesse qui en a ras le bol de ces politicards vieillissants qui se remplissent la panse aux frais du contribuable.

Elle en a assez des promesses non tenues, des discours recyclés et des illusions électorale.
Mais au-delà de la colère, cette génération incarne une valeur ajoutée réelle pour la gestion de la chose publique à condition qu’on lui en laisse l’espace.

Encore faut-il que l’élite politique actuelle, qui monopolise les partis et les syndicats, ait le courage de céder sa place.
Le respect du principe d’alternance et de la démocratie interne au sein de ces organisations constitutionnelles n’est pas un luxe : c’est une nécessité vitale pour redonner du sens à l’engagement, et pour que la jeunesse puisse enfin gouverner avec, et non sous, ceux qui prétendent la représente.



Gouvernabilité ou gouvernementalité ?

Dans les années 1970, Michel Foucault introduisait le concept de gouvernementalité pour décrire l’art de “conduire les conduites”, c’est-à-dire la manière subtile dont le pouvoir oriente les comportements, non par la contrainte, mais par la gestion, la norme, le discours.

Appliqué au Maroc d’aujourd’hui, ce concept éclaire le rapport entre l’État et sa jeunesse : on ne gouverne plus seulement par des lois ou des institutions, mais par des dispositifs d’encadrement, de communication, d’orientation morale et sociale. L’État, à travers ses politiques d’emploi, d’éducation ou de culture, tente de rendre la jeunesse gouvernable,  c’est-à-dire docile, intégrée, conforme aux attentes du système.
 
Mais la question est ailleurs : cette jeunesse veut-elle être gouvernée ou veut-elle se gouverner elle-même ?

Nous passons d’un modèle de gouvernabilité qui vise à maîtriser la jeunesse à une exigence de gouvernementalité partagée : celle d’un pouvoir qui se repense à travers la participation, l’écoute et la co-construction.

De la jeunesse gouvernée à la jeunesse gouvernante

Le Maroc a multiplié les programme destinés aux jeunes : stratégies nationales, initiatives d’entrepreneuriat, politiques d’insertion… Pourtant, la logique reste verticale. Les jeunes sont les destinataires, rarement les architectes de ces politiques.

On les consulte ponctuellement, on les associe symboliquement. Mais gouverner avec la jeunesse c’est autre chose : c’est reconnaître son autonomie intellectuelle, sa capacité critique et sa légitimité à participer à la décision publique.

C' est  aussi admettre que la conflictualité fait partie de la démocratie : gouverner avec la jeunesse, c’est accepter qu’elle conteste, qu’elle interroge, qu’elle dérange.

Vers une nouvelle gouvernementalité marocaine

Le véritable défi de la gouvernance n’est pas institutionnel, il est culturel, du coup il y a tout un état d esprit et des valeurs à observer intelligement. Il s’agit de passer d’une gouvernementalité de contrôle à une gouvernementalité de confiance.

L’État moderne, disait Michel Foucault, ne règne pas seulement sur les corps, mais sur les esprits. Le Maroc de demain devra apprendre à régner sur les esprits non par l’obéissance, mais par la conviction partagée.

La jeunesse marocaine n’est pas un problème à gérer ; elle est un savoir social, une ressource de gouvernance à part entière. Refuser de l’associer, c’est renoncer à comprendre le pays qui est enn train de se transformer, ceci dit le pays connait aujourd’hui une mue de plus en plus rapide et complexe.

Gouverner avec la jeunesse, ou se condamner à la gouverner sans elle

Gouverner avec la jeunesse, c’est accepter une part d’imprévisible. C’est troquer la maîtrise contre la confiance. C’est faire de la politique un dialogue et non un monologue.
Car aucun modèle de développement, aucune réforme institutionnelle, ne pourra réussir sans la complicité active de ceux qui en hériteront.

Le Maroc ne manque pas de jeunesse ; il manque d’un cadre politique capable de la reconnaître comme sujet de gouvernement, et non simple objet de politique publique.
C’est tout le sens d’une nouvelle gouvernementalité : passer d’un pouvoir sur la jeunesse à un pouvoir avec la jeunesse.

Par Marouane Bouchikhi


Mercredi 29 Octobre 2025

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