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Par Adnane Benchakroun
Dans le livre Hypnocratie, Jianwei Xun décrit un système de domination inédit : un pouvoir diffus, sans visage, qui ne réprime ni ne censure, mais plonge les esprits dans une transe algorithmique permanente. Ce régime n’asservit pas les corps, il absorbe l’attention, module les émotions, transforme les critiques en carburant, et transforme chaque utilisateur en complice inconscient de sa propre manipulation. C’est une société sans centre, où la réalité est remplacée par une infinité de récits concurrents, pilotés par les réseaux, les algorithmes et les figures totémiques comme Trump ou Musk.
À première vue, ce diagnostic vertigineux semble universel. Et pourtant, ce régime qu’il appelle Hypnocratie est profondément enraciné dans une culture spécifique : celle de l’Occident sécularisé, individualisé, ultra-connecté. Un monde où la vérité est relative, le temps fragmenté, la subjectivité liquéfiée, et la conscience collective dissoute dans le flux incessant d’images, de stories et de contenus viraux. Une société post-religieuse qui ne croit plus en rien sauf à la possibilité de tout simuler.
Une architecture incompatible avec les fondations d’une société musulmane
La hypnocratie telle que décrite repose sur trois piliers fondamentaux : l’érosion du sens, la liquéfaction des repères, et la marchandisation de l’intime. Autant de dynamiques qui entrent en conflit frontal avec les principes constitutifs d’une société musulmane traditionnelle. Voici pourquoi.
1. Une anthropologie différente : l’homme entre fitra et responsabilité
Dans la vision musulmane du monde, l’être humain n’est pas une créature neutre, façonnée à merci par des stimuli ou des algorithmes. Il est un khalifa, un dépositaire sur terre, porteur d’une fitra (nature originelle) orientée vers la vérité, le bien, et la transcendance. Le cœur (qalb), lieu de discernement spirituel, est central. L’Islam appelle à la vigilance (taqwa), à la lucidité (basira), et à l’éveil du cœur, là où l’Hypnocratie valorise le sommeil fonctionnel et l’automatisme pulsionnel. Le dhikr (souvenir constant de Dieu) est un antidote direct à la distraction constante induite par les écrans.
2. La vérité comme absolu transcendant, non comme récit concurrent
Ce livre décrit un monde sans vérité stable, où « chaque récit se proclame vérité ultime », où la véracité est affaire d’engagement émotionnel ou d’algorithme. Cette dilution du vrai dans le vraisemblable est antithétique à l’islam, qui se fonde sur une Haqiqa : une Vérité Une, révélée, stable, qui transcende les fluctuations de l’instant. Le Coran est un critère (Furqân), non un miroir. Le croyant ne navigue pas parmi des bulles de réalité : il recherche la droiture (sirat al-mustaqim), c’est-à-dire un axe vertical de vérité, guidé par la Révélation.
3. Le temps sacré contre le présent perpétuel
L’Hypnocratie enferme dans un présent infini, où l’attention est capturée à la seconde près, sans mémoire ni finalité. L’agenda algorithmique remplace l’agenda spirituel. Or, dans une société musulmane, le temps est structuré rituellement : cinq prières, un mois de jeûne, un pèlerinage… Chaque acte ponctue la journée, l’année, et la vie selon une logique de retour à Dieu, non de consommation permanente. Le temps sacré oppose une résistance naturelle au temps digitalisé.
4. L’intimité préservée face à l’économie de la transparence
Xun montre comment l’Hypnocratie colonise même les sphères les plus intimes : désir, émotion, solitude, spiritualité. Mais dans l’islam, l’intimité est sanctuarisée. Le hijab, loin d’être un simple vêtement, est une barrière symbolique contre l’extériorisation forcée de l’être. Le silence, la pudeur, la discrétion sont des vertus. La société musulmane cultive le satr (le voile protecteur), là où l’Hypnocratie veut tout exhiber, mesurer, quantifier.
5. Une transcendance résistante à la suggestion
Enfin, l’Hypnocratie n’a de prise que sur des sujets déracinés, flottants, en quête de sens et de reconnaissance. Mais une société musulmane réellement vivante offre un autre type d’ancrage : une transcendance transcendante. Ni Musk, ni Trump, ni TikTok n’y sont des prophètes. Le cœur orienté vers l’Au-delà n’est pas hypnotisable. Non parce qu’il est surpuissant, mais parce qu’il est déjà relié à une autre Source.
À première vue, ce diagnostic vertigineux semble universel. Et pourtant, ce régime qu’il appelle Hypnocratie est profondément enraciné dans une culture spécifique : celle de l’Occident sécularisé, individualisé, ultra-connecté. Un monde où la vérité est relative, le temps fragmenté, la subjectivité liquéfiée, et la conscience collective dissoute dans le flux incessant d’images, de stories et de contenus viraux. Une société post-religieuse qui ne croit plus en rien sauf à la possibilité de tout simuler.
Une architecture incompatible avec les fondations d’une société musulmane
La hypnocratie telle que décrite repose sur trois piliers fondamentaux : l’érosion du sens, la liquéfaction des repères, et la marchandisation de l’intime. Autant de dynamiques qui entrent en conflit frontal avec les principes constitutifs d’une société musulmane traditionnelle. Voici pourquoi.
1. Une anthropologie différente : l’homme entre fitra et responsabilité
Dans la vision musulmane du monde, l’être humain n’est pas une créature neutre, façonnée à merci par des stimuli ou des algorithmes. Il est un khalifa, un dépositaire sur terre, porteur d’une fitra (nature originelle) orientée vers la vérité, le bien, et la transcendance. Le cœur (qalb), lieu de discernement spirituel, est central. L’Islam appelle à la vigilance (taqwa), à la lucidité (basira), et à l’éveil du cœur, là où l’Hypnocratie valorise le sommeil fonctionnel et l’automatisme pulsionnel. Le dhikr (souvenir constant de Dieu) est un antidote direct à la distraction constante induite par les écrans.
2. La vérité comme absolu transcendant, non comme récit concurrent
Ce livre décrit un monde sans vérité stable, où « chaque récit se proclame vérité ultime », où la véracité est affaire d’engagement émotionnel ou d’algorithme. Cette dilution du vrai dans le vraisemblable est antithétique à l’islam, qui se fonde sur une Haqiqa : une Vérité Une, révélée, stable, qui transcende les fluctuations de l’instant. Le Coran est un critère (Furqân), non un miroir. Le croyant ne navigue pas parmi des bulles de réalité : il recherche la droiture (sirat al-mustaqim), c’est-à-dire un axe vertical de vérité, guidé par la Révélation.
3. Le temps sacré contre le présent perpétuel
L’Hypnocratie enferme dans un présent infini, où l’attention est capturée à la seconde près, sans mémoire ni finalité. L’agenda algorithmique remplace l’agenda spirituel. Or, dans une société musulmane, le temps est structuré rituellement : cinq prières, un mois de jeûne, un pèlerinage… Chaque acte ponctue la journée, l’année, et la vie selon une logique de retour à Dieu, non de consommation permanente. Le temps sacré oppose une résistance naturelle au temps digitalisé.
4. L’intimité préservée face à l’économie de la transparence
Xun montre comment l’Hypnocratie colonise même les sphères les plus intimes : désir, émotion, solitude, spiritualité. Mais dans l’islam, l’intimité est sanctuarisée. Le hijab, loin d’être un simple vêtement, est une barrière symbolique contre l’extériorisation forcée de l’être. Le silence, la pudeur, la discrétion sont des vertus. La société musulmane cultive le satr (le voile protecteur), là où l’Hypnocratie veut tout exhiber, mesurer, quantifier.
5. Une transcendance résistante à la suggestion
Enfin, l’Hypnocratie n’a de prise que sur des sujets déracinés, flottants, en quête de sens et de reconnaissance. Mais une société musulmane réellement vivante offre un autre type d’ancrage : une transcendance transcendante. Ni Musk, ni Trump, ni TikTok n’y sont des prophètes. Le cœur orienté vers l’Au-delà n’est pas hypnotisable. Non parce qu’il est surpuissant, mais parce qu’il est déjà relié à une autre Source.
Un régime invivable dans un monde islamique fidèle à lui-même
En somme, l’Hypnocratie telle que décrite par Jianwei Xun dans son livre n’est pas un horizon universel. Elle est le produit d’un effondrement spirituel, d’une numérisation intégrale du réel, et d’une marchandisation de la conscience – autant de processus qui supposent déjà l’oubli de Dieu. Elle ne peut fonctionner pleinement que dans des sociétés désenchantées, où l’individu est seul face à la machine. Une société musulmane cohérente, fondée sur la prière, le silence, la pudeur, et la Vérité transcendante, n’offre pas le terrain fertile à l’architecture hypnotique décrite dans ce livre.
C’est peut-être là une des rares résistances encore possibles : non pas celle du hacking ou du fact-checking, mais celle d’une autre anthropologie. Une anthropologie du lien vertical, du sens ultime, de la mémoire du cœur. Face au flux hypnotique, le dhikr devient acte politique. Face à la transe, la prosternation devient réveil.
Car dans l’Hypnocratie, l’écran est roi. Dans l’Islam, c’est Dieu.
C’est peut-être là une des rares résistances encore possibles : non pas celle du hacking ou du fact-checking, mais celle d’une autre anthropologie. Une anthropologie du lien vertical, du sens ultime, de la mémoire du cœur. Face au flux hypnotique, le dhikr devient acte politique. Face à la transe, la prosternation devient réveil.
Car dans l’Hypnocratie, l’écran est roi. Dans l’Islam, c’est Dieu.