Il aura tout vu !




Par Naïm Kamal

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Sans sommation, une femme que rien ne distingue d’une autre femme, monte sur scène et se dirige d’un pas décidé vers Aziz Akhannouch. Une fan venue pour un autographe ? Une partisane déterminée à dire sa résolution à voter RNI ? On aurait pu le croire. Le président du RNI l’écoute un instant et calmement la suit. 
 

Dans un dessin animé, on aurait placé un grand point d’interrogation sur la tête de chaque personne présente à ce curieux spectacle. What’s happen ?
 

Mais ce jour-là on n’était pas dans un Tom et Jerry désuet version Jamma lfna ou face à une blague un chouia relou comme seuls les Marrakchis savent en produire et en faire rire malgré tout. Ce jour-là on était à Marrakech dans un théâtre à ciel ouvert - Théâtre Royal de Marrakech sise Avenue Mohammed VI - où le Rassemblement de Aziz Akhannouch tenait meeting cap sur les scrutins du 8 septembre. 
 
Le culot tranquille

 

L’interrogation n’aura pas le temps de trop planer sur l’assistance. Tout aussi calmement qu’il était parti, le président du RNI revient. Pour informer le public qu’on venait de lui signifier que le meeting ne respectait pas les mesures sanitaires et qu’il devait séance tenante le disperser. Le public chantonne, Aziz Akhannouch ne se laisse pas démonter, il en a vu bien d’autres depuis qu’il est à la tête du RNI. Imperturbable, il reprend son discours. Sans doute qu’à ses yeux c’est de bon augure. Il dérange et à l’approche de l’échéance il dérange encore plus. C’est que déranger en politique c’est non seulement un fun, mais aussi une nécessité absolue à l’exercice et une preuve d’existence.
 

Dans le tourbillon socio-politico-économique marocain, Aziz Akhannouch, qu’on l’apprécie ou qu’on l’envie, les deux ne sont pas incompatibles, est devenu un phénomène. Ne se contentant pas d’être un entrepreneur qui réussit, le voilà qui démontre tranquille et presque impassible que les techniques managériales valent aussi en politique, champ longtemps réduit à la rhétorique creuse et soumis aux rhéteurs sans lendemain. C’en fait trop et la façon dont il a mené en quatre ans le RNI agonisant de 2016 au Rassemblement fringant de 2021, est ressentie par certains comme un culot vécu comme une provocation. Dans ce parcours semé d’embûches et de coups tordus, on ne lui aura rien épargné, mais lui mieux que d’autres sait qu’il est préférable de faire envie que pitié. Une saga. Qui mériterait un roman. 
 
Le souffleur

 

Entre temps on aura appris que la femme que rien ne distinguait d’une autre femme, était une Pacha. 
 

Selon les règles de la langue française, et je crois même de la langue arabe, pacha est un nom masculin, qui désignait dans l’empire ottoman le plus haut dignitaire administratif d’une province. Dans l’Administration territoriale marocaine c’est un grade à un étage de gouverneur, au féminin gouverneure avec e à la fin. Pacha peut aussi être un titre honorifique, comme pour héler hanim bacha dont raffolaient les bons vieux films à l’eau de roses égyptiens. 
 

Va donc pour Pacha au féminin. Nicole-Lise Bernheim et Mireille Cardot ont bien utilisé mersonne à la place de personne pour intituler leur féministe-fiction Mersonne ne m’aime. Il est donc permis de mettre pacha au féminin sans que l’on risque la rétention de quelques points à l’examen grammatical. 
 

Mais avec une Pacha à Marrakech on risque l’interruption d’un meeting. Pourtant, à en juger par la vidéo, la jauge semble correspondre aux normes sanitaires édictées. Sur les estrades on peut bien distinguer entre deux mètres et deux mètres, deux mètres. Le ciel était au bleu et l’air circulait bien. Dans les meetings, l’ultime mot revient au chef.  Quatre ou cinq orateurs l’avaient précédé et tout semblait bien dans le meilleur des meetings. N’eut été que pour monter sur les planches, la Pacha, qui ne faisait sans doute que son travail, a attendu qu’Akhannouch prenne la parole. Si ce n’est pas une mise en scène, c’est alors une improvisation. Qui est aussi, comme chacun sait, un genre théâtral. De là à penser que dans la trappe il y avait un souffleur ou derrière le scénario un scénariste, il n’y a qu’une mince pellicule que le RNI n’a pas franchi, se contentant d’un petit paragraphe dans un communiqué déplorant tout au plus l’incident, souhaitant qu’il ne se répétera pas. Un autre parti habitué aux positionnements victimaires en aura fait tout un vaudeville. 


Rédigé par Naïm Kamal sur https://quid.ma



Vendredi 3 Septembre 2021

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