Il est temps que cette blessure se referme

Par Naïm Kamal


Le discours d’adieu de Nasser Zefzafi lors des funérailles de son père résonne comme une invitation à une nouvelle étape marocaine. Par des mots empreints de sincérité et de courage, il a rappelé l’unité du pays. Ces mots et l’article m’ont été inspiré par un post que le poète et militant Salah El Ouadie m’a adressé. Ancien détenu politique, M. El Ouadie a été l’une des principales chevilles ouvrières de l’Instance Equité et Réconciliation, actuellement président-fondateur du Mouvement Damir. Dans son post il évoque un moment venu pour la cicatrisation d’une plaie trop longtemps laissée ouverte.



La parole d’un fils éploré, l’écho d’une nation

De G à D de ce montage photo : Nasser Zefzafi et Salah El Ouadie
Au milieu du deuil pour son père à Al Hoceïma, Nasser Zefzafi, figure centrale du Hirak du Rif, a livré un discours d’adieu inattendu, empreint d’une intensité émotionnelle rare. Plus qu’un simple hommage filial, ses paroles disent que derrière le deuil, une porte s’entrouvre : celle d’un nouveau moment marocain, où la nation transcende blessures, divisions et rancunes.

Devant la foule recueillie, Zefzafi a parlé d’une franchise rude et digne. Mais sa voix portait bien au-delà de la douleur d’un fils endeuillé : elle cherchait à se faire l’écho d’un pays tout entier. Le Maroc est un tout indivisible, rappelant que l’intérêt national est la mesure suprême à laquelle doivent se plier opinions et divergences.

Cette déclaration, dans un contexte de funérailles, prend la valeur d’un manifeste. Elle s’élève comme un rappel à dépasser les fractures, à suturer une plaie qui ne cesse de hanter le lien national. Ce qui aurait pu n’être qu’un moment de tristesse familiale devient alors un instant de vérité collective. 

Le courage d’un mot simple : réconciliation

Une vérité qui dit une conviction profonde : le destin du Maroc ne peut s’écrire qu’ensemble, dans l’effort partagé, sans que certains avancent à grande vitesse tandis que d’autres restent en arrière ou en rade.

Le détenu, condamné à vingt ans de prison pour son rôle dans le Hirak, a choisi de parler la le langage de l’unité. Et ce langage, parce qu’il jaillit d’un homme qui a incarné la contestation, prend une résonance singulière. Sa parole n’est pas neutre, elle porte le poids des épreuves et de l’enfermement. C’est ce qui lui confère dans un moment unique, la perte d’un père, cette densité morale : l’un de ceux qui furent désignés comme fauteurs de troubles affirme aujourd’hui que l’essentiel est de préserver la patrie commune. 

Une opportunité à saisir

Le texte de l’ancien détenu Salah el Ouadie, qui a connu aussi l’enfermement et le deuil d’un père même si ce ne fut pas dans des circonstances similaires, souligne avec force la portée symbolique de ce moment. Il y voit plus qu’un adieu : une possibilité d’une réconciliation. Le Maroc, rappelle-t-il, traverse une époque troublée où la logique de la force domine à nouveau les relations internationales. Dans ce contexte, le pays a besoin de cohésion, d’énergie collective et d’une vision partagée. Voici ce que dit son texte :

« Nasser Zefzafi… Il est temps que cette blessure se referme ! Le discours d’adieu que Nasser Zefzafi a prononcé aujourd’hui lors des funérailles de son défunt père, devant la foule des personnes venues présenter leurs condoléances, peut en réalité valoir comme un mot de bienvenue à un nouveau moment marocain.

Je voudrais ici être l’écho de ce qui habite les cœurs de tous, y compris celui du Roi : il est temps que cette blessure se referme.

Il est temps pour nous tous de rappeler - comme Nasser l’a évoqué dans son discours avec un courage éthique « rifain » - que la patrie est une et que « le Maroc est un tout indivisible, de son Sahara à son Nord, de son Est à son Ouest, et que rien ne prime sur l’intérêt de la patrie, même s’il faut donner son sang pour chaque parcelle de sa terre.

Il est temps pour toutes ces énergies de prendre conscience que la construction de la patrie - à une seule vitesse et non à deux- et sa défense sont la responsabilité de tous, du sommet de la pyramide jusqu’à sa base, surtout en cette période troublée de l’histoire où la logique de la force et de la coercition est revenue à l’agenda des puissants du monde.

Il est temps que les portes de la prison de Tanger s’ouvrent grand.

 Il est temps que la blessure se referme. »



Samedi 6 Septembre 2025

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