Il y a des révélations qui frappent comme une gifle. Des vérités invisibles tant elles sont cachées dans les plis de notre société. « Oui, je ne savais pas qu’existaient les maisons de retraite au Maroc », lâche naïvement un jeune adulte interrogé dans une rue de Casablanca. Il n’est ni le seul, ni le premier à exprimer cette ignorance. En 2025, ce simple aveu révèle une fracture silencieuse dans notre rapport à la vieillesse, à la précarité et à la mémoire.
7.900 résidents. 92 structures. Et presque personne ne le sait
Selon les chiffres communiqués par le Secrétaire d’État à l’Insertion sociale, Abdeljabbar Errachidi, le Maroc compte aujourd’hui 92 établissements de protection sociale dédiés aux personnes âgées, accueillant près de 7.900 bénéficiaires. Ces chiffres, en apparence encourageants, soulèvent pourtant une question troublante : comment une réalité aussi concrète reste-t-elle aussi peu visible ?
Dans un pays où l’idée dominante reste que "la famille prend soin de ses anciens", l’existence même de ces structures reste taboue, voire niée. Avouer qu’un parent est en maison de retraite est encore perçu comme un abandon, un échec familial. Ce silence collectif cache un malaise bien plus profond : notre difficulté à reconnaître que la vieillesse, aujourd’hui, a changé de visage.
Dans un pays où l’idée dominante reste que "la famille prend soin de ses anciens", l’existence même de ces structures reste taboue, voire niée. Avouer qu’un parent est en maison de retraite est encore perçu comme un abandon, un échec familial. Ce silence collectif cache un malaise bien plus profond : notre difficulté à reconnaître que la vieillesse, aujourd’hui, a changé de visage.
Le mythe de la solidarité intergénérationnelle s'effrite
Longtemps, la vieillesse au Maroc a été protégée par une culture de respect filial. Mais l’urbanisation galopante, la vie moderne, l’exode rural, et les transformations familiales font voler en éclats ce modèle ancestral. Les familles nucléaires, éclatées entre villes et continents, ne peuvent plus assumer seules le fardeau du grand âge.
Or, cette mutation démographique est vertigineuse. En 2024, le Maroc comptait près de 5 millions de seniors. En 2050, ils seront plus de 10 millions, soit un quart de la population. Cette transition n’est pas simplement statistique. Elle est sociale, économique et profondément humaine.
Or, cette mutation démographique est vertigineuse. En 2024, le Maroc comptait près de 5 millions de seniors. En 2050, ils seront plus de 10 millions, soit un quart de la population. Cette transition n’est pas simplement statistique. Elle est sociale, économique et profondément humaine.
Des maisons de retraite aux allures de centres sociaux
Loin des clichés européens de maisons de retraite médicalisées et onéreuses, les structures marocaines accueillent souvent les plus vulnérables : sans famille, sans revenu, parfois même sans identité légale. Sur les 92 établissements, 71 offrent une prise en charge permanente, tandis que d’autres fonctionnent comme centres de jour, avec des activités culturelles, sportives, ou de soins de base.
Ce n’est donc pas une "retraite dorée", mais une réponse sociale à la marginalisation. Dans beaucoup de cas, ces maisons sont le dernier refuge contre l’exclusion, l’errance ou la mendicité. Leur rôle est crucial, et pourtant, elles restent sous-financées, mal connues, et parfois mal perçues.
Ce n’est donc pas une "retraite dorée", mais une réponse sociale à la marginalisation. Dans beaucoup de cas, ces maisons sont le dernier refuge contre l’exclusion, l’errance ou la mendicité. Leur rôle est crucial, et pourtant, elles restent sous-financées, mal connues, et parfois mal perçues.
Vieillir sans disparaître
L’État marocain semble avoir pris conscience de l’enjeu. Le Plan national de promotion du vieillissement actif 2023-2030 veut transformer le regard porté sur les seniors : non plus comme des corps à assister, mais comme des esprits à valoriser. Ce plan ambitionne de faire de la vieillesse « un nouveau départ », un moment de transmission et d’utilité sociale.
Mais ces ambitions peinent à s’incarner. Le nombre d’assistants sociaux spécialisés reste insuffisant. Les formations manquent. Les inégalités territoriales sont criantes. Et la société civile, souvent pionnière, se bat avec des moyens dérisoires pour défendre la dignité de nos anciens.
Mais ces ambitions peinent à s’incarner. Le nombre d’assistants sociaux spécialisés reste insuffisant. Les formations manquent. Les inégalités territoriales sont criantes. Et la société civile, souvent pionnière, se bat avec des moyens dérisoires pour défendre la dignité de nos anciens.
Et si on osait en parler ?
« Je ne savais pas qu’il y avait des maisons de retraite », dit ce jeune. Et derrière cette phrase, c’est tout un pays qui semble ne pas vouloir regarder ses vieux dans les yeux. Il est temps de briser le tabou. De visiter ces lieux. D’écouter ces voix. D’admettre que la vieillesse fait partie de notre avenir collectif. Et qu’elle mérite mieux qu’un silence gêné.
Ce n’est pas une honte de vivre en maison de retraite. La honte, c’est de laisser croire qu’elles n’existent pas.
Ce n’est pas une honte de vivre en maison de retraite. La honte, c’est de laisser croire qu’elles n’existent pas.