Il y a bulle et bulle : pourquoi l’IA n’est pas une simple fièvre spéculative

Demain, pas une bulle mais une dilatation


Rédigé par le Samedi 20 Septembre 2025

Article pour réagir amicalement au débat lancé par mon ami Ssi Lahcen Haddad dans son article "La ruée vers l’IA : une bulle dont le krach est inévitable" (voir lien cliquable ci-dessous). Vive le débat!



​Une bulle annoncée ?

Depuis plusieurs mois, la critique revient en boucle : l’intelligence artificielle serait la nouvelle ruée vers l’or, vouée à connaître le même destin que la bulle Internet des années 2000 ou la crise des subprimes de 2008. Dans cette perspective, l’euphorie actuelle ne serait qu’un prélude au krach, fatal, inévitable, presque nécessaire. Les chiffres colossaux d’investissements, les promesses exagérées et les limites énergétiques ou technologiques alimenteraient l’idée que la vague IA s’écrasera tôt ou tard sur le rivage des réalités.

Mais raisonner uniquement en termes de bulle financière, c’est oublier l’essentiel : l’IA n’est pas un produit spéculatif comme les dotcom d’hier. C’est une infrastructure civilisationnelle en construction, appelée à remodeler durablement l’économie mondiale. Si correction il y a, elle sera partielle, pas existentielle. L’IA survivra, se consolidera, et continuera à transformer nos vies, parce qu’elle repose sur deux piliers technologiques inédits : les data centers quantiques et l’énergie nucléaire de nouvelle génération.

​Des promesses déjà incarnées

Il est vrai que l’enthousiasme autour d’un « Elysium numérique » où les machines travailleraient pour nous pendant que nous lirions de la poésie relève de l’utopie. Pourtant, réduire l’IA à ce rêve naïf serait passer à côté de ses usages déjà tangibles : diagnostic médical assisté, optimisation logistique, détection de fraude bancaire, traduction simultanée, conception industrielle accélérée. Là où la bulle Internet reposait sur des sites sans modèle économique, l’IA est déjà un outil opérationnel qui améliore la productivité dans des secteurs clés.

​L’investissement massif : démesure ou repositionnement stratégique ?

3.000 milliards de dollars investis d’ici 2028, selon The Economist : le chiffre impressionne, mais faut-il vraiment le qualifier d’extravagant ? Ces montants sont comparables aux investissements mondiaux dans la transition énergétique, dans l’armement ou dans la conquête spatiale. En réalité, l’IA est devenue une priorité géopolitique : États-Unis, Chine, Europe, Japon, Inde, chacun sait que la maîtrise des infrastructures cognitives sera déterminante dans la hiérarchie des puissances du XXIᵉ siècle.

Parler de démesure économique, c’est ignorer que ces investissements construisent un socle durable. Même s’ils ne sont pas immédiatement rentables, les centres de données, les puces et les talents formés aujourd’hui deviendront les rails sur lesquels circulera l’économie mondiale de demain.

​Les leçons de l’histoire : utiles, mais pas déterminantes

Oui, les krachs passés ont suivi le même scénario : euphorie, aveuglement, excès, puis effondrement. Mais dans chaque cas, la technologie concernée a survécu et s’est enracinée : le chemin de fer a fini par structurer les échanges mondiaux ; Internet est devenu l’ossature de la mondialisation numérique. Ce que l’on appelle une bulle n’est pas une fin, mais une phase d’accélération.

Les fibres optiques surfinancées à la fin des années 1990 n’ont pas été gaspillées : elles sont devenues la colonne vertébrale du cloud et du streaming dix ans plus tard. De la même manière, les data centers et les réseaux de calcul financés aujourd’hui préparent le terrain pour la prochaine révolution : le quantique.

​Le changement d’échelle : les data centers quantiques

L’argument du coût exorbitant des puces et de la dépendance à NVIDIA est valable à court terme. Mais à long terme, la véritable bascule viendra des data centers hybrides quantiques : des architectures où processeurs classiques et calculateurs quantiques collaborent pour résoudre des problèmes hors de portée des machines actuelles.

Médecine : simuler les interactions moléculaires pour accélérer la découverte de médicaments.
Énergie : optimiser en temps réel des réseaux électriques mondiaux intégrant massivement les renouvelables.
Transport et logistique : planifier instantanément des milliers de trajets pour réduire les coûts et l’empreinte carbone.
Climat : modéliser avec une précision inédite les dynamiques atmosphériques et marines afin d’anticiper les catastrophes.

L’argument du « maillon fragile » ne résiste pas à cette perspective. Même si le silicium touche ses limites, la photonique, les puces neuromorphiques et le quantique ouvrent un horizon d’évolutions radicales.

​Le besoin d’énergie quasi illimitée

L’objection énergétique est sérieuse : les IA actuelles consomment des quantités astronomiques d’électricité et d’eau pour refroidir leurs processeurs. Mais là encore, une transformation est en cours. La nouvelle génération de centrales nucléaires va profondément modifier l’équation.

Les SMR (Small Modular Reactors) : des réacteurs modulaires fabriqués en série, plus sûrs et moins coûteux, capables d’alimenter directement des data centers régionaux. Rolls-Royce au Royaume-Uni, NuScale aux États-Unis ou Rosatom en Russie avancent vite, avec des mises en service commerciales attendues avant 2035.

La fusion nucléaire : véritable Graal énergétique, déjà expérimentée par ITER en France, SPARC au MIT ou Helion aux États-Unis. Une fois maîtrisée, elle offrira une énergie quasi illimitée, sans déchets lourds, à coût marginal réduit.

Imagine un campus quantique alimenté par une centrale à fusion : la barrière du coût de calcul disparaît, ouvrant la voie à une explosion d’usages scientifiques, industriels et médicaux.

​Pourquoi parler de « krach » est réducteur

Bien sûr, toutes les entreprises ne survivront pas. Certaines startups surfinancées ou acteurs endettés subiront des faillites, comme Meta si ses paris démesurés ne trouvent pas leur public. Mais ce sera une correction sectorielle, pas un effondrement global.

Les États eux-mêmes financent l’IA pour des raisons de souveraineté : il n’est pas question de laisser tomber une technologie qui conditionnera la sécurité nationale, la santé publique et la compétitivité économique. Autrement dit, même une bulle éclatée ne ferait pas reculer l’investissement structurel.

Une infrastructure civilisationnelle

C’est là l’essentiel : l’IA ne doit pas être lue uniquement comme une innovation de marché. Elle constitue désormais une infrastructure civilisationnelle :
Comme l’électricité hier, elle rend possibles des usages innombrables.
Comme Internet, elle tisse un système nerveux mondial.
Comme le nucléaire, elle ouvre une perspective de puissance illimitée.

Penser l’IA en termes de bulle, c’est réduire une révolution civilisationnelle à une courbe boursière. L’enjeu réel n’est pas de savoir si une correction aura lieu, mais quelle IA nous voulons bâtir, avec quelles valeurs, quels usages et quelle gouvernance.

Demain, pas une bulle mais une dilatation

L’histoire retiendra peut-être qu’il y a eu une bulle de l’IA, comme il y a eu une bulle ferroviaire ou Internet. Mais à l’instar de ces précédents, cette phase aura surtout servi à construire, trop vite et trop cher, des infrastructures qui deviendront ensuite indispensables.

Le vrai tournant ne sera pas la chute des valorisations, mais l’arrivée de data centers quantiques et d’une énergie quasi illimitée. Alors, loin d’être reléguée, l’intelligence artificielle deviendra ce qu’elle est déjà en germe : une colonne vertébrale de la civilisation du XXIᵉ siècle.


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Samedi 20 Septembre 2025
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