Intelligence artificielle et enseignement supérieur

Propositions de collègues pour la France croisées avec ma proposition pour la France et le Maroc


Par Dr Az-Eddine Bennani



Formation massive à l'IA

Le rapport insiste sur la nécessité de former massivement étudiants, enseignants et personnels, en adoptant une approche « X + IA » par discipline. Ma proposition est d'appliquer cette logique en France et au Maroc, mais en adaptant les contenus aux spécificités culturelles et linguistiques. Pour le Maroc, il s'agit de créer un socle éducatif national en IA ; pour la France, il s'agit de garantir que la massification de la formation respecte les exigences du pluralisme démocratique.

 

Expérimentation et communs

Le rapport propose de mutualiser les expériences et de bâtir une plateforme nationale de communs. En France, cette démarche vise à réduire les inégalités entre établissements. Pour le Maroc, ma proposition est d'aller plus loin en créant un hub des communs numériques et pédagogiques, qui serve aussi de plateforme Sud-Sud. Ainsi, la France peut inspirer la méthode, et le Maroc enrichir la vision par une ouverture méditerranéenne et africaine.

Gouvernance et transformation des établissements

Le rapport évoque la nécessité de repenser le contrat pédagogique et de développer des tiers-lieux. En France, cela renvoie à une démocratie universitaire élargie. Pour le Maroc, ma proposition est de transformer chaque université en écosystème systémique, capable de s'auto-adapter. Les AI Hubs régionaux, que je défends, illustrent une mise en œuvre concrète qui peut inspirer à la fois la France et les pays africains.

Souveraineté et infrastructures

Le rapport souligne le besoin de modèles frugaux et de data centers souverains. Pour la France, cela s'inscrit dans la logique de l'IA Act européen et du cloud souverain. Pour le Maroc, ma proposition est de bâtir une infrastructure numérique nationale ancrée dans nos propres corpus linguistiques et culturels, tout en développant une diplomatie numérique Sud-Sud. Le croisement montre ici une complémentarité : la France apporte la puissance de régulation, le Maroc la capacité d'expérimentation contextualisée.

Inclusion et services aux étudiants

Le rapport met en avant l'IA comme outil d'inclusion dans les parcours étudiants. En France, cela implique un meilleur accompagnement des étudiants face aux fractures sociales et numériques. Pour le Maroc, ma proposition est de placer la justice territoriale et sociale au cœur de l'IA éducative, afin que les régions rurales et les populations fragiles en bénéficient en priorité.

Pilotage national

Le rapport propose la création d'un Institut national « IA, éducation et société ». En France, cet institut permettrait de structurer et d'évaluer les politiques éducatives en matière d'IA. Pour le Maroc, je défends la création d'un Conseil national de l'IA pour l'éducation et la recherche, indépendant et inclusif. En croisant ces propositions, on peut imaginer une coopération franco-marocaine où chacun tirerait parti de l'expérience de l'autre pour développer une gouvernance partagée et souveraine.

Les propositions de mes collègues pour la France et mes propres propositions pour le Maroc convergent sur plusieurs points essentiels : formation massive, gouvernance inclusive, infrastructures souveraines et inclusion sociale. Leur croisement montre que la France et le Maroc, bien que différents par leur contexte, partagent un même enjeu : faire de l'IA un levier de transformation éducative, respectueuse de la souveraineté et ouverte à la coopération internationale. En réunissant ces approches, il devient possible d'élaborer une vision commune et complémentaire au service de l'avenir des deux pays.

Référence : Rapport « IA et Enseignement supérieur : Formation, structuration et appropriation par la société », Pascal, Taddei, de Falco, Gallié (2024).


Jeudi 4 Septembre 2025

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