En tant qu’enseignant-chercheur à l’Université de Technologie de Compiègne (UTC) de 1996 à 2022, j’ai pu observer sur plusieurs décennies la manière dont les systèmes d’information et les technologies numériques ont transformé les organisations, les métiers et les formes d’apprentissage.
Mes travaux — thèse de doctorat, HDR, ouvrages et articles sur le numérique et l’intelligence artificielle — montrent que le numérique ne se réduit pas à un instrument d’automatisation, mais qu’il reconfigure en profondeur les formes de travail, de coopération et de création de valeur.
Il faut rappeler que la taylorisation des tâches n’a pas attendu l’IA. Depuis plusieurs décennies, les systèmes d’information intégrés ont rationalisé et standardisé des processus entiers dans l’industrie, les services, la santé ou encore l’enseignement. À titre d’exemple, la plateforme Moodle, qu’utilisent aussi bien l’UTT que l’UTC depuis le début des années 2000, a déjà transformé nos enseignements en procédés standardisés, avec des modules pré-formatés, des séquences imposées et des modalités d’évaluation uniformisées. Autrement dit, la numérisation a introduit une logique taylorienne bien avant l’arrivée de l’intelligence artificielle.
Il faut rappeler que la taylorisation des tâches n’a pas attendu l’IA. Depuis plusieurs décennies, les systèmes d’information intégrés ont rationalisé et standardisé des processus entiers dans l’industrie, les services, la santé ou encore l’enseignement. À titre d’exemple, la plateforme Moodle, qu’utilisent aussi bien l’UTT que l’UTC depuis le début des années 2000, a déjà transformé nos enseignements en procédés standardisés, avec des modules pré-formatés, des séquences imposées et des modalités d’évaluation uniformisées. Autrement dit, la numérisation a introduit une logique taylorienne bien avant l’arrivée de l’intelligence artificielle.
Là où certains voient une nouvelle vague d’aliénation, j’observe une hybridation.
L’IA ne supprime pas le geste créatif, elle le déplace : elle libère l’esprit des tâches répétitives pour que l’intelligence humaine puisse se concentrer sur l’interprétation, la contextualisation et l’innovation. Dans un contexte comme celui du Maroc et plus largement du Sud global, cette dynamique prend une dimension encore plus stratégique. Elle ouvre la voie à des métiers inédits, à une inclusion numérique qui valorise des talents souvent invisibles, et à une souveraineté cognitive où l’humain reste au centre.
Bien sûr, les risques de précarisation existent si l’on se contente de subir les technologies importées sans cadre ni gouvernance. Mais c’est précisément pour cela que nous devons développer une stratégie nationale et africaine de l’IA, fondée sur l’éducation, la formation et la régulation. Ce que j’ai appelé dans mes travaux un « alignement stratégique » entre souveraineté, inclusion et transformation systémique.
Plutôt que de craindre l’IA comme une menace pour le travail, il nous faut la penser comme un levier d’émancipation collective.
Elle ne doit pas être un outil de surveillance, mais un instrument d’apprentissage et de créativité partagée, au service des villes intelligentes, de la santé connectée, de l’éducation augmentée et de la culture numérique.
L’histoire du travail est jalonnée d’innovations qui ont d’abord été perçues comme aliénantes avant de devenir libératrices. L’IA s’inscrit dans cette trajectoire. Encore faut-il la gouverner avec lucidité, inscrire son usage dans un projet de société et ne jamais oublier que, derrière chaque algorithme, il y a une finalité humaine.
Ce que nous devons affirmer, avec confiance et sans polémique, c’est que tout ce qui est technologiquement possible n’est pas nécessairement souhaitable, mais que tout ce qui est socialement souhaitable peut devenir technologiquement possible. L’IA et le travail ne s’opposent pas : ils peuvent s’allier pour inventer de nouvelles formes de dignité, de créativité et de solidarité.
Par Dr Az-Eddine Bennani
L’histoire du travail est jalonnée d’innovations qui ont d’abord été perçues comme aliénantes avant de devenir libératrices. L’IA s’inscrit dans cette trajectoire. Encore faut-il la gouverner avec lucidité, inscrire son usage dans un projet de société et ne jamais oublier que, derrière chaque algorithme, il y a une finalité humaine.
Ce que nous devons affirmer, avec confiance et sans polémique, c’est que tout ce qui est technologiquement possible n’est pas nécessairement souhaitable, mais que tout ce qui est socialement souhaitable peut devenir technologiquement possible. L’IA et le travail ne s’opposent pas : ils peuvent s’allier pour inventer de nouvelles formes de dignité, de créativité et de solidarité.
Par Dr Az-Eddine Bennani