Taza avant Gaza : un patriotisme qui dérange
Ce n’est pas nouveau : depuis quelques années, une partie de la jeunesse marocaine revendique une approche lucide des priorités nationales. Le slogan “Taza avant Gaza” ne nie en rien la gravité de la situation palestinienne. Il rappelle simplement que la justice sociale commence chez soi. Et que défendre le peuple palestinien n’empêche pas d’exiger des routes à Taza, des écoles à Boujdour, des hôpitaux à Errachidia. Au contraire.
Ce slogan a du sens. Il est ancré dans la réalité d’un pays qui souffre de disparités régionales criantes, de services publics précaires et de jeunesse en perte d’espoir. Mais pour Benkirane, cette revendication légitime est une trahison. Il accuse ceux qui la portent d’être déconnectés de la “vérité divine”. Une vérité qu’il s’arroge, bien sûr, au nom de son parti et de son interprétation très personnelle de l’islam.
De la diplomatie à la démagogie
Ce qui est le plus choquant dans cette attaque, c’est qu’elle fait fi de la complexité et de la finesse de la diplomatie marocaine.
Le Maroc, en maintenant des canaux ouverts avec Israël tout en soutenant fermement la cause palestinienne, a su jouer un rôle d’équilibre unique dans la région. C’est le premier pays à avoir envoyé de l’aide humanitaire à Gaza après les dernières offensives, sans jamais renier son soutien à une solution à deux États.
Mais ce type de diplomatie, fondée sur la responsabilité et le pragmatisme, Benkirane n’en veut pas. Il lui préfère l’agitation populiste, les grandes tirades émotives, les invectives creuses. Et dans son obsession à vouloir plaire à une base radicalisée, il instrumentalise une cause humaine pour attaquer ses propres concitoyens.
Le glissement dangereux vers l’antisémitisme
Ce discours du 1er mai n’était pas qu’une sortie de route. C’était un crash frontal avec les valeurs marocaines. Car Benkirane ne s’est pas arrêté aux injures. Il a glissé, insidieusement mais clairement, dans un propos antisémite d’une gravité extrême.
“Nous n’avons aucun problème avec les juifs, c’est eux qui ont un problème avec nous. Ce n’est pas moi qui ai dit cela, c’est Dieu.”
Cette phrase n’est pas une maladresse. C’est une manipulation religieuse assumée, un discours identitaire dangereux, surtout dans un contexte déjà tendu. Rappelons qu’il y a quelques semaines, des slogans antisémites ont été entendus dans les rues du Maroc, visant entre autres André Azoulay, conseiller du Roi Mohammed VI et figure emblématique du vivre-ensemble marocain.
Une Constitution piétinée
Que dit la Constitution marocaine ? Qu’“en sa plénitude et sa diversité, l’identité nationale marocaine est une et indivisible”. Que son unité est nourrie de ses affluents arabo-islamiques, amazighs, saharo-hassanis, africains, andalous, hébraïques et méditerranéens. Chaque mot compte. Chaque composante est une richesse, un pilier de notre nation.
En insinuant que certains Marocains — juifs, patriotes, critiques — seraient des “problèmes”, Benkirane viole l’esprit même de cette Constitution. Il n’est plus un homme politique : il est devenu un agitateur, un propagandiste, un homme du passé qui refuse de voir le Maroc du présent.
Un homme, un parti, un naufrage
Ce dérapage n’est pas un accident isolé. C’est un chapitre de plus dans le long roman du mépris et de la vulgarité que Benkirane écrit depuis des années. Journalistes, artistes, femmes, militants, citoyens : tout le monde y est passé. À ses yeux, tous ceux qui ne partagent pas sa vision sont des “hmar”.
Mais à force d’insulter les Marocains, on finit par perdre leur voix. Et c’est exactement ce qui s’est produit : le PJD, autrefois triomphant, a subi un effondrement historique. 20.000 membres perdus. Une débâcle électorale. Une légitimité en lambeaux.
La politique est l’affaire de tous
Le plus inquiétant, ce n’est pas que Benkirane parle. C’est que certains continuent de l’écouter. Son discours est symptomatique d’un climat de haine rampante, où l’invective remplace le débat, où l’émotion balaie la raison, où la foi est utilisée comme une arme politique.
Face à cela, le silence n’est plus une option. Il est urgent de défendre une vision ouverte, pluraliste et inclusive du Maroc. Un Maroc où l’on peut aimer Gaza et Taza en même temps. Où l’on peut être marocain, juif, musulman, agnostique, patriote, critique, sans risquer d’être insulté publiquement par un ancien Premier ministre.
En guise de conclusion : pour les “microbes” et les “hmar”, vive la dignité
Oui, nous sommes des “microbes” aux yeux de Benkirane. Des “hmar” qui n’ont pas vu la lumière. Des patriotes mal-aimés. Mais nous sommes aussi des Marocains libres, fiers, conscients, engagés. Nous ne laisserons pas des discours haineux voler nos valeurs.
Et pour paraphraser Michel Audiard, au nom de tous les microbes et les hmar de ce pays :
“Les cons, ça ose tout. C’est même à ça qu’on les reconnaît.”