L’heure du leadership féminin est venue


Rédigé par La rédaction le Dimanche 29 Juin 2025

Plaidoyer pour une stratégie nationale de transformation par et pour les femmes



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​Par Saïd Temsamani

Dans un Maroc en mutation, au cœur des transitions numériques, sociales et économiques, les femmes marocaines tracent, souvent dans la discrétion, les contours d’un avenir plus inclusif et équitable. La rencontre organisée par l’Organisation de la femme istiqlalienne le 26 juin 2025 à Rabat n’est pas un événement de plus dans l’agenda partisan : elle constitue un signal fort, une prise de parole stratégique et un appel à l’action. Ce forum, sous la présidence de Nizar Baraka, secrétaire général du Parti de l’Istiqlal, et avec la participation d’actrices majeures du champ politique, universitaire et gouvernemental, incarne une volonté de repositionner la femme au centre de l’équation nationale du développement.
 
Un changement de paradigme en cours
 
Les interventions – qu’il s’agisse de Naïma Ben Yahya sur les mutations de la famille marocaine, de Fadma El Zahraa Alami sur l’entrepreneuriat féminin ou d’Aïcha Yagnouh sur l’intelligence artificielle – ont toutes convergé vers une même exigence : celle d’un nouveau contrat social qui reconnaît la femme non comme bénéficiaire, mais comme actrice structurante du changement.
 
Le discours est clair : il ne s’agit plus de plaider en faveur d’une inclusion par bienveillance, mais de mettre en place les conditions d’une transformation systémique pilotée par les femmes. Qu’il s’agisse de politiques sociales, d’économie solidaire, de révolution numérique ou d’intelligence artificielle, les femmes marocaines sont désormais aux avant-postes. Elles innovent, entreprennent, enseignent, soignent, codent et gouvernent. Mais ce leadership émergeant ne peut se consolider sans volonté politique ferme, ni sans infrastructures sociales et légales adaptées.
 
La fracture persistante entre discours et réalités
 
Nizar Baraka, dans un discours empreint de lucidité, a reconnu l’insuffisance des avancées malgré une tradition historique du parti en matière de défense des droits des femmes. Avec un taux d’activité féminine qui ne dépasse pas 19 %, l’écart entre potentiel et réalité reste abyssal. L’Istiqlal, rappelle-t-il, a été pionnier avec la création du premier « frange féminin » en 1933, mais l’enjeu aujourd’hui n’est plus symbolique : il est structurel et stratégique.
 
Il s’agit de construire un écosystème qui valorise les compétences féminines, lutte contre les biais institutionnels, et surtout, qui investit durablement dans l’autonomisation économique des femmes, sans céder à la logique du projet pilote ou de la bonne intention.
 
Vers une stratégie nationale féminine du changement
 
Ce que révèle cette rencontre, c’est l’absence d’un modèle de transformation féminine global. Les femmes brillent dans l’exception, mais peinent à accéder aux leviers de décision de manière structurelle. Il est donc urgent de penser une stratégie intégrée qui articule :
 
Réforme ambitieuse du Code de la famille inscrite dans une vision égalitaire ;
Généralisation des politiques publiques sensibles au genre dans tous les secteurs (santé, éducation, économie verte, IA) ;
Investissement massif dans l’entrepreneuriat féminin et l’économie solidaire ;
Participation accrue des femmes à la gouvernance locale et nationale à travers une refonte des mécanismes d’accès au pouvoir.
 
L’Istiqlal à l’épreuve de ses ambitions
 
Khadija Zoumi, présidente de l’Organisation de la femme istiqlalienne, a justement souligné que le parti doit se transformer en « plateforme d’élévation » pour ses militantes. Il ne suffit pas de reconnaître les acquis : il faut les pérenniser, les institutionnaliser et en faire des normes reproductibles.
 
En élisant de nouvelles figures féminines à la tête de ses structures – comme Fatima Zahra El Fassi ou Zohour Zarkaoui – et en accueillant de nouvelles militantes issues d’horizons professionnels variés, le parti envoie un signal positif. Mais la vraie mesure du progrès sera la capacité à traduire ces dynamiques internes en politiques publiques concrètes.
 
Conclusion : L’avenir est féminin, ou ne sera pas
 
Les femmes marocaines ne demandent plus la permission de changer le pays : elles le font déjà. Ce qu’il leur faut aujourd’hui, c’est un cadre politique, juridique et économique qui les reconnaisse comme vecteurs de souveraineté nationale, de résilience sociale et de croissance durable.
 
La session du 26 juin à Rabat n’était pas une simple rencontre de femmes : c’était un acte fondateur, une promesse de rupture avec les inerties du passé. À condition que le verbe se fasse politique, et que les convictions deviennent lois.




Dimanche 29 Juin 2025
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