L’inacceptable et indélicat discours de Khaled Mechaal aux Marocains


Mais cela devient décidément une habitude ! Après Emmanuel Macron qui s’était adressé directement aux Marocains suite au séisme d’al Haouz, en septembre, voici venu le tour de Khaled Mechaal, l’un des leaders du Hamas, de parler directement à la population marocaine. Et dans un cas comme dans l’autre, et quelles que soient les circonstances, cela est inconvenant et déplacé.



Par Aziz Boucetta

Le contexte. C’est la guerre ou, serait-il plus juste de dire, le massacre à Gaza. Après des décennies de comportements israéliens de nature terroriste, après l’instauration d’un régime d’apartheid en Israël et dans les Territoires occupés, après l’attaque meurtrière, et terroriste aussi, du Hamas en Israël (1.200 morts), l’Etat hébreu est en roue libre dans son action de massacre, criminelle, et terroriste.

Les faits. Le Mouvement Unicité et Réforme, affilié au PJD, organise un événement lors duquel la parole est donnée à Khaled Mechaal, un ancien/toujours chef du Hamas, résident à Doha. Et c’est depuis Doha qu’il a pris sur lui de lancer un appel, au-delà de son auditoire MURiste, à la population marocaine, l’exhortant de « s’adresser » à ses dirigeants (au roi, pour faire simple) pour leur demander de rompre les relations avec Israël et de chasser son ambassadeur. Il évoque la nécessité de sécurité dans le royaume, ce qui est une forme de menace, et précise que l’établissement de relations avec Israël était une erreur, ce qui est une forte indélicatesse.

L’historique. Inutile de dire que le Maroc est, depuis des dizaines d’années, un fort soutien des Palestiniens, et inutile de rappeler les différents actes et actions des rois Hassan II et Mohammed VI en faveur de la création d’un Etat en Palestine, en plus de la mobilisation incessante de la population marocaine en faveur de la Palestine.

Inutile de rappeler que Khaled Mechaal et Ismael Haniyah étaient dans nos murs, reçus par les plus hautes autorités de l’Etat, respectivement en 2017 et en 2021, sur invitation ou avec l’assentiment du roi, et que quand le second est venu, c’était en sa qualité de chef du Hamas, huit mois après l’Accord tripartite et trois semaines avant la visite de Yair Lapid à Rabat.

Depuis l’éclatement du présent conflit où, rappelons-le, Israël se livre à un massacre en règle avec l’assentiment, voire la complicité des Occidentaux, le Maroc n’a jamais condamné l’action du Hamas le 7 octobre, ce qui est très compliqué pour la gestion de ses relations avec l’Occident, engagé corps et âme, et armes, aux côtés de Tel Aviv… les condamnations des tirs sur les hôpitaux et des autres violences israéliennes ont régulièrement été condamnées par Rabat… les manifestations à dizaines, centaines de milliers de personnes, n’ont jamais été interdites au Maroc, à quelques exceptions près… les Marocains, roi, gouvernement, corps constitués et population, se sont dans leur quasi-totalité élevés contre les massacres en...

cours.

Pourquoi alors cet appel inamical, peut-être offensif et même agressif, de Khaled Mechaal, qui a toujours été reçu en ami dans le royaume, malgré bien des positions hostiles qu’il a prises dans le passé contre le Maroc ? La colère n’explique pas tout et le désemparement de l’homme reste à prouver puisqu’il est, avec sa famille, à l’abri à Qatar.

Aussi, appeler les Marocains à demander au roi de rompre les relations avec Israël est une forme d’appel à sédition, presque à insurrection, car les institutions s’étant prononcées, cet appel revient à demander aux Marocains de faire pression sur le roi à partir de la rue. Et dire que l’Accord tripartite était une erreur est, plus qu’une indélicatesse, un acte inamical et sans doute même hostile, et constitue une ingérence inacceptable.

 

Et pourtant, le même Maroc, le même roi, entretiennent des relations avec le Hamas bien qu’ils reconnaissent l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas comme seul représentant légitime des Palestiniens… et pourtant, le Maroc n’insiste pas trop sur le mutisme des Palestiniens quant à l’affaire du Sahara, qui est notre cause nationale à nous et qui le cadet de leur souci à eux… et pourtant, le royaume ne cesse de promouvoir la solution à deux Etats, ici à Rabat, à Tel Aviv, à al-Qods/Jérusalem, à New York, à Washington, en Europe et ailleurs… et pourtant, le Maroc réserve des accueils solennels aux dirigeants palestiniens quand ils viennent sur ses terres.

Maintenant, le PJD… Le parti qui a dirigé le gouvernement de 2012 à 2021, qui a administré toutes les grandes villes du pays de 2015 à 2021, sous le mandat duquel l’Accord tripartite a été signé, par son chef alors, avec la bénédiction d’Abdelilah Benkirane qui, depuis, a changé d’avis, très opportunément… ce parti dévoile sa véritable nature : son objectif ultime semble être d’abord la Oumma, le Maroc ensuite, ses intérêts avec.

Accorder une telle tribune à un tel homme n’est pas une erreur, mais une faute, en dépit des larmes de crocodile d’un Abdelilah Benkirane qui n’a cessé durant son mandat de parler de crocodiles. Le Maroc gère une situation internationale très difficile, tiraillé entre ses intérêts et ses sentiments et devant ménager les uns et les autres ; il avance en terrain miné et voilà le MUR (et donc le PJD) qui s’engage sur ce même terrain avec ses gros sabots…

Les Marocains soutiennent inlassablement la lutte palestinienne, condamnent (presque) unanimement Israël, mais leur allégeance va d’abord et incontestablement à leur pays. Faire passer les intérêts d’autres peuples, même amis, même victimes de barbarie, avant ceux du Maroc est, là aussi, une faute, car ce pays, malgré ses manquements, ses dysfonctionnements, ses défaillances, leur assure à sa population une existence sereine et paisible dans un monde de plus en plus tourmenté, brutal et violent.

Rédigé par Aziz Boucetta sur Panorapost 


Mardi 21 Novembre 2023

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