L’intérêt suprême du parti…


Par Rachid Boufous

L’expression « l’intérêt suprême du parti » paraît innocente à première vue, mais elle s’est en réalité transformée en une clé magique ouvrant les portes de l’immortalité politique au sein des partis marocains. C’est la formule que l’on invoque chaque fois qu’un chef de parti souhaite prolonger son mandat et convaincre ses militants que sa présence à la tête du parti est une nécessité nationale, et que son départ représenterait un danger imminent.

La vérité amère, pourtant, est que cet « intérêt suprême » ne signifie plus rien d’autre que l’intérêt personnel du leader lui-même, qui, avec le temps, devient le propriétaire officiel des clés de l’organisation, le détenteur exclusif du pouvoir de décision, et le maître du destin collectif d’un parti qui devait, à l’origine, être une école de démocratie.

Ce qui s’est produit récemment au sein de l’Union socialiste des forces populaires (USFP) illustre parfaitement cette dérive.
Après la tenue de son douzième congrès, le « camarade » Driss Lachgar est parvenu à faire adopter un amendement lui permettant d’exercer un quatrième mandat à la tête du parti, foulant aux pieds le principe démocratique sur lequel ce dernier s’était un jour fondé, à l’époque où il incarnait une véritable lumière de la pensée progressiste marocaine.



L’alternance à la direction n’est plus une valeur partisane :

Rachid BOUFOUS
Elle est devenue un obstacle que l’on contourne habilement, par des artifices juridiques et sous prétexte de « l’intérêt suprême ». Ainsi, le statut interne n’est plus qu’un document malléable, modifiable à la demande, chaque fois qu’il s’agit de prolonger le séjour au sommet. Ce phénomène n’est pas propre à l’Union socialiste : il s’étend à la majorité des partis marocains, où les congrès se transforment en rituels purement formels de renouvellement d’allégeance plutôt que de renouvellement des élites.

Le discours interne glorifie le chef, justifie sa continuité et habille son ambition personnelle des atours de la sagesse politique.

Quant aux jeunes et aux nouveaux visages, on les relègue à la marge, ou on les exhibe pour embellir l’image du parti devant les médias, sans qu’ils aient la moindre influence réelle sur les décisions. Au fond, ce qui se déroule n’est rien d’autre qu’un assassinat méthodique de l’idée même de démocratie partisane. Lorsque le maintien à la direction devient une fin en soi, les partis perdent leur âme et se transforment en structures bureaucratiques dépourvues de projet sociétal, réduites à la chasse aux sièges parlementaires et aux alliances électorales.

Quand les élites partisanes se sclérosent, c’est toute la vie politique qui s’en ressent : l’indifférence se généralise, la confiance dans les institutions s’effondre, et le fossé entre le peuple et la politique s’élargit inexorablement.

« L’intérêt suprême du parti » fut jadis un principe noble, destiné à préserver l’unité du mouvement et à le protéger des divisions.

Aujourd’hui, il est devenu un passeport pour l’éternité politique. Le paradoxe, c’est que cet « intérêt suprême » n’exige en réalité qu’une seule chose : que le leader s’en aille lorsque son temps est révolu, et qu’il laisse la place à une nouvelle génération de militants, afin que le parti retrouve sa vitalité et que la nation retrouve son chemin vers une véritable démocratie.

PAR RACHID BOUFOUS/FACEBOOK.COM


Lundi 20 Octobre 2025

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