La Honte


Ce matin, faisant ma marche dominicale sur la plage, admirant les vagues océanes au loin, au loin parce qu’il y a marée basse, je suis envahi par un énorme sentiment de honte. Il me submerge, me frustre et m’étouffe et j’ai honte.



Par El Montacir Bensaid

J’ai honte pour la saleté de nos plages, pour les détritus qui s’amoncellent, les bavettes, couches bébés, bouteilles en plastique, canettes de bière, abandonnés sur le sable.
 
J’ai honte pour les poubelles qui débordent , même devant les villas les plus cossues.
 
J’ai honte pour l’état de nos chaussées transformées en torrent de boue aux premières pluies.
 
J’ai honte de l’insécurité qui sévit dans des quartiers, laissés à la merci de délinquants armés de sabres, qui sont devenus des no man’s land.
 
J’ai honte du harcèlement subi par nos femmes dans les rues, pourchassées comme du vulgaire gibier par des voyous sans scrupules au vu au su de tous dont les forces de l’ordre.
 
J’ai honte des élus véreux qui dans certaines communes ne cachent plus leur avidité et ferment les yeux sur celle de leurs employés.
J’ai honte des hôpitaux et des cliniques où des médecins sans compassion passent sans un regard pour la souffrance des autres et où les infirmières et femmes de ménage vocifèrent dans les couloirs sans tenir compte des patients agonisants.
 
J’ai honte des enseignants qui dispensent des cours dans des écoles rurales et à la périphérie des villes, en pyjama et claquettes, l’haleine fétide et le foulard graisseux.
 
J’ai honte des policiers et gendarmes, obligés de se cacher dans les buissons et sous les feuillages, le radar à la main pou piéger l’automobiliste, même dans les ruelles les plus improbables.
 
J’ai honte de nos toilettes publiques qui n’existent pas ou quand elles existent dans certains cafés, restaurants, centres commerciaux et stations services, relèvent plus de la fosse d’aisance puante que de sanitaires dignes de ce nom.
 
J’ai honte de nos souks anarchiques où les vendeurs à la sauvette occupent la chaussée, faisant fi des passages d’ambulances, de pompiers et des autres véhicules.
 
J’ai honte des programmes sur nos chaînes nationales, des contenus, des présentations, des animateurs, des décors.
 
J’ai honte de nos diplômés chômeurs au « Chômage ».
 
J’ai honte pour nos lauréats des grandes écoles, obligés de s’exiler pour s’accomplir.
 
J’ai honte des politiciens dont le seul but est d’être élu, sans jamais se soucier des attentes du citoyen.
 
J’ai honte des jeunes qui ne maîtrisent aucune langue et qui, faute de mieux, s’expriment dans un dialecte latinisé et codé sur nos réseaux sociaux.
 
J’ai honte des administrations où tout le monde arrive quand bon lui semble et disparait tout aussi tôt et où le seul interlocuteur est le vigile qui fait la loi à la porte.
 
J’ai honte des insultes dans la rue, des grossièretés hurlées d’un gardien de voiture à l’autre, des imbéciles qui parlent au téléphone comme s’ils étaient seuls au monde.
 
J’ai honte des tribunaux où des juges n’écoutent rien et où des avocats, de mèche les uns avec les autres, saignent à blanc le client.
 
J’ai honte des journalistes qui n’écrivent que ce qu’on leur dicte ou ce qu’on leur paye sans, jamais, donner un droit de réponse à la victime de leur diffamation.
 
J’ai honte des architectes signataires qui prônent la vertu et vendent leur âme au diable, défigurant nos villes et nos campagnes.
 
J’ai honte du manque de civisme dans les comportements avec ceux qui crachent, se mouchent avec les doigts, urinent contre les murs.
 
J’ai honte d’avoir honte.
 
Pour finir mes seuls sujets de fierté ,en cette fin d’année horribilis, sont mon Roi,la gestion de la Covid et la beauté de mon pays, ses vallées et montagnes, ses lacs et rivières, ses plages et ses océans, ses forêts, ses déserts, mais sans nous.
 
(Avant que certains ne prennent la mouche, j’ai utilisé sciemment l’article « Des »pour signifier des gens parmi tant d’autres, des lieux, des professions etc…Et non pas tout le monde.

Nous avons des gendarmes et des policiers magnifiques, des personnalités politiques tout autant, et ainsi de suite. Les bons se reconnaîtront et les mauvais, malgré leurs dénégations, se reconnaitront aussi)
 
El Montacir Bensaid


Dimanche 28 Novembre 2021

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