La Nuit des dissolutions gauloises : le RN arrive en tête avec 290 sièges

Fiction politique et prémonition par Adnane Benchakroun


Rédigé par La rédaction le Mercredi 3 Septembre 2025

Le parfum de crise flottait sur Paris depuis plusieurs semaines. Les ministres traversaient les couloirs de Matignon comme des fantômes conscients que leur temps était compté. François Bayrou, l’homme providentiel censé stabiliser le second quinquennat d’Emmanuel Macron, voyait venir sa chute comme un condamné observe la potence se dresser au loin. Le vote de confiance prévu le 8 septembre 2025 n’avait plus rien d’une formalité : c’était un procès public, et le verdict, déjà écrit dans les journaux, sonnait comme une exécution politique.



Le dernier souffle de Bayrou

La veille du vote, Bayrou passa la soirée enfermé avec ses plus proches conseillers. Il savait que les socialistes, les insoumis, les républicains dissidents et le RN avaient tous décidé de le renverser. À aucun moment il ne parvint à obtenir une majorité alternative. Les centristes, ses alliés de toujours, s’étaient réduits à un bataillon trop maigre pour faire rempart. À minuit, il se regarda dans le miroir de son bureau : le visage marqué, la moustache grisonnante, l’air d’un homme qui, malgré tout, croyait avoir rendu service à la République.

Au matin du 8 septembre, l’Assemblée bruissait déjà de rumeurs. Les caméras se massaient devant le Palais-Bourbon, les chaînes d’information en continu lançaient leurs génériques anxieux. À quinze heures, le Premier ministre prit la parole. Son discours fut sobre, digne, presque crépusculaire. Mais les députés n’étaient plus sensibles à la rhétorique. L’heure était venue du couperet.

Résultat du vote : Bayrou battu à une large majorité. Un tonnerre de clameurs éclata dans l’hémicycle, moitié soulagement, moitié jubilation malsaine. Le soir même, il remit sa démission à Emmanuel Macron, qui l’accepta sans illusions.

Macron au pied du mur

À l’Élysée, le président savait que sa marge de manœuvre était devenue infime. Deux options se dessinaient : tenter de nommer un nouveau Premier ministre issu de son propre camp, ou chercher une personnalité capable de rassembler au-delà des fractures. Mais qui accepterait une telle mission suicide ? Les noms circulaient : Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, voire un retour surprise d’Élisabeth Borne. Chaque hypothèse était aussitôt torpillée par les états-majors politiques qui annonçaient leur refus catégorique.

La nomination finit par tomber : Macron choisit un profil technocratique, ancien ministre de l’Économie respecté à Bruxelles, censé incarner la compétence et la stabilité. Mais dès le lendemain, les oppositions l’accusèrent d’être un « commis de Bruxelles », coupé des réalités sociales.

Le nouveau Premier ministre, dès son discours de politique générale, sentit que l’Assemblée lui était hostile. Les députés l’écoutaient comme on écoute un condamné prononcer ses derniers mots. Son sort était déjà plié : il serait renversé lors du débat budgétaire de l’automne.

Le piège du budget 2026

Le projet de loi de finances pour 2026 devint le champ de bataille décisif. Le gouvernement y défendait des mesures d’austérité déguisées : hausse de certaines taxes écologiques, gel des recrutements dans la fonction publique, coupes ciblées dans les dépenses sociales. La France, expliquait-on, devait rassurer les marchés et ses partenaires européens.

Mais la gauche dénonçait une trahison des classes populaires. Les Républicains, affaiblis mais encore présents, réclamaient une ligne plus ferme sur l’immigration et la sécurité. Quant au RN, il flairait l’occasion historique. Jordan Bardella, dans ses interventions, martelait que ce budget représentait « l’ultime déconnexion de Macron et de ses élites ». Marine Le Pen, en coulisses, préparait déjà la bataille électorale.

Le soir du vote, l’Assemblée plongea dans une atmosphère électrique. Chaque député savait que son choix allait peut-être précipiter le pays dans une dissolution. Le budget fut rejeté. Le Premier ministre, comme prévu, tomba à son tour.

La tentation de la dissolution

Macron réunit ses conseillers dans le Salon doré de l’Élysée. Certains plaidaient pour persévérer, tenter une troisième nomination, même si le ridicule guettait. D’autres rappelaient que l’article 12 de la Constitution offrait une issue : dissoudre l’Assemblée nationale et renvoyer la balle au peuple.

Le président, silencieux, écoutait. Il savait que ce choix serait le plus risqué de toute sa carrière. Dissoudre, c’était peut-être offrir Matignon au RN, mais refuser de dissoudre, c’était accepter une paralysie totale du pouvoir jusqu’en 2027.

Après une nuit d’insomnie, il annonça sa décision à la télévision : « J’ai décidé de dissoudre l’Assemblée nationale et de rendre la parole aux Français. »

La campagne-éclair

Les élections législatives anticipées furent fixées à novembre 2025. La campagne, brève et brutale, révéla la recomposition du paysage politique.

La gauche, fragmentée, tenta un front commun, mais les désaccords stratégiques entre LFI, PS et écologistes rendirent l’alliance bancale. Les Républicains, affaiblis par leurs divisions internes, ne parvinrent pas à exister médiatiquement.

Le RN, en revanche, mena une campagne d’une efficacité redoutable. Bardella arpentait les plateaux télévisés avec son sourire calme, répétant que seul son parti pouvait « rétablir l’ordre, protéger les Français et rendre leur voix respectée à Bruxelles ». Marine Le Pen, plus en retrait mais toujours influente, supervisait la stratégie : rassurer les classes moyennes, éviter les provocations, se présenter comme une force de gouvernement crédible.

Les macronistes, eux, apparaissaient fatigués, usés, incapables de renouveler leur discours. Le slogan « Ensemble, pour continuer » sonnait creux dans un pays qui voulait du changement.

Le verdict des urnes

Le 20 novembre 2025, les Français tranchèrent. Les résultats tombèrent dans une atmosphère glaciale à l’Élysée : le RN arrivait en tête avec 290 sièges, frôlant la majorité absolue. Avec quelques ralliements venus des Républicains, il pouvait désormais gouverner.

Les images firent le tour du monde : Marine Le Pen, entourée de Bardella et des cadres du parti, apparaissant sur un balcon décoré de drapeaux tricolores, saluant une foule euphorique. Le RN accédait pour la première fois de son histoire à Matignon.

Macron, contraint par la logique institutionnelle, désigna Jordan Bardella Premier ministre. Le jeune président du RN prit ses fonctions dans une solennité presque irréelle. Le visage fermé, il s’engagea à « servir tous les Français ».

L’après-choc

La France bascula dans une zone inconnue. Les marchés financiers réagirent par une volatilité extrême, tandis que Bruxelles exprimait sa « préoccupation ». Dans les administrations, les hauts fonctionnaires se demandaient comment cohabiter avec un gouvernement RN sans renier leurs principes.

Macron, prisonnier de l’article 20 de la Constitution, se retrouvait réduit à un rôle de garant institutionnel, presque décoratif. Le véritable pouvoir exécutif passait à Matignon. Le président avait voulu forcer le destin, il avait ouvert la porte à ses adversaires.

Pour la première fois depuis 1958, la Vᵉ République connaissait une cohabitation aussi brutale : un président centriste et un Premier ministre d’extrême droite. Le climat politique, social et médiatique se transforma en champ de mines.

Épilogue incertain

Dans les cafés parisiens, les conversations étaient électriques. Certains voyaient dans ce bouleversement l’expression légitime d’un peuple lassé des élites. D’autres redoutaient que la démocratie française ait franchi une ligne rouge.

À l’Assemblée, les nouveaux députés RN occupaient les bancs avec un mélange de fierté et d’improvisation. La gauche, sonnée, se promettait de reconstruire un contre-pouvoir. Les macronistes, réduits à un groupe minoritaire, tentaient d’exister par des éclats de voix.

Bayrou, désormais retiré, observait à distance le chaos qu’il avait, bien malgré lui, contribué à déclencher. « Je n’étais qu’un fusible », confia-t-il un soir à un proche.

Et Macron, enfermé dans son palais présidentiel, méditait cette phrase qu’il avait prononcée jadis : « Nous vivons un moment où l’Histoire s’accélère. » Oui, l’Histoire s’était accélérée. Mais peut-être pas dans le sens qu’il avait imaginé.




Mercredi 3 Septembre 2025
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