La commission Benmoussa et l'inaccessible 'parfaitude'


La Commission dite Chakib Benmoussa a rendu sa copie mardi soir au cours d’une cérémonie solennelle présidée au Palais royal de Fès par le Roi Mohammed VI. Un document exhaustif, embrassant tous les domaines, de ce que devrait être le Maroc et de comment y parvenir.



Par Naim Kamal

A lire ou à écouter en podcast :  (3.59 Mo)

Sans le dire, ce rapport fait écho à un autre rapport, celui du cinquantenaire, mené, près de 20 ans auparavant, par un autre ingénieur ponts et chaussées, Abdelaziz Meziane Belfqih. Publié en 2005 sous le titre Le Maroc Possible, il se fixait comme perspective 2025.
 

Ce rapport avait épuisé son caractère référentiel le jour même où le Souverain a évoqué en 2017 la nécessité d’un nouveau modèle de développement. Cet essoufflement avant terme du « rapport Belfquih » ne signifie pas qu’il a été, comme certains le prédisent aussi et déjà pour le « rapport Benmoussa », un manuel inutile, sans conséquences. Il a consacré et inspiré nombre d’importantes orientations de ces quinze dernières années. Dans sa continuité, l’intérêt du nouveau rapport est de défricher le terrain et rendre lisibles les voies de la réalisation d’une ambition nationale par l’édification d’une société moins inégalitaire. 
 

Mais c’est significatif que deux jours après sa publication, un cadre semble-t-il de la Fédération de la Gauche Démocratique, Omar Hyani, ait rendu sur la toile son verdict le condamnant à l’inefficience : « Il s’agit d’un rapport avec un diagnostic connu, des remèdes sympathiques, mais souvent homéopathiques.» Ce n’est pas un jugement, mais un préjugement (de préjugé) qui estime probablement que toute réforme doit passer par des tribunaux révolutionnaires et des Robespierre. 
 

Tout aussi significatif est la rapidité de circulation de ce post sur les plateformes sociales. Ce qui dénote un certain scepticisme ambiant, trait commun et saillant de la plupart de nos élites francophones, le texte de Omar Hyani étant rédigé en français. Dès son installation d’ailleurs, la commission Benmoussa, perçue comme une rampe de cooptation, a essuyé le feu des critiques de tous ceux qui s’y voyaient et n’y ont pas figuré pour la simple et bonne raison qu’on ne peut pas y mettre tout le monde. 
 

Ce qui ne veut pas dire que toutes les critiques exprimées par l’auteur de ce post sont infondées. Certaines font mouches. Et le débat est ouvert. Mais c’est se méprendre sur la vocation de la Commission que d’attendre d’elle l’invention de la poudre nouvelle génération. Sa mission a été de prospecter, d’écouter, de sonder, de diagnostiquer et ensuite de prescrire une carte pour la route. Et ce serait encore une erreur de croire qu’une œuvre, forcément et foncièrement perfectible, peut prétendre à la « parfaitude ». Son crédo ? Faites, faites, il en restera toujours quelque chose. 
 

Comme tout dessein de cette densité, le rapport sur le Nouveau Modèle de Développement qui s’installe sous l’acronyme NMD, ne vaudra que par l’application qu’on en fera. Pour s’assurer de sa bonne mise en œuvre, le Souverain a prévu un mécanisme qu’il supervisera personnellement.   
 

Et en peu de mots, ce que le Roi Mohammed VI attendait de cette commission, c’est d’esquisser les voies et moyens de réaliser ce que la fumeuse théorie du ruissellement n’a pu faire : enrichir (autant que faire se peut) les pauvres sans appauvrir (trop) les riches. Le reste dépend de nous tous, de nos ambitions, de notre mobilisation, de notre vigilance et surtout de la conformité de nos comportements avec nos discours. Ce qui nécessite une révolution comportementale, pas nécessairement synonyme de la révolution culturelle du grand Timonier.      

Par Naim Kamal sur https://quid.ma



Lundi 31 Mai 2021

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