La dissonance musicale de « Wagner »


Rédigé par le Lundi 8 Mai 2023

En attendant la contre-offensive ukrainienne, Evgueni Prigojine, le chef de la société russe de mercenariat « Wagner » produit une étrange dysharmonie avec le discours officiel de Moscou.



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Evgueni Prigojine, le chef de la société russe de mercenariat « Wagner »
Dans une vidéo largement diffusée sur les médias sociaux, le chef des mercenaires de la société russe « Wagner », Evgueni Prigojine, s’est plaint de manquements dans la livraison des munitions à ses combattants engagés dans la bataille de Bakhmut et s’est livré à une critique acerbe des responsables du ministère de la défense et des services de renseignements (Fsb) russes, accusés d’incompétence, voir de trahison.

Les médias ukrainiens s’en sont aussitôt emparés, pour souligner les chances de succès de la contre-offensive tant attendue des troupes de Kiev, dont le dit l’objectif principale serait la reprise de la Crimée.

Aucun expert militaire, non-aligné sur le storytelling de l’Otan, ne prend une telle ambition au sérieux. L’armée ukrainienne manque, d’abord, cruellement de systèmes de défense aérienne et de missiles sol-air pour éviter aux bataillons d’assaut de se faire aplatir par les chasseurs-bombardiers russes.

Le déficit s’étend, par ailleurs, également aux obus et roquettes d’artillerie, les arsenaux et colonnes d’approvisionnement ukrainiens étant les cibles privilégiées des missiles et drones russes.

L’hachoir à viande de Bakhmut

Encore plus grave, l’état-major ukrainien, a bêtement sacrifié nombre de ses soldats correctement formés et encadrés dans la bataille de Bakhmut, pour des considérations purement politiques et de communication adressée aux contribuables occidentaux qui financent l’effort de guerre de Kiev.

La bataille de Bakhmut a été entamée en août 2022 et dure jusqu’à présent, les forces ukrainiennes ne détenant plus, toutefois, que quelques 10% de la ville sévèrement ravagée.

Kiev n’a cessée d’y envoyer des renforts en hommes et matériels se faire annihiler par les mercenaires de Wagner, protégés sur leurs flancs par des troupes régulières de parachutistes russes.

La sortie du chef des « musiciens de Wagner »*, Evgueni Prigojine, ancien vendeur de hotdogs devenu homme d’affaires et réputé proche du président russe, surnommé le « cuisinier de Poutine », laisse donc plusieurs observateurs perplexes.

« Maskirovka » ?

Prigojine dénonce-t-il de réelles manœuvres de sabotage de l’effort de guerre russe qui seraient menées par un groupe de hauts responsables militaires et de bureaucrates opposés à l’actuel conflit en Ukraine ?

Ces déclarations explosives doivent-elles, plutôt être inscrites dans le registre de la fatigue des mercenaires de Wagner, qui devront prochainement être relayés à Bakhmut par les combattants tchétchènes d’Ahmed Kadyrov ?

Ou mieux encore, comme le suggère le journaliste et analyste géopolitique brésilien Pépé Escobar, s’agit-il d’une « maskirovka », qui signifie désinformation militaire en russe ? Les Russes sont, en effet, passés maîtres dans l’art de faire passer des vessies pour des lanternes à leurs adversaires.

Toujours est-il que l’attaque aux drones contre le palais présidentiel du Kremlin, le 3 mai à Moscou, suggère, d’une part, que la direction politique de Kiev s’est engagée dans un jusqu’auboutisme qui risque de coûter encore plus cher à  la frange de la population ukrainienne qui n’a pas pu s’expatrier, faute de moyens.

Infiltrations ukrainiennes

Les services de sécurité russes semblent, d’autre part, quelque peu dépassés par la situation. Après la fille du penseur russe, Alexandre Douguine, Daria Platonava, assassinée le 20 août 2022, et le blogueur Vladlen Tatarskii, assassiné le 2 avril 2023, c’est autour de l’écrivain Zakhar Prilépine de faire l’objet d’une tentative d’assassinat, le 6 avril.

A chaque fois, Moscou a accusé Kiev d’être derrière ses opérations menées en territoire russe, ce qui revient à avouer que les services de renseignement ukrainien sont plutôt bien implantés au pays de Poutine.

Il est à rappeler qu’un oligarque russe vivant aux Etats-Unis a mis à prix la tête du président russe, début avril 2022, pour un million de dollars.

Si Poutine jouit du soutien de plus de 80% de la population russe, selon les résultats d’un sondage réalisé en mars dernier, les ratés de la campagne militaire russe en Ukraine et les quelques attaques de drones réussies par Kiev derrière les lignes russes, dont celle du 29 avril qui est parvenue à atteindre un dépôt de pétrole en Crimée, laissent penser que les mises en garde de Prigojine ne sont pas totalement dénuées de fondement.

La fatigue des acteurs

Dans une interview accordée à CBS News et diffusée le 7 mai, l’ancien secrétaire d’Etat et géopolitologue américain, Henry Kissinger, s’est dit confiant en la capacité de la Chine à amener les deux belligérants à la table des négociations, à travers son plan de paix, d’ici la fin de l’année en cours.

Généralement, les Américains ne pensent à discuter de la paix que lorsqu’ils se trouvent dans l’incapacité à remporter militairement un conflit.

De toute évidence, la guerre en Ukraine ne se déroule pas de la manière escomptée, ni par Moscou, ni par Washington.

Le jusqu’auboutisme des néoconservateurs américains et des profiteurs de guerre ukrainiens n’en maintient pas, toutefois, moins le risque réel de voir les choses échapper au contrôle de Moscou et Washington, suite à une provocation de trop.

C’est dans un tel contexte que les propos de Prigojine sonnent comme des notes discordantes par rapport à la symphonie triomphante jouée par les hauts responsables politiques et militaires russes.

*Les mercenaires de la société Wagner sont ainsi appelés en Russie par référence au compositeur allemand du 19ème siècle, Richard Wagner, par ailleurs le préféré d’Adolf Hitler.




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Lundi 8 Mai 2023
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