La saine, et lucide, colère d’un roi




Par Aziz Boucetta

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Après un discours inattendu le 30 juillet sur l’Algérie et la nécessaire bonne entente entre les deux pays maghrébins, voici le discours du 20 août, tout aussi surprenant. Le roi Mohammed VI a parlé des derniers événements, voire des attaques dont le Maroc est la cible. En effet, depuis le début de l’année, le royaume entretient des relations froides avec les Allemands, fraîches avec l’Espagne et distantes avec Paris. Et pour cause.
 

Les attaques.
 

Berlin a multiplié les gestes hostiles, ou à tout le moins inamicaux, envers le Maroc : Mise à l’écart durant la conférence de Berlin de janvier 2020 sur la Libye, célébration du machin sahraoui à Brême et surtout, saisine du Conseil de sécurité de l’ONU pour palabrer sur la reconnaissance américaine de l’intégrité territoriale du Maroc. Résultat : Suspension des relations avec Berlin (Toutes ? Toutes) et rappel de l’ambassadrice marocaine pour consultation.

Les Espagnols, quant à eux, ont cru bon de faire entrer Brahim Ghali en secret sur leur territoire, pour tenter de sortir de son corps le virus Covid. Le Maroc a protesté, et s’est vu traiter avec une certaine condescendance, inadmissible entre deux voisins aux relations pluriséculaires. Et suite à un malheureux cafouillage migratoire marocain à Sebta, Madrid a mobilisé les Européens, qui ont attaqué en meute, au parlement européen, sans que les gouvernements n’en appellent à la raison en laissant les Espagnols régler leur différend avec le Maroc. Résultat : Rappel de l’ambassadrice marocaine pour consultation.
 

Et puis Paris… Une entreprise barbouzarde empreinte d’inacceptables coups bas a visé le Maroc, accusé d’espionner tout le monde, et le reste aussi. Nasser Bourita avait noté un acharnement du service public d’un pays de l’UE – la France – et le roi a dit ceci : « Dans l’intention de précipiter le Maroc dans une spirale de problèmes et de conflits avec certains pays, toutes sortes de ressources, légitimes et illégitimes, ont été mobilisées, avec une distribution des rôles et le déploiement d’impressionnants dispositifs d’influence ». La France toujours.


Et quand le souverain précise que « des rapports ont franchi toutes les limites de l’acceptable, allant jusqu’à recommander que soit freinée la dynamique de développement de notre pays, au motif captieux qu’elle crée une dissymétrie entre les Etats maghrébins », il évoque le rapport de ce think tank allemand financé en partie par l’argent public, et on sait ô combien Berlin est pointilleux quant à l’utilisation et l’affectation de cet argent public. Chaque action est soigneusement pensée, pesée, soupesée et orientée vers un objectif précis.


Enfin, le roi revient sur les attaques contre les services sécuritaires du royaume, visant à « jeter une ombre sur l’effort d’appui et de coordination qu’elles assurent au bénéfice de notre environnement régional et international et ce, de l’aveu même de quelques-uns de ces pays »… En effet, et c’est la France qui est principalement concernée, la DGST et son directeur Abdellatif Hammouchi sont copieusement ciblés par les médias hexagonaux, à la limite de l’obsession, oubliant que la lutte antiterroriste française est largement tributaire de Rabat.


Efficacité sécuritaire marocaine ou incompétence policière européenne ? Chacun jugera à sa manière, mais devra pour cela avoir à l’esprit la décisive coopération marocaine dans l’enquête sur les attentats de Paris en novembre 2015, le démantèlement des cellules de Molenbeek et Verviers et les arrestations opérées en Espagne.


Les causes des attaques.


Revenons sur ce passage du discours : « D’aucuns prétendent que le Maroc est ainsi assailli parce qu’il aurait changé son orientation politique et stratégique, ainsi que son modus operandi dans le traitement de certaines questions diplomatiques. Il n’en est rien. Le Maroc a effectivement changé mais pas dans le sens souhaité par ses détracteurs. Il a changé parce qu’il n’accepte pas que ses intérêts supérieurs soient malmenés ».

Dans son discours de Riyad d’avril 2016, le roi Mohammed VI avait affirmé que le Maroc élargira ses partenariats à d’autres pays que les alliés traditionnels, sans préjudice pour ces derniers. Ce qu’il fit durant les années qui suivirent. Mais ce 20 août, le chef de l’Etat confirme que rien n’a changé dans les partenariats traditionnels, contrairement à ce que l’on pourrait penser, et que si le Maroc a changé, ajoute le roi, c’est pour défendre ses intérêts supérieurs, en un mot sa souveraineté territoriale.


La France, l’Espagne et l’Allemagne, en plus d’avoir dépecé le Maroc à l’ère des colonisations, entravent aujourd’hui dans une touchante et coupable coordination ses efforts pour recouvrer l’intégralité de son territoire. Pourquoi, avec leur connaissance de l’Histoire et leur conscience de leur responsabilité, de la conférence de Berlin en 1884 à celle d’Algésiras en 1906, Madrid, Paris et Berlin (dans l’ordre de culpabilité) ne déclarent-ils pas le Sahara marocain ?


Leurs tergiversations, manipulations, dissimulations et marchandages expliquent la colère royale, saine, lucide juste et froide.


De plus, et le roi le mentionne aussi, l’entreprise de sape des relations intermaghrébines, prêtant aux Européens « l’intention de précipiter le Maroc dans une spirale de problèmes et de conflits avec certains pays », essentiellement l’Algérie dont les généraux ne disposent pas de la quantité requise de neurones pour comprendre la manœuvre. Comment peut-on raisonnablement croire que le Maroc espionne 6.000 officiels algériens ?


Les conséquences des attaques.


« A toute chose, malheur est bon : par leurs menées, les ennemis de notre intégrité territoriale ne font que renforcer la foi et l’engagement déterminé des Marocains à défendre sans relâche la Patrie et ses intérêts supérieurs » dit le chef de l’Etat. Cela signifie une union, sinon unanime du moins très large, des Marocains autour de leurs intérêts, et contre ceux qui les menacent.


Les jeunes ont déjà tourné le dos à l’Europe et voient plus loin, à l’est et à l’ouest, et les moins jeunes opèrent leur bascule vers un monde anglosaxon différent. Il n’existe nulle part des anges, mais avec ses anciens démons, l’Europe s’éloigne de plus en plus et de plus en plus vite des cœurs et des esprits marocains. Et de leurs investissements, ce qui semble intéresser le plus Paris, Madrid et Berlin (dans l’ordre d’implantation).

 

Le problème du Maroc est dans son voisinage. L’Algérie avance les yeux rivés vers un passé relativement récent, et l’Europe plonge, l’esprit coincé sur sa grandeur passée, aujourd’hui révolue. Le Maroc n’a d’autre choix que de s’ancrer davantage à son continent, et à y prospérer avec ses nouveaux alliés, si les anciens persistent à maintenir l’esprit des conférences de Berlin et d’Algésiras, et ne saisissent pas la main (quand même) tendue dans ce discours...


Rédigé par Aziz Boucetta sur https://panorapost.com



Mardi 24 Aout 2021

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