La thérapie de choc du cannabis médical


Rédigé par le Vendredi 30 Avril 2021

L’examen du projet de loi portant sur l’usage légal du cannabis par la commission de l’intérieur de la Chambre des représentants est une occasion de revenir plus sobrement sur ce sujet. Quant au Pjd qui va, encore une fois, à contre-courant de la classe politique, c’est un non-évènement.



Le cannabis, une plante qui donne du vertige aux Pjdistes
« C’est un moment historique », a déclaré Nourdin Moudian, chef du groupe istiqlalien pour l’unité et l’égalitarisme à la Chambre des représentants, à propos de la présentation du projet de loi sur l’usage légal du cannabis à l’examen des députés. Et d’en profiter pour rappeller que l’approche sécuritaire a été un échec.

« Dieu nous a donné le Kif il y a plus d’un siècle. Nous l’avons cantonné aux interpellations et à semer la peur et la terreur auprès des habitants » des provinces ou il est cultivé, a estimé le député istiqlalien.

Le Kif au Maroc, ce sont 55.000 hectares dédiés à la culture de cette plante, au bénéfice de 80 mille à 120 mille familles. Quelques 700 tonnes ont été produites l’année dernière, dont 217 tonnes ont été saisies par les services de sécurité.

Barbus hallucinés

Comme il fallait s’y attendre, les députés Pjdistes ont crié au scandale et aussitôt accolé à ce projet de loi un dessein électoraliste.

En omettant de souligner que c’est leur parti qui a choisi de faire cavalier seul, au moment ou toutes les formations politiques s’accordent sur le double caractère politique et socioéconomique de ce projet de législation.

Il vise à la fois la réhabilitation des cultivateurs de cannabis, la réconciliation avec les habitants des régions concernées et l’amélioration de leurs conditions d’existence.

Ces derniers, qui attendent ladite loi salvatrice depuis de longues années, ne manqueront pas, il est vrai, de se rappeler au moment ou ils auront à choisir leurs représentants au parlement, de la prise de position du Pjd.

Ou l’art des barbus de se tirer une balle dans le pied.

Taux de stupidité

Risible a d’ailleurs été leur réaction à l’élaboration par le ministre de l’intérieur, Abdelouafi Laftit, d’une étude scientifique sur le sujet, qui a pris quelques deux années.

Il s’agirait d’un rapport ‘secret’ dénoncent les Pjdistes. Aussi ‘secret’ pour eux que les connaissances scientifiques sur lesquelles il s’appuie leur semblent ésotériques.

Pourtant, certaines données devraient plutôt les ravir, autant qu’elles inquiètent, d’ailleurs, les cultivateurs concernés.

Qui dit cannabis à usage médical et industriel, objet du projet de loi examiné par la Chambre des représentants, dit automatiquement un taux de THC (TétraHydroCannabinol) qui ne correspond pas à celui des plantes actuellement cultivées et destinés à l’usage récréatif illicite.

Questions en suspens

Pour produire du cannabis à usage médical et industriel, il faudrait, donc, semer d’autres graines. Lesquelles ? Qui va les fournir et en contrôler le marché ?

Autant de questions que seuls les cultivateurs de cannabis semblent, pour l’instant, se poser.

Par ailleurs, tenant compte du relief accidenté des provinces ‘historiques’ de la culture du Kif, à savoir Al Hoceïma (Ketama et Bni Seddat) et Chefchaouen (Beni Khaled), ce qui implique un faible rendement à l’hectare, à quel prix les cultivateurs de cannabis ‘médical et industriel’ peuvent-ils prétendre écouler leur production ?

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Rendement et prix

Le cannabis à usage thérapeutique rapporte--il assez pour soigner les maux des provinces concernées ?
Il s’agit pour eux de savoir quel serait l’impact de leur reconversion sur leurs revenus. Pour faire simple, le cannabis actuellement cultivé comporte un taux de THC élevé, qui correspond à l’usage récréatif, qu’il n’est pas prévu de légaliser.

Le prix auquel il est cédé aux trafiquants compense le faible rendement à l’hectare, en raison du terrain accidenté.

S’il faudrait cultiver, même légalement, du cannabis à usage médical et industriel, à taux de THC réduit, sous les contraintes topographiques des zones concernées, les revenus pourraient s’avérer moindres.

Selon les projections des pouvoirs publics, les cultivateurs passant de la culture du cannabis à usage récréatif à celui destiné à la pharmacopée et à l’industrie pourront escompter un triplement de leurs revenus.

De 4%, actuellement, du chiffre d’affaires du marché du cannabis, la part des cultivateurs progresserait jusqu’à 12% une fois la loi adoptée et les investissements nécessaires consentis dans la valorisation des récoltes.

Valeur ajoutée

Comme semblent l’avoir bien compris les cultivateurs de cannabis, qui apprécient de pouvoir enfin de passer de la clandestinité à la légalité, le véritable bénéfice économique réside surtout dans la localisation des unités de valorisation du cannabis dans leurs provinces, afin de profiter à tous les habitants.

Ils demandent à ce que les coopératives censées les regrouper s’engagent également de la valorisation des récoltes, dans le cadre de partenariats avec des opérateurs privés étrangers leaders du secteur.

La volonté de continuer à cultiver du cannabis à usage récréatif et d’en faire un produit d’appel pour promouvoir le tourisme dans les provinces concernées à également été exprimée.

C’est ainsi que nombre d’acteurs politiques voient d’un mauvais œil l’implantation de la future agence nationale de régulation de la culture du cannabis dans la capitale, estimant que c’est dans la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceïma qu’elle devrait plutôt installer ses quartiers.

Ajustements à opérer

Somme toute, encore fois entrent en confrontation une vision ‘savante’ émanant du ‘Centre’ avec celle ‘profane’ de ceux de la ‘périphérie’.

Le rôle du politique est justement de procéder aux arbitrages nécessaires pour une harmonisation des positions et actions. Puisque le succès de la démarche entamée dépend d’abord de l’engagement de l’ensemble des acteurs concernés.

Le marché mondial du cannabis, est évalué à 46 milliards d’euros en 2025. 50 pays se sont déjà lancés sur le marché prometteur du cannabis à usage thérapeutique et industriel.

Le Maroc, qui trône en tête des pays producteurs de cannabis, doit peut être en réduire sa consommation pour usage récréatif afin de voir plus clairement les opportunités qu’offre cet or vert qu’il a longtemps cherché à éradiquer.




Journaliste par passion, donner du relief à l'information est mon chemin de croix. En savoir plus sur cet auteur
Vendredi 30 Avril 2021
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