Le blanchiment de réputation : comment le Qatar s'offre une virginité médiatique avec le PSG

Et pendant ce temps, on nous brandit un rapport parlementaire sur les Frères musulmans…


Rédigé par le Mardi 3 Juin 2025

Le Qatar utilise le PSG pour blanchir sa réputation en France, pendant que le Parlement dénonce l'influence des Frères musulmans sans le nommer.



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Soft power, gaz et realpolitik

Il y a le blanchiment d’argent que tout le monde connaît. Et puis, il y a son cousin discret, élégant, presque séduisant : le blanchiment de réputation. L’un lave les billets, l’autre redore les images. Et le Qatar, en la matière, est un expert. Derrière les projecteurs du Parc des Princes, les sourires diplomatiques et les maillots floqués “Mbappé”, se joue une stratégie bien plus profonde qu’une simple passion pour le football. Pendant que la France applaudit les performances du PSG, un rapport parlementaire dénonce les influences des Frères musulmans. Mais sans jamais nommer l’un de leurs plus anciens alliés supposés : le Qatar lui-même.

En rachetant le Paris Saint-Germain en 2011, le Qatar n’a pas simplement investi dans un club de football. Il a acheté un bâton de maréchal diplomatique. Le Qatar, petit État gazier du Golfe, veut exister au niveau mondial. Pas par sa taille, mais par son image. Alors on aligne les millions pour bâtir une équipe de stars, construire une légende, attirer la jeunesse, faire battre les cœurs. On ne parle plus que de buts, de trophées, de mercato.

Mais tout cela, c’est de la stratégie. Car pendant que l’Europe regarde le terrain, elle oublie ce que l’on sait depuis longtemps : le Qatar est aussi l’un des principaux bailleurs de fonds idéologiques du monde arabo-musulman. Notamment à travers son soutien historique aux Frères musulmans, réseau politique et religieux transnational que la France surveille de très près.

Le 27 mai 2025, un rapport parlementaire français tire la sonnette d’alarme sur l’implantation insidieuse des Frères musulmans en France. Il évoque des réseaux, des influences, des financements venus de l’étranger. Mais ne prononce jamais clairement le mot "Qatar", préférant évoquer de vagues “pays du Golfe”.

Pourquoi ce flou ? Parce que le Qatar est devenu un partenaire économique et stratégique. Trop précieux pour être froissé. Trop influent pour être pointé du doigt. La diplomatie française joue donc sur deux tableaux : dénoncer les effets tout en caressant la cause.

Le Qatar ne se limite pas au PSG. Il possède beIN Sports, influence la FIFA, a organisé une Coupe du monde entachée de scandales, mais largement “lavée” par le succès populaire. Il a également investi massivement dans l’immobilier, les musées, les think tanks européens. À chaque fois, la même logique : acheter une part du récit occidental, devenir incontournable, séduisant, fréquentable.

Et pendant ce temps-là, les ONG, les services de renseignement, les chercheurs tirent la sonnette d’alarme. Ils dénoncent les conditions de travail des ouvriers migrants, les ingérences idéologiques, les relais d’influence religieuse. Mais ces alertes tombent souvent dans le silence. L’argent, le gaz, le football font écran.

La France complice malgré elle ? Ce silence n’est pas anodin. Il est la contrepartie d’une relation toxique, mais rentable. La France, comme beaucoup de démocraties occidentales, choisit parfois de fermer les yeux quand les intérêts économiques l'exigent. Ce qui lui permet, dans le même souffle, de dénoncer l'islam politique... tout en s'affichant avec ses sponsors.

Ce deux poids, deux mesures est dangereux. Il alimente la défiance des citoyens, qui voient les discours officiels comme des mascarades. Il fragilise la parole publique. Et surtout, il donne un passeport d’immunité morale à des régimes qui savent très bien jouer sur les contradictions de l’Occident.

Imaginez un instant : si un pays maghrébin avait racheté un grand club européen, lancé une chaîne sportive mondiale et organisé une Coupe du monde, tout en étant accusé de soutenir des mouvances islamistes… Le traitement médiatique aurait été tout autre. Il y aurait eu des enquêtes, des unes scandalisées, des débats sur la sécurité nationale.

Mais le Qatar, lui, fait tout cela avec le sourire, des trophées et des contrats. C’est ça, le blanchiment de réputation. Et il fonctionne à merveille.

Le blanchiment de réputation est l’arme invisible des puissances émergentes. Le Qatar en a fait un modèle. Et la France, comme bien d’autres pays, en est devenue l’alliée tacite. La question n’est pas de savoir si cela est légal. C’est de savoir jusqu’où cette complaisance peut aller.

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Mardi 3 Juin 2025
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