Le changement climatique au Maroc : les femmes, actrices centrales de la résilience face à la crise


Rédigé par le Mardi 2 Septembre 2025

Le Maroc, déjà confronté à une sécheresse persistante et une pénurie d’eau, subit de plein fouet les effets du changement climatique. Ces impacts touchent particulièrement les communautés rurales, avec un poids supplémentaire pour les femmes, selon un récent rapport du think tank américain Carnegie Endowment for International Peace.



La sécheresse, plus palpable que jamais, a des conséquences dramatiques sur les ressources en eau du pays. Le barrage Al Massira, par exemple, qui stockait il y a neuf ans encore une quantité d’eau significative, n’en conserve aujourd’hui plus que 3% de son volume initial. Cette situation place la gestion de l’eau au cœur des préoccupations nationales, tant pour l’économie que pour la cohésion sociale. Bien que la crise climatique concerne l’ensemble de la population, les femmes, en raison de leurs rôles domestiques et agricoles, en subissent les effets de manière exacerbée.

Le rapport souligne que, au Maroc, la gestion du foyer et des tâches ménagères (cuisine, soins aux enfants, lavage) incombe principalement aux femmes. Dans les zones rurales, elles jouent également un rôle clé dans l’agriculture familiale, un secteur qui souffre directement des effets de la sécheresse et de la désertification. La migration masculine vers les villes accentue encore cette charge, laissant les femmes seules pour assumer l’ensemble des tâches agricoles et familiales. En raison de leurs responsabilités sociales, elles ne peuvent pas non plus recourir à la migration pour échapper aux difficultés climatiques, ce qui les place dans une situation de vulnérabilité extrême.

L’introduction de cultures commerciales particulièrement gourmandes en eau, comme la pastèque depuis 2008, a aggravé la situation. Tandis que les hommes partent chercher du travail en ville, les femmes doivent jongler entre les champs et leurs familles, avec un accès limité à des ressources essentielles pour une agriculture durable. Parallèlement, les politiques publiques, bien que présentes, sont souvent insuffisantes pour répondre aux enjeux actuels, et seuls quelques secteurs traditionnels bénéficient encore d’un soutien institutionnel.

L’un des principaux obstacles réside dans l’inégalité d’accès des femmes à la propriété foncière. Malgré des initiatives comme la « melkinisation » lancée par des ONG féministes pour favoriser l’accès des femmes aux terres agricoles, celles-ci demeurent largement exclues des processus décisionnels liés à l’exploitation des ressources naturelles. Cette exclusion structurelle limite la capacité des femmes à répondre efficacement aux défis climatiques, note le rapport.

Cependant, des initiatives émergent pour mettre en avant le rôle des femmes dans la lutte contre le changement climatique. L’ONG Youth for Climate Morocco, par exemple, se distingue par sa direction majoritairement féminine et son engagement à promouvoir l’inclusivité dans l’activisme climatique. Ses programmes vont de la formation communautaire à des campagnes nationales, avec pour objectif de transformer la voix des femmes en force décisionnelle face aux défis environnementaux.

De plus, les mouvements féministes et climatiques commencent à se croiser et à se renforcer mutuellement. À Figuig, des femmes se sont opposées activement, en 2024, à un projet national de gestion de l’eau, soulignant ainsi leur rôle clé dans la défense de leurs communautés et de leurs ressources naturelles.

La crise climatique touche également les traditions et les aspects culturels du Maroc. Le rapport mentionne, par exemple, l’annulation du sacrifice d’Aïd Al-Adha, un événement majeur de la vie religieuse et sociale, illustrant comment le changement climatique modifie profondément les coutumes du pays.

Les femmes marocaines se trouvent ainsi à la croisée des chemins entre tradition, activisme et survie économique. Elles portent un double fardeau, devant gérer le quotidien domestique tout en contribuant à l’agriculture et en faisant face aux effets de l’exode masculin et de la raréfaction des ressources. Les experts soulignent qu’inclure la perspective des femmes dans les politiques climatiques n’est pas seulement une question d’égalité, mais un impératif pour garantir la résilience et l’adaptation du pays face à la crise climatique.


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Journaliste sportive et militante féministe, lauréate de l'ISIC. Dompteuse de mots, je jongle avec… En savoir plus sur cet auteur
Mardi 2 Septembre 2025
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