Une ambition légitime… mais encore abstraite avec des discours en décalage avec les dynamiques sociales réelles
Depuis le lancement de la stratégie Génération Green 2020-2030, les pouvoirs publics martèlent une ambition centrale : faire émerger une classe moyenne rurale, synonyme de stabilité, de prospérité et de cohésion sociale. L’idée séduit : une agriculture familiale autonome, moderne, résiliente, capable de faire vivre dignement ses membres, d’investir, d’éduquer les enfants et de se projeter dans l’avenir. Mais sur le terrain, cette classe moyenne reste davantage un horizon qu’un phénomène observable. Et pour cause : les conditions structurelles de son émergence ne sont pas réunies.
Le rapport du CESE (2024) le souligne : la ruralité marocaine reste marquée par la précarité, l’irrégularité des revenus, et une dépendance à l’agriculture de subsistance. Près de 50 % des chefs d’exploitation ont plus de 53 ans, 66 % des terres sont en indivision, et 88 % ne sont pas immatriculées. Dans ces conditions, comment bâtir une classe moyenne durable ?
Certes, certaines régions voient émerger des profils d’agriculteurs intégrés aux filières d’export, ayant accès au crédit, à l’assurance et à la formation. Mais ils restent l’exception. Pour la majorité, les revenus sont faibles, saisonniers, imprévisibles. La capacité d’épargne est quasi inexistante, et l’ascension sociale repose davantage sur l’émigration ou l’enseignement urbain que sur la terre.
Qu’est-ce qu’un agriculteur de classe moyenne ? Est-ce un producteur capable de dégager un revenu annuel net suffisant pour scolariser ses enfants, se soigner, investir, et épargner ? Ou suffit-il d’augmenter ses rendements de 10 % grâce à une nouvelle variété de semences ?
En l’absence d’indicateurs précis, d’objectifs chiffrés, et de dispositifs ciblés, l’ambition d’une classe moyenne rurale demeure floue. Le CESE souligne qu’aucune politique foncière, financière ou sociale spécifique n’a été articulée autour de cette cible sociale. Résultat : l’idée reste mobilisée comme un argument de communication, sans traduction opérationnelle suffisante.
Les freins persistants à l’ascension sociale rurale
Plusieurs verrous empêchent les agriculteurs familiaux de franchir le cap de la subsistance vers la consolidation sociale :
L’accès au crédit, limité par l’absence de garanties foncières ou de documents officiels ;
La faiblesse de la couverture sociale, avec une AMO inadaptée aux revenus irréguliers ;
Le manque de services publics dans les douars (écoles, santé, transport) ;
L’absence de formation continue ou de parcours professionnels agricoles pour les jeunes ;
La dépendance à des circuits commerciaux captés par les intermédiaires, réduisant la rentabilité de la production.
Ces blocages ne relèvent pas seulement de l’agriculture. Ils sont sociaux, fiscaux, institutionnels, et demandent une approche intersectorielle, durable, structurée.
Peut-on vraiment créer une classe moyenne rurale dans un contexte de stress hydrique, de morcellement foncier, et de transition démographique ? Certains diront que l’idéal est trop ambitieux. Mais ce n’est pas l’ambition qui est le problème, c’est l’absence de stratégie réaliste pour y parvenir.
Car sans infrastructures sociales, sans redistribution de la valeur agricole, sans sécurisation des droits fonciers, le pays ne construit pas une classe moyenne rurale… il l’imagine.
Le rapport du CESE (2024) le souligne : la ruralité marocaine reste marquée par la précarité, l’irrégularité des revenus, et une dépendance à l’agriculture de subsistance. Près de 50 % des chefs d’exploitation ont plus de 53 ans, 66 % des terres sont en indivision, et 88 % ne sont pas immatriculées. Dans ces conditions, comment bâtir une classe moyenne durable ?
Certes, certaines régions voient émerger des profils d’agriculteurs intégrés aux filières d’export, ayant accès au crédit, à l’assurance et à la formation. Mais ils restent l’exception. Pour la majorité, les revenus sont faibles, saisonniers, imprévisibles. La capacité d’épargne est quasi inexistante, et l’ascension sociale repose davantage sur l’émigration ou l’enseignement urbain que sur la terre.
Qu’est-ce qu’un agriculteur de classe moyenne ? Est-ce un producteur capable de dégager un revenu annuel net suffisant pour scolariser ses enfants, se soigner, investir, et épargner ? Ou suffit-il d’augmenter ses rendements de 10 % grâce à une nouvelle variété de semences ?
En l’absence d’indicateurs précis, d’objectifs chiffrés, et de dispositifs ciblés, l’ambition d’une classe moyenne rurale demeure floue. Le CESE souligne qu’aucune politique foncière, financière ou sociale spécifique n’a été articulée autour de cette cible sociale. Résultat : l’idée reste mobilisée comme un argument de communication, sans traduction opérationnelle suffisante.
Les freins persistants à l’ascension sociale rurale
Plusieurs verrous empêchent les agriculteurs familiaux de franchir le cap de la subsistance vers la consolidation sociale :
L’accès au crédit, limité par l’absence de garanties foncières ou de documents officiels ;
La faiblesse de la couverture sociale, avec une AMO inadaptée aux revenus irréguliers ;
Le manque de services publics dans les douars (écoles, santé, transport) ;
L’absence de formation continue ou de parcours professionnels agricoles pour les jeunes ;
La dépendance à des circuits commerciaux captés par les intermédiaires, réduisant la rentabilité de la production.
Ces blocages ne relèvent pas seulement de l’agriculture. Ils sont sociaux, fiscaux, institutionnels, et demandent une approche intersectorielle, durable, structurée.
Peut-on vraiment créer une classe moyenne rurale dans un contexte de stress hydrique, de morcellement foncier, et de transition démographique ? Certains diront que l’idéal est trop ambitieux. Mais ce n’est pas l’ambition qui est le problème, c’est l’absence de stratégie réaliste pour y parvenir.
Car sans infrastructures sociales, sans redistribution de la valeur agricole, sans sécurisation des droits fonciers, le pays ne construit pas une classe moyenne rurale… il l’imagine.