Le printemps des généraux


Rédigé par le Mercredi 5 Mai 2021

L’Histoire enseigne que lorsque le courant ne passe plus, ou mal, entre les décideurs politiques et les responsables militaires, c’est qu’il y a grave péril en la demeure.



La 'Grande muette' en a marre de faire le dos rond
Un millier de militaires français à la retraite, dont une dizaine de généraux, et dix huit autres toujours en activité (sûrement pas pour longtemps), ont adressé une lettre ouverte à leurs ‘gouvernants’ pour dénoncer le ‘délitement’ des institutions de leur pays.

Et ce avec le style sentencieux et dramatique dont les Français ont le secret : « L’heure est grave, la France est en péril… On le voit, il n’est plus temps de tergiverser, sinon, demain la guerre civile mettra un terme à ce chaos croissant, et les morts, dont vous porterez la responsabilité, se compteront par milliers» !

La crainte de putschs militaires étant fantasmagorique en pays démocratique, c’est une crise sociopolitique profonde que la prise de parole par la ‘Grande muette’ désigne.

Panique dans le poulailler

Il va sans dire que tous les gauchos parisiens se sont mis à piailler de peur, hallucinant même des bruits de bottes sur les pavés de la capitale française. Puis ils se firent plus discrets, au fur et à mesure que le nombre des signataires augmentait.

Ils sont, au dernier décompte (4 mai), plus de 23.000, dont près d’une soixantaine de généraux. Il y aurait même une liste, distincte, pour les civils ! On se croirait à Alger du temps de la guerre d’indépendance et de l’OAS.

Le Général Lecointre, chef d’état-major des Armées françaises, a dû regretter amèrement son article, publié sur les colonnes du ‘Figaro’, en janvier 2018, dans lequel il dénonçait « l’effacement de la parole du soldat ».

Celui qui reproche, aujourd’hui, à ses frères d’armes d’ouvrir trop grandes leurs gueules invitait, alors, les militaires à « développer la réflexion sous toutes ses formes et dans toutes les dimensions ».

Il ne devait sûrement pas s’attendre à être pris au mot.

La crise, un investissement électoral

L’insoumis Jean Luc Mélenchon croit déjà entendre le cliquetis des fusils d’assaut Famas (ou peut être son remplaçant allemand HK416, il n’y a plus de ‘préférence française’ en la matière).

Il se dit que c’est peut être le moment de chanter « Le tombeau des fusillés » à ses sympathisants pour les exalter, dans la perspective du prochain scrutin présidentiel.

Alors que Marine Le Pen a ressortit le treillis camouflé de parachutiste de son papa et espère bien rallier à elle ban et arrière ban des militaires en colère pour marcher sur l’Elysée lors de l’élection du prochain chef de l’Etat.

Emmanuel Macron est le premier président français à ne pas avoir passé le service militaire. Envoyer les soldats faire la chasse aux jihadistes au Sahel est une chose, devoir affronter leur grogne dans l’Hexagone en est une autre.

Et comme Benalla n’est plus là, il y a du souci à se faire. Bien qu’on voit mal ce faux flic faire face aux gars du COS ou ceux de la Légion étrangère.

Rappel de mauvais souvenirs

L’appel des dits militaires a d’abord été publié, le 13 avril, dans un site, ‘Place d’armes’, dirigé par l’initiateur de ce texte.

Avant d’être repris par une revue plus en vogue, ‘Valeurs actuelles’, réputée pour ses inclinaisons très à droite du spectre politique français, et ce le 21 du même mois.

Un choix de date fort mal inspiré, parce que le même jour, il y a 60 ans, un quarteron de généraux français avait tenté un putsch militaire contre le Général De Gaulle, alors président de la république.

Surprise et consternation, donc, au pays de Charles De Gaulle, qui s’est pourtant lui-même distingué en désobéissant aux ordres de son supérieur hiérarchique, le Maréchal Pétain, en refusant de baisser les armes face à l’Allemagne nazie, un certain juin 1940.

Le fondateur de la 5ème république est, en effet, lui-même un rebelle.

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Un malaise diffus et étendu

En 1961, les généraux Zeller, Jouhaud, Salan et Challe ont tenté de renverser le Général De Gaulle
Cette tragicomédie française n’a pas fini de surprendre et d’inquiéter.

Car, moins médiatisée a été le document élaboré par seize membres du ‘Centre de réflexion interarmées’.

Ce dernier portait, également, sur les mêmes thématiques relatives à l’islamisme et aux banlieues devenues des zones de non-droit.

Là, il s’agit de militaires toujours en activité, dont la mission est justement de ‘réfléchir’ et de faire connaître le fruit de leurs pensées.

Le fait qu’ils disent à peu près la même chose que les militaires signataires de l’appel dénoncé doit donner des migraines aux conseillers de l’Elysée.

Contagion transatlantique

Mais ce n’est pas fini. En faisant un petit détour par les Etats-Unis, on remarque que dans ce pays tout aussi démocratiquement bien enraciné, des généraux (quatre étoiles svp !) disent au plus haut responsable du renseignement de leur pays que ses services sont soit incompétents, soit composés d'illuminés qui ont des 'visions', selon les diverses interprétations données à la lettre qu’ils lui ont adressé.

« Nous, les généraux 4 étoiles à la tête des commandements régionaux américains dans le monde entier, sommes de plus en plus préoccupés par le manque de preuves des affirmations que vous faites sur nos adversaires.

En tant que vrais croyants, nous ne doutons pas des jugements, quels qu’ils soient, portés par vous sur les activités néfastes de la Russie, de l’Iran et de la Chine. Cependant, nos alliés et partenaires ne souscrivent pas à cette béatitude de l’ignorance. Ils continuent à nous demander des faits qui étayent ces jugements.

Malheureusement, nous n’en avons aucun à leur fournir ».

Quand la garde prétorienne dit à César qu’il fait et/ou dit des bêtises, il a un intérêt ‘vital’ à prendre leurs propos très au sérieux.




Journaliste par passion, donner du relief à l'information est mon chemin de croix. En savoir plus sur cet auteur
Mercredi 5 Mai 2021
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