Le scoring social remis à l’étude : la grande mise à jour qui pourrait tout changer


Rédigé par La rédaction le Lundi 1 Décembre 2025

Le Maroc réouvre le dossier sensible du scoring social, pierre angulaire des aides directes. Le ministère de l’Intérieur, épaulé par la Banque mondiale, lance deux études majeures pour disséquer les failles, comprendre les fluctuations inquiétantes de l’indice RSU et revoir un système qui conditionne désormais l’accès aux droits sociaux de millions de Marocains. Faut-il y voir une simple mise à jour technique… ou l’amorce d’une refonte silencieuse de l’État social ?



Un RSU sous tension : quand l’indice socio-économique joue au yo-yo (RSU, indice social, ciblage)

Derrière les termes froids des communiqués, un constat s’impose : l’indice socio-économique du Registre social unifié (RSU) n’est pas aussi stable qu’espéré.
Dans plusieurs provinces, des familles ont vu leur score monter ou chuter sans changement notable dans leur situation réelle. Une mère de famille rencontrée récemment à Sidi Bennour racontait :
« Un mois je suis éligible, le suivant je ne le suis plus. Pourtant, rien n’a changé chez moi. Comment voulez-vous que je comprenne ? »

Cette instabilité secoue le dispositif au moment même où les aides directes deviennent l’un des piliers du nouveau État social voulu par le Royaume. C’est précisément pour cela que la première étude vise à comprendre pourquoi l’indice varie autant et comment stabiliser un outil censé mesurer la réalité du terrain sans trembler.

Les spécialistes des politiques sociales au Maroc y voient un signal d’alerte, pas un verdict. Le RSU, encore jeune, évolue dans un pays où l’économie informelle, les revenus irréguliers et les situations familiales complexes brouillent les modèles statistiques classiques. Le score, aussi sophistiqué soit-il, reste un thermomètre imparfait.

La question brûlante est simple : comment garantir que le score social reflète fidèlement la dignité et les besoins des citoyens ?

Un diagnostic sur toute la chaîne : du guichet numérique à la décision finale (performance RSU, goulots d’étranglement)

La deuxième étude se veut plus opérationnelle, presque chirurgicale. Elle examinera le parcours complet du bénéficiaire, depuis la première information reçue, la préinscription en ligne ou en caïdat, jusqu’au verdict final d’éligibilité.

Sur le terrain, plusieurs walis et agents locaux ont déjà signalé que certains citoyens rencontrent des obstacles dès l’étape d’inscription :

• difficulté d’accès au digital dans les zones rurales,
• incompréhension des critères,
• délais administratifs trop longs,
• manque de coordination entre les différents systèmes d’information.

La Banque mondiale insiste depuis trois ans sur le même diagnostic : l’interopérabilité est la clé. Un dispositif moderne ne peut fonctionner si les bases de données ne dialoguent pas et si les procédures internes varient d’une province à l’autre. Les équipes marocaines en sont conscientes et veulent désormais un audit complet pour repérer les goulots d’étranglement et assainir la chaîne.

L’objectif n’est pas uniquement de “réparer” la machine, mais de rendre le processus plus transparent, plus rapide et plus juste. Car au cœur de la politique sociale, il y a un principe simple : pas de droits sans confiance.

2020-2025 : la grande révolution silencieuse de l’État social (RNP, identifiant numérique, protection sociale)

Lorsque la réforme a été lancée en 2020, beaucoup y ont vu une modernisation technique. Aujourd’hui, le recul montre qu’il s’agit d’une véritable refondation du modèle social marocain.

Le premier pilier, le Registre national de la population (RNP), attribue à chaque résident un identifiant digital unique. Une “carte d’identité sociale” en quelque sorte, qui permet de sécuriser les transactions, éviter les doublons et rationaliser les aides.

Le second pilier, le RSU, calcule l’indice socio-économique des ménages selon des critères objectifs : composition de la famille, patrimoine, revenus déclarés, vulnérabilités, etc. Plus de la moitié des Marocains y sont déjà inscrits. Ce volume, inédit pour un dispositif aussi récent, montre à la fois l’ampleur du chantier et la confiance progressive des citoyens.

Le Royaume construit ainsi un État social plus lisible, plus équitable et plus numérique. Mais cette montée en puissance crée mécaniquement de nouvelles exigences : la précision des données, la robustesse des algorithmes, la clarté des critères. D’où la nécessité de revoir le système régulièrement, comme le font les pays pionniers en matière de protection sociale.

​L’appui de la Banque mondiale : partenaire ou vigie ?

La Banque mondiale accompagne la réforme depuis ses débuts, mais son rôle évolue. Elle n’est plus seulement un financeur : elle joue désormais aussi le rôle d’expert, de conseiller méthodologique et de vigie internationale.

Les ateliers de renforcement des capacités qu’elle finance servent autant à former les équipes locales qu’à harmoniser les pratiques.

Ses spécialistes veulent éviter que le Maroc ne reproduise les erreurs d’autres pays où le scoring social a été mal calibré, provoquant parfois des exclusions injustes ou des tensions sociales. Le cas indien est souvent cité en interne comme un exemple d’erreurs à ne pas répéter : trop de données, pas assez de clarté, trop de fatigue administrative.

Le Maroc, lui, avance avec prudence. Le mot d’ordre reste inchangé : sécuriser l’accès aux droits sans jamais remettre en cause les principes d’équité et de justice sociale qui fondent le projet national initié sous l’impulsion royale.

Un risque de bureaucratie algorithmique ?

Certains sociologues marocains évoquent un danger : celui de transformer le citoyen en simple variable numérique. Ce risque n’est pas théorique. Si l’indice RSU devient la seule porte d’entrée aux droits sociaux, les erreurs, même marginales, pourraient priver des familles de droits fondamentaux.

Les critiques rappellent que la technologie n’est pas neutre. Elle reflète les biais, les choix et les limitations de ceux qui la conçoivent. Un score mal calibré peut favoriser les urbains au détriment du rural, l’emploi stable au détriment du travail informel.

Le Maroc, pays de diversité territoriale et sociale, doit rester vigilant.

Un chantier indispensable pour éviter les “faux pauvres” et les exclus invisibles

Les défenseurs du RSU rappellent que le Maroc a longtemps souffert d’un ciblage approximatif :

• des ménages réellement vulnérables invisibles pour l’administration,
• des aides captées par des familles plus aisées,
• des programmes dispersés et coûteux.

Grâce au RSU et au RNP, l’État peut enfin s’appuyer sur des données solides pour orienter les budgets publics. Dans un contexte de crise mondiale, d’inflation prolongée et d’exigence sociale accrue, il s’agit d’une garantie de justice : les aides doivent aller à ceux qui en ont le plus besoin, ni plus, ni moins.

​Un système à affiner, pas à renverser

Les deux études annoncées ne remettent pas en cause la réforme sociale marocaine. Elles en confirment au contraire la maturité. Ce que le Royaume cherche aujourd’hui, c’est un RSU plus stable, plus précis et plus humain. Un outil qui combine rigueur numérique et justice sociale, au service d’un Maroc uni, solidaire et résolument tourné vers l’avenir.

La caravane avance, prudemment mais sûrement. Le scoring social n’est pas un verdict figé : c’est un instrument perfectible qui doit continuer à évoluer avec la société, ses fragilités et ses aspirations.

​Une réactivité institutionnelle à saluer

Le ministère de l’Intérieur marocain a fait preuve d’une réactivité rare en lançant ces deux études stratégiques sur le RSU. Les équipes centrales n’ont pas attendu que les dysfonctionnements s’accumulent : elles ont immédiatement intégré les alertes venues du terrain — celles des agents dans les provinces, des communes rurales, et surtout des citoyens dont les situations évoluent parfois plus vite que les fichiers administratifs.

Cette capacité à écouter, analyser et agir témoigne d’un État attentif aux réalités sociales du pays. Dans un contexte où les politiques publiques sont souvent critiquées pour leur lenteur, cette démarche proactive mérite d’être soulignée. Elle montre que la réforme sociale marocaine n’est pas figée ; elle se construit pas à pas, avec une volonté de corriger les écarts et d’améliorer l’équité.

À travers cette initiative, le ministère confirme une orientation essentielle : la protection sociale ne peut être efficace que si elle reste proche des gens, adaptable et profondément connectée aux besoins du terrain.




Lundi 1 Décembre 2025
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