Le repos, un concept en voie de disparition
On vit dans une époque qui glorifie la productivité. Le repos n’est plus une nécessité, mais une faiblesse qu’on cache derrière un café serré ou un sourire fatigué. On enchaîne les journées à 200 à l’heure, comme si la fatigue n’était qu’une question de volonté.
Et pourtant, le manque de sommeil n’est pas qu’un petit désagrément. Il fragilise la mémoire, affaiblit l’immunité, dérègle l’humeur. Selon plusieurs études, dormir moins de six heures par nuit pendant une longue période augmente considérablement les risques de dépression et de maladies cardiovasculaires.
Mais au-delà du corps, c’est notre esprit qui se dérègle. Ne plus savoir s’arrêter, c’est aussi ne plus savoir s’écouter.
Les nuits connectées
Nos lits sont devenus des prolongations de nos écrans. On regarde une dernière vidéo avant de dormir, puis une autre. On vérifie les notifications “pour la dernière fois”. Et avant qu’on ne s’en rende compte, la nuit s’est déjà envolée.
Les écrans bleus, on le sait, perturbent la sécrétion de mélatonine; l’hormone du sommeil.
Mais il y a pire : ils entretiennent un état d’alerte permanent. Même dans le calme, notre cerveau reste branché. On ne décroche plus.
Et c’est là que réside le vrai problème : nous ne manquons pas seulement d’heures de sommeil, nous manquons de déconnexion.
Les rituels oubliés du sommeil marocain
Autrefois, le coucher était presque un rituel collectif. Le thé à la menthe partagé après le dîner, les discussions qui s’éteignaient doucement, la fraîcheur du soir sur les terrasses… Ces moments simples préparaient le corps à ralentir.
Aujourd’hui, même nos nuits ont perdu leur rythme. Dans les grandes villes, les klaxons remplacent les grillons, les notifications remplacent les contes du soir. Les gestes d’apaisement ont été remplacés par des réflexes nerveux : scroller, zapper, vérifier.
Pourtant, il suffirait parfois de peu pour renouer avec cette lenteur : boire une tisane à la fleur d’oranger, lire quelques pages d’un roman, ou écouter le silence avant de dormir. Ces habitudes sont autant de petites résistances à la frénésie du quotidien.
Dormir pour mieux vivre, pas pour “performer”
Le sommeil n’est pas un défi à relever ni une donnée à surveiller. Ce n’est pas un chiffre sur une montre connectée. C’est une respiration naturelle de la vie. Dormir, c’est accepter de se mettre en pause, d’être inutile un instant et c’est précisément ce qui nous rend humains.
On parle souvent de “bien dormir” comme on parlerait de “bien manger” ou “bien travailler”, mais on oublie que le sommeil est avant tout un abandon. Ce n’est pas quelque chose qu’on contrôle, c’est quelque chose qu’on accueille.
Certains soirs, il viendra vite, d’autres moins. Ce n’est pas grave. Ce qui compte, c’est d’offrir au corps et à l’esprit la possibilité de se reposer sans attente, sans pression.
Quelques gestes simples pour retrouver la sérénité
Pas besoin d’un miracle pour mieux dormir. Parfois, il suffit de réapprendre à dire stop.
Éteindre les écrans au moins une demi-heure avant de dormir.
Respirer profondément, cinq minutes de silence total avant le coucher.
Adopter un petit rituel : une tisane, un carnet de gratitude, une musique douce.
Refuser la culpabilité : aller dormir tôt n’est pas “perdre du temps”, c’est en gagner pour demain.
Et surtout, se rappeler que le sommeil n’est pas une récompense. C’est un droit fondamental du corps.
Le luxe de la lenteur
Peut-être que la vraie modernité ne consiste pas à aller plus vite, mais à savoir s’arrêter. Dans un monde saturé d’images, de messages, d’informations, le vrai luxe est de fermer les yeux sans peur de “rater” quelque chose.
Le sommeil, c’est notre dernière forme de liberté. Celle que ni les écrans, ni le travail, ni la société ne peuvent nous enlever à condition qu’on la protège.
Alors ce soir, avant d’éteindre la lumière, pose ton téléphone, respire, et laisse la nuit faire son œuvre. Le monde peut bien attendre jusqu’à demain.