Les CST : des investissements sous-utilisés ou mal exécutés !

Analyse, 5 questions de l'opposition et 5 questions de la majorité


Rédigé par le Mardi 22 Octobre 2024

Les Comptes Spéciaux du Trésor (CST), présentés comme une solution miracle pour les grands projets au Maroc, dissimulent en réalité des inefficacités chroniques dans la gestion budgétaire et des résultats loin d'être à la hauteur des ambitions proclamées. Derrière la façade de flexibilité et d'autonomie vantée par le gouvernement, se cachent des retards dans l'exécution des investissements et une dépendance persistante aux excédents reportés, qui ne font que masquer les faiblesses structurelles des politiques publiques.



Les Comptes Spéciaux du Trésor (CST), censés être un levier stratégique pour les investissements au Maroc, sont loin de réaliser les promesses faites par le gouvernement. Si l’on regarde de près les chiffres, il est difficile de ne pas voir les failles dans leur gestion.

En 2024, les recettes des comptes d’affectation spéciale (CAS) s’élèvent certes à 316,26 milliards de dirhams (MMDH), mais cette somme est largement gonflée par les soldes reportés des années précédentes, atteignant 150,35 MMDH. Cette dépendance excessive aux excédents cache une vérité plus troublante : le gouvernement a été incapable d'exécuter les projets pour lesquels ces fonds ont été alloués. Au lieu d’optimiser ces ressources, une grande partie des projets sont retardés ou sous-utilisés, comme l'illustre la hausse du solde à reporter de 180,07 MMDH en 2024.​
 
Le rapport dédié des CST du PLF 2025 met en avant les dépenses totales de 136,19 MMDH pour 2024, une augmentation par rapport à 2023. Cependant, cette hausse s’explique principalement par des dépenses immédiates liées à des urgences comme les catastrophes naturelles ou le soutien à l’emploi, et non par des investissements pérennes. Les 40% des dépenses allouées au ministère de l’Économie et des Finances et les 35% gérées par le ministère de l’Intérieur ne traduisent pas une réelle progression dans l’exécution des projets stratégiques à long terme​

Par exemple, les investissements en infrastructures, censés représenter une priorité du PLF 2025, sont largement insuffisants. Le Fonds spécial routier et d'autres CAS dédiés peinent à concrétiser les projets en raison d'une mauvaise gestion et d'un manque de suivi rigoureux. L’exécution budgétaire, notamment dans les infrastructures, reste en deçu des attentes, ce qui compromet directement les ambitions de développement territorial.

Le gouvernement marocain vante les CST comme un outil garantissant la flexibilité dans la gestion des crises et des projets spécifiques. Pourtant, cette soi-disant flexibilité n’est qu’une réponse temporaire à des crises conjoncturelles. Elle ne permet pas réellement de répondre aux défis structurels du Maroc, notamment en matière de création d’emplois durables et d’amélioration des infrastructures.
 
De plus, le recours systématique aux recettes propres pour alimenter les CAS, avec 116,08 MMDH en 2024, montre une volonté de réduire la dépendance aux subventions budgétaires. Cependant, les recettes fiscales sont elles-mêmes volatiles et fragiles, comme le montrent les fluctuations économiques actuelles. Il est donc périlleux de baser une partie si importante des dépenses publiques sur des recettes incertaines, surtout lorsque les besoins en infrastructures et en protection sociale sont aussi cruciaux et conséquent.

Le solde à reporter croissant est souvent perçu comme un signe de gestion rigoureuse et prudente. Cependant, cette accumulation de fonds non dépensés reflète plutôt une incapacité à exécuter efficacement les projets pour lesquels ces fonds ont été alloués. Loin d’être un atout, ce solde élevé témoigne d’un manque de dynamisme dans l’exécution des investissements publics. Si ces fonds ne sont pas utilisés pour moderniser les infrastructures ou répondre aux besoins pressants en matière de santé et d’éducation, ils risquent de perdre en efficacité.

Le Fonds de lutte contre les effets des catastrophes naturelles a reporté 1,54 MMDH, illustrant une sous-utilisation des fonds alloués pour des interventions d’urgence. Cela soulève la question de la capacité de l'État à réagir rapidement face aux crises climatiques, qui sont pourtant de plus en plus fréquentes et dévastatrices, et dont le cas d'espèce le plus récent est la mauvaise gestion des inondations au sud-est du Royaume.

Plutôt que de se féliciter d'une gestion budgétaire "prudente", il est temps d'admettre que les CST, tels qu'ils sont utilisés aujourd'hui, ne parviennent pas à remplir leur rôle de levier pour le développement durable de manière efficace et efficiente. La mauvaise exécution des projets, l’accumulation des soldes non utilisés et la dépendance aux recettes fiscales instables mettent en lumière une stratégie inefficace qui ne répond pas aux besoins réels du Maroc en matière d’investissements et de développement social.

Il est nécessaire de repenser en profondeur la gestion des CST et de prioriser une exécution plus rapide et plus efficace des projets d'infrastructure. Sans cela, le Maroc continuera de faire face à des défis majeurs dans sa transition vers un modèle de développement inclusif et durable.

Si j'étais parlementaire de l'opposition, j'aurai posé ces 5 questions à Madame la Ministre des finances

Madame la Ministre, comment justifiez-vous l'accumulation continue de fonds non dépensés dans les CST, malgré les besoins criants en infrastructures et en protection sociale, et quelles actions concrètes envisagez-vous pour corriger cette mauvaise exécution des projets ? Le PLF 2025 fait état de dépenses immédiates pour des urgences, mais qu’en est-il des investissements à long terme pour des projets durables qui sont pourtant essentiels au développement du Maroc ? Pourquoi ces projets continuent-ils de stagner ? Les CST sont présentés comme un levier de flexibilité budgétaire, mais en réalité, cette flexibilité semble répondre uniquement à des crises conjoncturelles. Comment le gouvernement compte-t-il s'attaquer aux défis structurels de l'économie, tels que la création d'emplois durables ? Malgré l'importance accordée aux investissements en infrastructures, le rapport relatif au CST montre que ces fonds sont sous-utilisés. Quelle est votre stratégie pour assurer un suivi rigoureux et une exécution efficace des projets d'infrastructure ? Le gouvernement mise de plus en plus sur les recettes propres pour alimenter les CAS, mais ces recettes sont volatiles. Comment comptez-vous sécuriser ces financements dans un contexte économique incertain, tout en garantissant que les projets stratégiques ne soient pas affectés par ces fluctuations ?

Si j'étais parlementaire de la majorité, j'aurai posé ces 5 questions à Madame la Ministre des finances

Madame la Ministre, les Comptes Spéciaux du Trésor jouent un rôle essentiel dans la gestion des crises et des projets spécifiques. Quelles réformes sont prévues pour améliorer l’exécution des projets financés par ces comptes et garantir une utilisation plus rapide des fonds disponibles ? Avec une hausse des recettes des CST à 316,26 MMDH en 2024, comment le PLF 2025 prévoit-il de mieux canaliser ces fonds vers des projets d’infrastructures pour accélérer le développement territorial, particulièrement dans les zones défavorisées ? Le Fonds de lutte contre les effets des catastrophes naturelles semble sous-utilisé, alors que les crises climatiques sont de plus en plus fréquentes. Comment le gouvernement compte-t-il améliorer la réactivité face à ces crises et assurer une meilleure gestion des fonds alloués à ce type de situations ? Les CST sont souvent perçus comme un outil de flexibilité budgétaire. Comment envisagez-vous de renforcer leur efficacité pour qu'ils deviennent également un levier stratégique pour la croissance durable et la modernisation des infrastructures au Maroc ? Le gouvernement réduit progressivement la dépendance aux subventions budgétaires en augmentant les recettes propres. Comment cette transition peut-elle être poursuivie sans compromettre la stabilité financière des projets clés, tout en garantissant un développement social inclusif ?

Comptes Spéciaux du Trésor, Maroc PLF 2025, investissements finances publiques Maroc, gestion des excédents CST, infrastructure Maroc 2025, sous-utilisation des fonds publics, exécution budgétaire CST, gestion des crises Maroc, développement territorial Maroc, critique PLF 2025





Journaliste junior passionné par l'écriture, la communication, les relations internationales et la… En savoir plus sur cet auteur
Mardi 22 Octobre 2024
Dans la même rubrique :