Les jeunes potentiels marocains, mis à l’écart de la création des richesses et de développement du pays


Rédigé par Bouteina BENNANI le Mercredi 22 Décembre 2021

Le Maroc n’a pas encore réussi l’inclusion économique de ses jeunes

Le rapport 2020 de l’ONDH sur le développement humain, ciblant le devenir des jeunes, a attiré l’attention sur une problématique, palpable au Maroc, et qui a besoin de solutions immédiates et pérennes au profit de la jeunesse marocaine. Il s’agit de la participation des jeunes à la création des richesses qui, certes, commence à peine, mais timidement, et qui a besoin d’encouragement, d’accompagnement et d’appui financier. Ces capacités non optimisées sont en quête d’emploi décent.
Si le nombre croissant de cette population marocaine jeune constitue un fardeau pour les pouvoirs publics, elle représente, en réalité, une opportunité de développement, à qui sait la saisir. Comme d’ailleurs, en Asie, un continent qui a vu son taux d’emploi grimper, frôlant les 70%. Dans notre pays, de nombreux jeunes disposant d’une formation de qualité sont confrontés, au chômage ou au sous-emploi.
C’est pour cela qu’il est temps, comme écrit dans le rapport, que les autorités publiques donnent la priorité aux politiques macroéconomiques et sectorielles qui visent à soutenir les investissements productifs. Mais aussi, qu’elles valorisent le capital humain et encouragent une croissance riche en emploi.



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Les postes à pourvoir aux jeunes sont faibles au Maroc, en témoigne le taux de chômage de longue durée des jeunes diplômés qui est de 26% en 2019 et du taux d’emploi qui  est de 45%. Ceci s’explique aussi par la faiblesse de la population active dont le taux d’activité se chiffre à 35,1% en 2019. Et le comble, c'est que les jeunes non diplômés sont plus actifs que les diplômés, et que les jeunes femmes sont moins actives que les hommes. Par ailleurs, cette baisse tendancielle du taux d’activité est au cœur de la perte de création de richesses, puisque la majorité de ces jeunes sont en chômage, en sous-emploi, œuvrent dans l’informel ou carrément inactifs.
 
La problématique de l’emploi et la transition des jeunes à la vie active sont dus à plusieurs facteurs dont l’inadéquation de la formation à l’emploi (Selon l’enquête PISA, il y a des insuffisances dans les connaissances en mathématiques, sciences et lecture), au faible régime de la croissance économique et au poids de l’informel. Le niveau d’instruction de plus de la moitié des jeunes actifs occupés ne dépasse pas le fondamental, ce qui pénalise la productivité, la création de richesse et des emplois décents.

Les enjeux sont grands pour l’Etat, dont la politique d’emploi a prouvé ses limites et qui devrait la focaliser sur les jeunes, en marge d’insertion. Surtout que les effets socioéconomiques induits par la crise sanitaire, se sont répercutés amplement sur les jeunes, favorisant encore plus leur exclusion sociale et entravant leur insertion au marché de travail.

Cette phase de transition est par ailleurs plus difficile pour les jeunes femmes qui pour qui, le taux d’emploi est de 9% contre 42% chez les jeunes hommes en 2019.
 
L’insertion insuffisante sur le marché du travail et la faible intégration économique des jeunes sont liés au manque d’opportunités d’emploi et aux modestes performances en matière d’éducation, les poussant au décrochage scolaire. En milieu rural, l’échec aux études atteint 42,8% (5,9% seulement ont terminé leurs études) contre 22,5% en milieu urbain.

Quant au sous-emploi des jeunes, il  représente un taux de 16% en 2019 et touche, pour la plupart, les jeunes qui ont passé un grand laps de temps au chômage, n’ayant d’autre qu’alternative que faire un travail pour subsister.

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Des plans d’action sans impact palpable pour l’instant

Le Maroc a élaboré quelques programmes, en marge de politiques actives d’emploi (PAE), tels que IDMAJ, Tahfiz, TAEHIL...dans le but de faire face à la problématique du chômage des jeunes et leur intégration dans le marché de travail. Ces plans d’action tournent autour de l’appui pour l’accès à l’emploi salarié, sur les contrats de formation/insertion et sur la promotion de l’auto-emploi et de l’entreprenariat. Seulement, ces politiques d’incitation à l’emploi ont prouvé leurs limites, ne couvrent pas toutes les régions  et bénéficient majoritairement aux grandes entreprises et aux diplômés. Il reste aussi un point important à privilégier, l’amélioration de l’emploi et des revenus des jeunes.

Cependant, certains  points sont contestés dans ces programmes, à savoir, le manque d’initiative au profit des jeunes non-diplômés, le manque d’attractivité du Contrat d’Insertion (CI) pour certaines catégories de diplômés, l’absence de couverture sociale pour les bénéficiaires du CI, la durée trop longue du contrat de stage, le risque d’utilisation abusive par certaines entreprises, la rémunération inférieure au salaire minimum légal (SMIG), le problème de mobilité des candidats issus des zones économiquement peu développées, etc.

Aussi, quel est le sort de ces jeunes après la fin des subventions, formation, accompagnement, et au long terme?

L’entreprenariat et l’auto-emploi, une affaire locale

L’indice de développement de l’esprit d’entreprenariat montre que le Maroc reste mal classé,  comparé à des pays du même niveau de développement, et ce, malgré certains progrès réalisés en la matière. Le tissu économique national ne crée pas suffisamment d’emplois, encore moins pour les jeunes.

En effet, les politiques de l’entreprenariat tels que le programme Moukawalati ainsi que le statut de l’auto-emploi, les réformes axées sur l’amélioration du cadre juridique et réglementaire des affaires, la simplification et la digitalisation de procédures administratives…ont certes permis l’amélioration de  l’activité de l’entreprenariat et une progression de 67% des emplois directs créés mais l’évolution ne constitue que 4% par rapport à l’année précédente, cependant, les performances restent en deçà des espérances. Le Maroc occupe le 65ème rang sur 137 pays de l’indice mondial de l’entreprenariat (Global Entrepreneurship Index47 - IEG).

L’analyse des dysfonctionnements se résume comme suit : le système d’éducation-formation ne prépare pas les jeunes pour développer leur esprit d’entreprenariat, un plan d’action en marge de l’intégration de l’apprentissage entrepreneurial dans le second cycle de l’enseignement secondaire est à développer.

 Quant à l’auto-emploi, c’est une affaire locale. Les acteurs qui forment l’écosystème de l’entreprenariat doivent miser sur la dimension territoriale qui capitalise sur l’expérience des programmes en cours, surtout que le taux de survie des entreprises est relativement faible. Un quart des entreprises enregistrées à Casablanca n’ont pas encore démarré leur activité(sur 5 ans), et la moitié de celles qui démarrent une activité survivent après trois ans d’exercice.

L’accès au financement pour les jeunes porteurs de projets et les petites et moyennes entreprises a été amélioré quelque peu par le Programme Intégré d’Appui et de Financement des Entreprises (PIAFE). Seulement, en matière de droits,  les emprunteurs et les prêteurs restent mal protégés en matière de garanties et de faillites.
 

Prévisions de l’ONDH

Selon le rapport de l’ONDH de 2019, le chômage de longue durée des jeunes diplômés a été évalué  à 26%. Il y a une difficulté d’insertion des lauréats, ce qui renvoie à l’importance de la qualité du système d’éducation. Ceux de la formation professionnelle atteignent un taux  de 67,1%, neuf mois après l’obtention du diplôme.

La gouvernance du marché de travail est aussi incriminée, bien qu’elle soit harmonisée avec les conventions internationales du travail, or sa réglementation est perçue, de la part de 30% d’entreprises marocaines, comme un obstacle majeur au développement de leurs activités.

« Les effets de la législation du marché du travail sur l’efficacité des politiques publiques de l’emploi sont approchés par les coûts de licenciement et de recrutement, les charges et les cotisations sociales, le niveau du salaire minimum, etc. Ces mesures méritent d’être évaluées par rapport à leurs implications sur la stabilité de l’emploi et la création de la richesse ».

L’entrepreneuriat  a besoin d’appui, de facilitation d’accès au financement, de report et d’allégement de la pression fiscale et d’une réduction fixes des entreprises. Aussi, la réforme de l’Indemnité pour Perte d’Emploi, une procédure très complexe, abriterait les jeunes de la vulnérabilité et l’assurance contre le risque de chômage pour une période maximale de six mois permettrait d’améliorer leur employabilité pour augmenter les chances de retrouver un travail.

En fin de compte, les décideurs publics sont devant des enjeux majeurs, ceux concernant l’élaboration des PAE qui soient inclusifs et modulables, incluant toutes les catégories, même les non-qualifiées  et à besoins spécifiques. Des mesures qui soient à même de promouvoir une croissance riche en emploi.




Mercredi 22 Décembre 2021
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