Par Mohammed Yassir Mouline
Aux États-Unis, malgré l’opacité bien documentée des élites économiques et politiques, la fuite assortie au nom d’Epstein ne fut ni absorbée ni étouffée… Elle s’est imposée comme un épisode de ce que l’on pourrait appeler la dramaturgie démocratique, un moment où la presse, juridiquement protégée et institutionnellement reconnue comme contre-pouvoir, s’empare d’un scandale et l’expose à la critique collective… Que l’affaire ait atteint jusqu’à Donald Trump ou à des personnalités du Congrès n’a pas suffi à déclencher la rhétorique classique de « l’atteinte à l’État » ou du « complot contre les institutions »... Là-bas, le débat ne s’égare pas dans l’accessoire… l’identité du lanceur n’occulte jamais la matérialité du scandale... La fuite devient outil de correction, non arme de dissuasion…
Le contraste avec le cas marocain est d’autant plus saisissant qu’il ne relève pas seulement d’un différentiel juridique, mais d’un différentiel culturel… L’enregistrement révélé par El-Mahdaoui aurait dû ouvrir une discussion salutaire sur l’état interne d’une institution censée organiser la profession médiatique... Loin d’être trivial, le contenu mettait en lumière un climat de connivences, de verticalité arrogante et de dérives institutionnelles... Mais la réaction fut inverse, au lieu d’interroger l’effondrement moral qui transparaissait dans les propos, le débat fut dévié vers la « transgression du secret », transformant la mise au jour du dysfonctionnement en acte condamnable… Comme souvent dans les systèmes politiques qui privilégient la maîtrise du récit sur l’examen du réel, l’effort n’a pas porté sur la réparation, mais sur la mise en accusation du messager…
Cette inversion du rapport à la vérité n’est pas accidentelle… Elle est constitutive de la persistance d’une vision de certains cercles du pouvoir où la préservation de l’image prime sur la transparence, et où la presse n’est tolérée qu’en tant que prolongement de la communication institutionnelle... Là où la démocratie est censée accepter l’épreuve du scandale comme mécanisme d’autorégulation, d'autres parties auraient le réflexe de réduire le scandale à une menace qu’il faut confiner… Dans cette logique, la presse se voit reléguée au rôle de bandage cosmétique, chargée non d’exposer la tumeur, mais de la recouvrir.
La fin de mandat du Conseil national de la presse a fonctionné comme un catalyseur supplémentaire…Les blocages internes, les luttes intestines pour les privilèges, l’intervention directe du ministère dans ce qui aurait dû rester un espace d’autorégulation… Autant d’indices d’une architecture institutionnelle fragile, instable, et plus préoccupée par ses intermédiaires que par sa mission… Les séquences filmées, si elles s’avèrent authentiques, dévoilent une dérive encore plus profonde… La constitution d’un entre-soi où certains « notables de la profession » semblent se penser au-dessus de toute reddition de comptes, comme si leur position les plaçait au sommet d’une pyramide administrative informelle…
Ce moment critique ne doit pas être lu comme un simple épisode corporatiste, ni comme un banal affrontement de clans… Il révèle une structure plus fondamentale… la tension entre une presse cherchant à exercer une autorité morale autonome, et un appareil politico-bureaucratique cherchant à la ramener dans le périmètre du loyalisme fonctionnel… Le choix, désormais, n’est plus seulement professionnel… il est existentiel… Ou bien le journalisme retrouve son droit d’inventaire, son rôle d’interrogation et sa capacité d’indiscipline constructive… ou bien il glisse vers le statut d’auxiliaire administratif, assigné à la gestion du consensus.
Il y a, dans toute crise, un risque et une promesse... Le risque est celui de la résignation, laisser s’installer la banalisation des petites compromissions, accepter que « cela fonctionne ainsi », renoncer à l’exigence éthique qui fait la substance même du métier... La promesse, elle, réside dans la possibilité d’une réappropriation, reconstruire une presse qui ne s’excuse pas d’être un contre-pouvoir, réhabiliter la valeur du débat, faire de la transparence non une menace mais une ressource…
La question qui se pose aujourd’hui n’est donc pas celle de l’identité du « fuyard », mais celle du type de société que l’on souhaite bâtir… Une société où la vérité dérange mais éclaire, ou une société où l’apparence rassure mais aveugle... Entre les deux, il n’existe pas de voie médiane… Wa Salam Aleykoum wa rahmatou Allah.
Le contraste avec le cas marocain est d’autant plus saisissant qu’il ne relève pas seulement d’un différentiel juridique, mais d’un différentiel culturel… L’enregistrement révélé par El-Mahdaoui aurait dû ouvrir une discussion salutaire sur l’état interne d’une institution censée organiser la profession médiatique... Loin d’être trivial, le contenu mettait en lumière un climat de connivences, de verticalité arrogante et de dérives institutionnelles... Mais la réaction fut inverse, au lieu d’interroger l’effondrement moral qui transparaissait dans les propos, le débat fut dévié vers la « transgression du secret », transformant la mise au jour du dysfonctionnement en acte condamnable… Comme souvent dans les systèmes politiques qui privilégient la maîtrise du récit sur l’examen du réel, l’effort n’a pas porté sur la réparation, mais sur la mise en accusation du messager…
Cette inversion du rapport à la vérité n’est pas accidentelle… Elle est constitutive de la persistance d’une vision de certains cercles du pouvoir où la préservation de l’image prime sur la transparence, et où la presse n’est tolérée qu’en tant que prolongement de la communication institutionnelle... Là où la démocratie est censée accepter l’épreuve du scandale comme mécanisme d’autorégulation, d'autres parties auraient le réflexe de réduire le scandale à une menace qu’il faut confiner… Dans cette logique, la presse se voit reléguée au rôle de bandage cosmétique, chargée non d’exposer la tumeur, mais de la recouvrir.
La fin de mandat du Conseil national de la presse a fonctionné comme un catalyseur supplémentaire…Les blocages internes, les luttes intestines pour les privilèges, l’intervention directe du ministère dans ce qui aurait dû rester un espace d’autorégulation… Autant d’indices d’une architecture institutionnelle fragile, instable, et plus préoccupée par ses intermédiaires que par sa mission… Les séquences filmées, si elles s’avèrent authentiques, dévoilent une dérive encore plus profonde… La constitution d’un entre-soi où certains « notables de la profession » semblent se penser au-dessus de toute reddition de comptes, comme si leur position les plaçait au sommet d’une pyramide administrative informelle…
Ce moment critique ne doit pas être lu comme un simple épisode corporatiste, ni comme un banal affrontement de clans… Il révèle une structure plus fondamentale… la tension entre une presse cherchant à exercer une autorité morale autonome, et un appareil politico-bureaucratique cherchant à la ramener dans le périmètre du loyalisme fonctionnel… Le choix, désormais, n’est plus seulement professionnel… il est existentiel… Ou bien le journalisme retrouve son droit d’inventaire, son rôle d’interrogation et sa capacité d’indiscipline constructive… ou bien il glisse vers le statut d’auxiliaire administratif, assigné à la gestion du consensus.
Il y a, dans toute crise, un risque et une promesse... Le risque est celui de la résignation, laisser s’installer la banalisation des petites compromissions, accepter que « cela fonctionne ainsi », renoncer à l’exigence éthique qui fait la substance même du métier... La promesse, elle, réside dans la possibilité d’une réappropriation, reconstruire une presse qui ne s’excuse pas d’être un contre-pouvoir, réhabiliter la valeur du débat, faire de la transparence non une menace mais une ressource…
La question qui se pose aujourd’hui n’est donc pas celle de l’identité du « fuyard », mais celle du type de société que l’on souhaite bâtir… Une société où la vérité dérange mais éclaire, ou une société où l’apparence rassure mais aveugle... Entre les deux, il n’existe pas de voie médiane… Wa Salam Aleykoum wa rahmatou Allah.