Les stéréotypes de genre sont de retour… et TikTok leur a déroulé le tapis rouge


Rédigé par le Vendredi 23 Mai 2025

Ils n’étaient jamais vraiment partis, mais TikTok semble leur avoir offert un retour triomphal. Dans l’univers hyper-connecté de cette plateforme prisée des jeunes, les stéréotypes de genre se réinventent, se parent de filtres tendances et de musiques virales, pour mieux se répandre. Des contenus qui auraient pu sembler datés ou ringards il y a quelques années reviennent en force, alimentant une vision simpliste et souvent régressive des rôles masculins et féminins.



Retour vers le passé... version 2.0

D’un côté, des vidéos “girl dinner” (où les jeunes femmes montrent leur repas souvent réduit à du fromage, des fruits ou une assiette rose pastel), des “feminine morning routines” pleines de bougies et de soins de la peau, ou encore des “tradwives” – ces femmes prônant un retour au foyer, à la soumission et au service de leur mari, dans une esthétique rétro qui masque des idées réactionnaires.

De l’autre, une masculinité “alpha”, virile à outrance, où l’homme est encouragé à dominer, contrôler, et mépriser la vulnérabilité. Des figures controversées comme Andrew Tate y trouvent une tribune inespérée, leurs discours machistes se diffusant dans des vidéos ultra-consommables et virales, parfois sous couvert d’humour ou de motivation.


Une viralité toxique

TikTok, par son algorithme redoutablement efficace, renforce ces stéréotypes. Une fois qu’un·e utilisateur·ice s’arrête quelques secondes sur une vidéo véhiculant un cliché genré, l’application multiplie ce type de contenus sur son fil. Résultat : une bulle idéologique où les rôles traditionnels sont non seulement normalisés, mais glorifiés.

« J’ai commencé par regarder des vidéos de routine matinale, raconte Soumaia, 26 ans. Et puis, peu à peu, l’algorithme m’a proposé des contenus où les femmes expliquaient qu’elles n’étaient heureuses qu’en se soumettant à leur mari. Ça m’a perturbée. »


Derrière le divertissement, une influence réelle

Ce qui pourrait sembler anodin ou même “cute” a en réalité un impact profond sur la manière dont les jeunes – filles comme garçons – perçoivent leur place dans la société. Selon une étude de l’université de Stanford (2023), 62 % des adolescents interrogés disent que TikTok influence leur vision des relations amoureuses et des attentes genrées.

Pour les experts, cette tendance s’inscrit dans un contexte de backlash : face aux avancées féministes, certains mouvements et discours cherchent à rétablir un ordre “naturel” des choses, avec des femmes douces et soumises, et des hommes forts et dominateurs. TikTok, malgré ses chartes de modération, devient le terrain fertile de cette régression.


Une résistance s’organise

Mais tout n’est pas sombre. De nombreux·ses créateur·ices de contenu déconstruisent ces stéréotypes, avec humour, pédagogie ou coups de gueule. Des féministes, des psychologues, des militant·es queer utilisent la plateforme pour sensibiliser et remettre en question ces clichés.


Une plateforme à double tranchant

En définitive, TikTok n’est pas la cause du problème, mais un miroir grossissant des normes sociales déjà présentes. Elle les exacerbe, les diffuse, les rend cool – ou au contraire les expose, les critique, les moque. Reste à savoir quel camp dominera le fil d’actualité.

Et si, au lieu de faire la promotion des rôles genrés d’un autre temps, on déroulait plutôt le tapis rouge à une génération libre, consciente et critique ?


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Journaliste sportive et militante féministe, lauréate de l'ISIC. Dompteuse de mots, je jongle avec… En savoir plus sur cet auteur
Vendredi 23 Mai 2025
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