Monsieur le Ministre,
L’intelligence artificielle est déjà entrée dans l’école marocaine. Elle n’y est pas entrée par la grande porte des réformes, ni par un décret, ni par une circulaire. Elle s’y est glissée silencieusement, par les téléphones des élèves, les devoirs faits à la maison, les exposés rédigés en quelques clics, parfois même par les enseignants eux-mêmes, souvent sans cadre, sans formation, sans boussole.
Faire semblant de ne pas le voir serait une erreur. L’ignorer serait une faute politique.
Car l’IA n’est pas un simple outil de plus dans l’arsenal pédagogique. Elle touche au cœur même de l’acte éducatif : produire du savoir, l’évaluer, le transmettre, lui donner du sens. Elle interroge ce que l’école mesure, ce qu’elle valorise, ce qu’elle considère comme une réussite.
La question n’est donc plus : faut-il introduire l’IA à l’école marocaine ?
La question est désormais : allons-nous la gouverner ou la subir ?
Faire semblant de ne pas le voir serait une erreur. L’ignorer serait une faute politique.
Car l’IA n’est pas un simple outil de plus dans l’arsenal pédagogique. Elle touche au cœur même de l’acte éducatif : produire du savoir, l’évaluer, le transmettre, lui donner du sens. Elle interroge ce que l’école mesure, ce qu’elle valorise, ce qu’elle considère comme une réussite.
La question n’est donc plus : faut-il introduire l’IA à l’école marocaine ?
La question est désormais : allons-nous la gouverner ou la subir ?
L’illusion du statu quo
Le statu quo n’existe déjà plus. Les élèves qui ont accès au numérique utilisent l’IA, qu’on le veuille ou non. Ceux qui n’y ont pas accès restent à l’écart. L’absence de cadre ne protège personne ; elle creuse les inégalités.
En laissant l’IA hors du champ institutionnel, l’école marocaine ne préserve ni l’équité ni l’éthique. Elle laisse le terrain aux usages privés, aux plateformes étrangères, aux logiques commerciales. Elle abdique, de fait, sa responsabilité éducative.
En laissant l’IA hors du champ institutionnel, l’école marocaine ne préserve ni l’équité ni l’éthique. Elle laisse le terrain aux usages privés, aux plateformes étrangères, aux logiques commerciales. Elle abdique, de fait, sa responsabilité éducative.
Une rupture qui n’est pas là où on le croit
Non, l’IA ne signe pas la fin de l’école.
Mais elle révèle brutalement ses fragilités.
Quand une machine peut produire une dissertation correcte, résumer un cours ou reformuler une réponse, c’est toute une conception de l’évaluation qui vacille. L’IA ne détruit pas le modèle scolaire : elle met en lumière ses limites. Elle oblige à déplacer le centre de gravité de l’apprentissage, de la restitution vers le raisonnement, de la répétition vers l’analyse, de la forme vers le sens.
Refuser cette discussion, c’est condamner l’école marocaine à l’obsolescence silencieuse.
Mais elle révèle brutalement ses fragilités.
Quand une machine peut produire une dissertation correcte, résumer un cours ou reformuler une réponse, c’est toute une conception de l’évaluation qui vacille. L’IA ne détruit pas le modèle scolaire : elle met en lumière ses limites. Elle oblige à déplacer le centre de gravité de l’apprentissage, de la restitution vers le raisonnement, de la répétition vers l’analyse, de la forme vers le sens.
Refuser cette discussion, c’est condamner l’école marocaine à l’obsolescence silencieuse.
Une question de souveraineté, pas seulement de pédagogie
L’enjeu n’est pas uniquement éducatif. Il est aussi stratégique.
Les données scolaires – parcours, évaluations, profils d’apprentissage – sont parmi les plus sensibles qui soient. Aujourd’hui, faute de cadre national clair, elles risquent d’être traitées, stockées, exploitées par des plateformes étrangères, selon des logiques qui échappent totalement à la puissance publique marocaine.
Peut-on sérieusement accepter que l’intimité éducative de nos élèves devienne une matière première numérique hors de tout contrôle national ?
La souveraineté éducative passe désormais aussi par la souveraineté numérique.
Les données scolaires – parcours, évaluations, profils d’apprentissage – sont parmi les plus sensibles qui soient. Aujourd’hui, faute de cadre national clair, elles risquent d’être traitées, stockées, exploitées par des plateformes étrangères, selon des logiques qui échappent totalement à la puissance publique marocaine.
Peut-on sérieusement accepter que l’intimité éducative de nos élèves devienne une matière première numérique hors de tout contrôle national ?
La souveraineté éducative passe désormais aussi par la souveraineté numérique.
L’enseignant n’est pas menacé, il est indispensable
On entend souvent que l’IA affaiblirait l’autorité de l’enseignant. C’est une lecture superficielle. L’enseignant n’est pas concurrencé par la machine ; il est rendu plus nécessaire que jamais.
Car l’IA ne comprend pas. Elle corrèle.
Elle ne juge pas. Elle calcule.
Elle ne donne pas de sens. Elle imite.
C’est précisément là que l’enseignant devient irremplaçable : pour interpréter, hiérarchiser, contextualiser, questionner, former l’esprit critique. À condition, bien sûr, que l’institution l’accompagne au lieu de le laisser seul face à des outils qu’il découvre souvent par défaut.
Car l’IA ne comprend pas. Elle corrèle.
Elle ne juge pas. Elle calcule.
Elle ne donne pas de sens. Elle imite.
C’est précisément là que l’enseignant devient irremplaçable : pour interpréter, hiérarchiser, contextualiser, questionner, former l’esprit critique. À condition, bien sûr, que l’institution l’accompagne au lieu de le laisser seul face à des outils qu’il découvre souvent par défaut.
La ligne rouge à ne pas franchir
Une chose doit être dite clairement : l’intelligence artificielle ne doit jamais devenir décisionnaire dans l’école marocaine.
Orientation, évaluation certificative, admission, suivi disciplinaire : ces décisions engagent des trajectoires de vie. Elles doivent rester humaines, responsables, assumées. L’IA peut éclairer, suggérer, aider à anticiper. Elle ne doit jamais trancher.
Automatiser la décision éducative serait une erreur grave, contraire à l’éthique, à l’équité et à l’esprit même de l’école publique.
Orientation, évaluation certificative, admission, suivi disciplinaire : ces décisions engagent des trajectoires de vie. Elles doivent rester humaines, responsables, assumées. L’IA peut éclairer, suggérer, aider à anticiper. Elle ne doit jamais trancher.
Automatiser la décision éducative serait une erreur grave, contraire à l’éthique, à l’équité et à l’esprit même de l’école publique.
Former, oui. Techniciser, non.
La formation des enseignants est la clé. Mais attention au contresens. Il ne s’agit pas de transformer les enseignants en ingénieurs ou en spécialistes du code. Il s’agit de leur donner une culture critique de l’IA : comprendre ce qu’elle fait, ce qu’elle ne fait pas, comment elle se trompe, comment elle biaise, quand elle est utile et quand elle ne l’est pas.
Former à l’IA, c’est former à la lucidité, pas à la fascination.
Former à l’IA, c’est former à la lucidité, pas à la fascination.
Et l’angle mort écologique
Enfin, une école responsable ne peut ignorer le coût environnemental des technologies qu’elle adopte. L’IA est énergivore, consommatrice de ressources, gourmande en infrastructures. Le Maroc, engagé dans une transition énergétique, ne peut faire l’économie d’une réflexion sur la sobriété numérique éducative.
L’innovation sans responsabilité écologique n’est pas du progrès.
L’innovation sans responsabilité écologique n’est pas du progrès.
Monsieur le Ministre, le temps de la décision est venu
L’intelligence artificielle n’est ni un miracle ni une menace absolue. Elle est un révélateur. Un révélateur de nos choix, de nos renoncements, de notre capacité à gouverner le changement.
L’école marocaine mérite mieux que l’improvisation ou le silence. Elle mérite une doctrine claire, débattue, assumée, fondée sur l’équité, la souveraineté et la dignité éducative.
Car ne pas décider, aujourd’hui, c’est déjà laisser d’autres décider à votre place.
Et en matière d’éducation, ce sont toujours les générations futures qui en paient le prix.
L’école marocaine mérite mieux que l’improvisation ou le silence. Elle mérite une doctrine claire, débattue, assumée, fondée sur l’équité, la souveraineté et la dignité éducative.
Car ne pas décider, aujourd’hui, c’est déjà laisser d’autres décider à votre place.
Et en matière d’éducation, ce sont toujours les générations futures qui en paient le prix.