Limites de "la solution Attali" face à l'"immense crise financière (qui) menace" les États-Unis et le monde




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Dans sa dernière chronique "Une immense crise financière menace", Monsieur Attali annonce des indicateurs multidimensionnels graves aux États-Unis, décrit leur impact dévastateur prévisible sur la 1ère puissance du monde, sur l'Europe et sur le reste du monde, et propose une solution pour éviter le tsunami qui pointe à un horizon très proche.

Pour lui, il faut opérer une "réorientation radicale de l’économie mondiale vers un mode de développement nouveau, avec un tout autre rapport à la propriété des biens de consommation et du logement, réduisant à la fois l’endettement et l’empreinte climatique".

En d'autres termes, Monsieur Attali nous annonce "le feu ravageur à la maison" et nous suggère pour l'éteindre, une solution dont la pertinence reste à démontrer, et qui nécessiterait un siècle pour la mettre en œuvre. Il ne peut avoir échappé à Monsieur Attali que la "réorientation radicale de l'économie mondiale" relève d'un domaine de "Culture" et non pas de "Nature", et donc ne se décide pas, ne s'applique pas, de cette façon chirurgicale, mécanique, expéditive.

Les risques que décrit Monsieur Attali sont incontestablement factuels, imminents et très graves, et donc appellent des solutions réalistes de très court et de moyen termes, qui soient inspirées d'une vision stratégique plus globale, et qui impliquent des opérateurs bien au-delà des seules frontières américaines.

Les solutions qui s'imposent pour faire structurellement face aussi bien à la crise financière imminente aux États-Unis puis en Europe, qu'au risque d'implosion des États-Unis, consistent plutôt, à arrêter la guerre en Ukraine, à lever les sanctions contre la Russie et à signer un deal économique et politique historique avec la Chine.

Monsieur Attali ne proposera jamais cela pour 2 raisons majeures :

1- arrêter la guerre et lever les sanctions, équivaut à renforcer la Russie, revenir à avant 1991, et à renforcer le "clan anti-démocratique" dans le monde. Ce que réfute Monsieur Attali, dont l'attachement naturel au "Modèle Démocratique Occidental" est sans équivoque.

2- signer un deal pourtant inéluctable avec la Chine, c'est mettre fin à la suprématie américaine, à l'Ordre Monopolaire" actuel, et ouvrir la voie royale à un Nouvel Ordre Mondial multipolaire. Ce que réfute tout autant Monsieur Attali, dont le rejet d'une superpuissance chinoise est également sans équivoque.

Mais, ce que sait sûrement Monsieur Attali, en prospectiviste chevronné, et qu'il repousse par déni de la réalité, c'est que ce qu'il réfute, arrivera inéluctablement. Sauf qu'au lieu d'arriver par le réalisme, la négociation et le compromis, il arrivera dans le feu et le sang et provoquerait l'affaiblissement économique malsain de l'Occident.

L’enjeu est existentiel. L’humanité n’avance jamais à reculons. C’est juste le temps du futur qui changera de vitesse selon nos choix d'aujourd'hui.

Pour bien comprendre la réaction de M. Najib Mikou, ci-dessos l'article de M. Attali

Une immense crise financière menace. A moins d’agir vite, elle frappera, probablement au cours de l’été 2023. Et si, par procrastination générale, elle est reportée, elle n’en sera, plus tard, que plus sévère. Nous avons encore tout pour la dominer vraiment, à condition de comprendre que c’est tout notre modèle de développement qui est en cause.

La situation mondiale ne tient aujourd’hui que par la force du dollar, lui-même légitimé par la puissance économique, militaire et politique des Etats-Unis, qui restent le premier refuge des capitaux du monde. Or ils sont aujourd’hui menacés par une très grave crise budgétaire, financière, climatique et politique :

La dette publique américaine atteint 120% du PIB, sans tenir compte des garanties données par l’administration fédérale aux divers systèmes de retraites des agents fédéraux ni du financement nécessaire des futures catastrophes climatiques.

Or, depuis la mi-janvier 2023 le Trésor américain a atteint la limite de ce qu’il a le droit d’emprunter ($31.4Tr) ; les salaires des fonctionnaires et de l’armée ne sont plus payés que par des expédients (que la Secrétaire au Trésor dit ne pas pouvoir prolonger au-delà de début juillet 2023). Les Républicains, qui contrôlent la Chambre des représentants, se préparent à proposer ce que la Maison Blanche dénonce déjà comme des « coupes dévastatrices qui affaibliraient la sécurité nationale tout en accablant les familles de travailleurs et de la classe moyenne ».

Et le projet des Démocrates, qui vise à une réduction du déficit en 10 ans, par une hausse massive des impôts des plus riches, n’a pas plus de chance d’être adopté par le Congrès. Les Américains pourraient une fois de plus s’en tirer par une nouvelle hausse du plafond de la dette, dont personne ne veut. Et qui ne résoudrait rien.

La dette privée n’est pas dans un meilleur état : elle atteint 16 900 milliards de dollars soit 2 750 milliards de plus qu’avant la crise du Covid-19 ; soit 58 000 dollars par adulte américain ; ou encore 89% du revenu disponible des ménages américains. Une bonne partie ne finance que des dépenses de consommation et l’achat de logements ; en particulier, la dette immobilière atteint 44% du revenu disponible des ménages américains, soit le plus haut niveau historique, supérieur à celui de 2007, quand elle a déclenché la crise précédente. Et les Américains les plus pauvres continuent d’emprunter, avec la garantie de la Federal Housing Administration, pour acheter des logements avec un apport personnel limité à 5% mais des mensualités pouvant aller jusqu’à 50% de leurs revenus ! Système intenable. 13% de ces emprunts sont déjà en défaut et ce ratio augmente tous les jours ; de plus, la remontée des taux va augmenter la pression sur ces emprunteurs pauvres, trompés par les préteurs.

A cela s’ajoute encore l’endettement des promoteurs immobiliers, qui atteint, lui aussi, des niveaux inédits ; 1 500 milliards d’emprunts d’immobilier commercial doivent être remboursés ou refinancés avant la fin de 2025, à des taux très supérieurs aux taux des emprunts en cours. Tout cela avec des banques très fragilisées par ce qui s’est passé récemment et qui ne pourront pas participer à ces refinancements.

A cela s’ajoute un climat révolutionnaire, où plus personne n’exclut une crise constitutionnelle, pouvant même conduire, selon certains, à la sécession de certains Etats.

Le reste du monde souffrirait terriblement d’une telle crise ; l’Europe, elle-même terriblement endettée, plongerait dans une récession, perdant des marchés d’exportation sans que sa demande intérieure ne puisse prendre le relais. De même pour la Chine. Seule la Russie, qui n’a plus rien à perdre, aurait à y gagner ; et elle va sans doute y contribuer par des cyberattaques, comme elle l’a sans doute fait il y a un mois quand les banques californiennes ont été attaquées.

On ne peut pas penser que la croissance actuelle suffira à avaler cette dette, comme ce fut le cas en 1950 : le rapport du FMI, pour son Assemblée annuelle de cette semaine, est sur ce point lucide, même s’il est incroyablement discret sur les risques financiers systémiques qui rongent l’économie de son principal actionnaire, américain.

Quelques trop rares experts murmurent maintenant qu’une grande crise financière se déclenchera, comme beaucoup d’autres avant elle, dans la deuxième quinzaine d’un mois d’août : comme en 1857, en 1971, en 1982 et en 1993. Mais de quelle année ? Peut-être août 2023.

Comment l’éviter ?

Il y a à cela quatre solutions : des économies radicales, dans le même mode de développement, (qui ne feront que créer de la misère et de la violence) ; une relance budgétaire et monétaire (qui ne fera que reporter l’échéance) ; la guerre (qui conduira au pire, avant peut-être d’ouvrir des opportunités pour les très rares survivants). Et enfin une réorientation radicale de l’économie mondiale vers un mode de développement nouveau, avec un tout autre rapport à la propriété des biens de consommation et du logement, réduisant à la fois l’endettement et l’empreinte climatique.

Naturellement, rien n’est préparé pour le mettre en œuvre ; et, si on le fait peut-être un jour, ce ne sera vraisemblablement pas à la place de la catastrophe, encore parfaitement évitable, mais après qu’elle aura eu lieu.

j@attali.com



Jeudi 13 Avril 2023

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