Lutte contre la corruption : le ministre de la Justice veut limiter le rôle des associations civiles


Rédigé par La Rédaction le Vendredi 14 Mars 2025



Un débat qui ne fait que commencer : Des associations qualifiées de “groupes de pression”

Le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, a une nouvelle fois exprimé son opposition à l'implication des associations civiles dans les poursuites judiciaires liées à la corruption et au détournement de fonds publics. Lors d’une récente réunion parlementaire, il a défendu le projet de loi controversé imposant désormais une autorisation ministérielle aux associations à but non lucratif souhaitant se constituer partie civile dans ce type d'affaires. Une décision qui suscite un large débat entre partisans d’une justice plus encadrée et défenseurs de la transparence et de la lutte contre l'impunité.

Dans son intervention, Ouahbi a dénoncé certaines associations, les accusant de fonctionner comme des groupes de pression nuisibles aux élus et à la démocratie. Selon lui, ces organisations instrumentaliseraient la lutte contre la corruption à des fins politiques, ciblant des responsables locaux sans preuves tangibles. Il estime que l’engagement dans cette lutte ne doit pas se transformer en chasse aux sorcières et insiste sur la nécessité de protéger les élus contre des accusations infondées.

Derrière cette position, le ministre met en avant une distinction qu'il juge essentielle : les erreurs de gestion ne doivent pas être confondues avec la corruption. Autrement dit, un responsable accusé de mauvaise gestion financière ne devrait pas systématiquement être poursuivi pour corruption, une nuance qui, selon certains observateurs, pourrait affaiblir la lutte contre les détournements de fonds publics.

Le projet de loi en question prévoit que les associations souhaitant se constituer partie civile dans une affaire de corruption devront obtenir une autorisation ministérielle. Jusque-là, de nombreuses organisations, notamment celles spécialisées dans la transparence et la bonne gouvernance, jouaient un rôle actif en portant devant la justice des dossiers sensibles et en mettant la pression sur les institutions pour faire avancer des enquêtes.

Cette réforme risque donc de limiter considérablement leur marge d’action et de réduire la surveillance citoyenne sur la gestion des fonds publics. De nombreuses voix critiques s’élèvent déjà, estimant que ce nouveau cadre risque de freiner les avancées obtenues ces dernières années en matière de lutte contre la corruption.

La position du ministre divise la classe politique et la société civile. Pour ses défenseurs, il s’agit d’un retour à un cadre plus institutionnel de la lutte contre la corruption, évitant que des acteurs non étatiques ne deviennent des justiciers autoproclamés. En confiant cette mission uniquement aux institutions judiciaires et aux organes officiels de lutte contre la corruption, l’État chercherait à garantir un traitement plus rigoureux et impartial des affaires.

En revanche, pour les militants anti-corruption, ce projet représente un recul démocratique. Ils y voient une tentative de museler la société civile, alors que les institutions étatiques chargées de lutter contre la corruption souffrent souvent de manque d’indépendance et de moyens. Certains redoutent que cette réforme ne profite qu’aux élites politiques et économiques, réduisant la pression exercée sur elles et favorisant une culture d’impunité.

Cette réforme s'inscrit dans un contexte plus large de tensions entre le gouvernement et certaines associations. Au-delà de la lutte contre la corruption, elle pose la question du rôle de la société civile dans le contrôle des élus et de l’équilibre entre transparence et protection des responsables publics.

Reste à savoir si cette nouvelle réglementation parviendra à rassurer l’opinion publique ou si elle renforcera, au contraire, la méfiance à l’égard des institutions et de leur volonté réelle de lutter contre la corruption.




Vendredi 14 Mars 2025
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