OpenAI : comment ChatGPT peut coexister avec 12 milliards de pertes en un trimestre


Rédigé par La rédaction le Jeudi 6 Novembre 2025



Paradoxe apparent, logique implacable.

Au cœur de 2025, les chiffres tombent : les données issues des résultats de Microsoft laissent entrevoir une perte estimée à plus de 12 milliards de dollars pour OpenAI sur un seul trimestre, alors même que ChatGPT s’impose comme l’outil numérique le plus utilisé de la planète. 

Comment une entreprise censée imprimer de l’or à chaque requête peut-elle brûler autant de cash en si peu de temps, sans que les investisseurs ne tirent le frein d’urgence ?

La réponse tient en trois mots : infrastructure, course, pari.

Une « money machine » qui ressemble à un brasier
D’abord, revenir aux faits. OpenAI génère désormais un revenu annualisé estimé autour de 12 à 13 milliards de dollars en 2025, porté par ChatGPT grand public, les offres Pro et Enterprise, les API, ainsi que les intégrations dans les produits tiers. 

Sur le papier, c’est spectaculaire. Dans la réalité comptable, c’est insuffisant pour absorber une explosion simultanée : coût du calcul, R&D, infrastructure mondiale, rémunération en stock-options, marketing agressif.

Les documents et analyses s’appuyant sur le reporting de Microsoft indiquent qu’OpenAI aurait enregistré une perte trimestrielle dépassant 11,5 à 12 milliards de dollars, soit un niveau digne des plus grands paris technologiques de l’histoire récente. 

 Ce n’est pas un « accident », c’est un modèle.

Le coût démentiel de la puissance de calcul
Le moteur économique d’OpenAI n’est pas le logiciel, mais le silicium : GPU Nvidia, data centers hyperscale, bande passante, redondance, sécurisation. Chaque requête ChatGPT consomme une part d’un système industriel dont le coût marginal reste élevé tant que l’optimisation n’a pas rattrapé la démesure des ambitions.

En 2025, OpenAI s’engage dans une série de deals historiques avec les géants du cloud : centaines de milliards de dollars promis sur Microsoft Azure, Oracle, puis Amazon Web Services, avec en toile de fond un projet d’infrastructures qui dépasse le simple cadre d’une startup logicielle. 

OpenAI ne loue pas seulement des serveurs : elle pré-réserve des capacités colossales pour verrouiller son avance dans la course à l’IA générative et aux futurs agents autonomes.

Résultat : les charges précèdent massivement les revenus. La firme dépense comme un opérateur télécom qui aurait construit un réseau mondial avant de vendre les abonnements, avec une différence majeure : l’échelle est quasi géopolitique.

R&D, talents et stock-options : la guerre des cerveaux

Deuxième bloc de coûts : la recherche et le capital humain. OpenAI ne vend pas un produit figé ; elle tente de rester en tête d’une course où chaque modèle peut être dépassé en six mois. Cela implique des investissements vertigineux en entraînement de modèles, sécurité, alignement, nouveaux algorithmes.

À cela s’ajoute une politique agressive de stock-based compensation — options et actions attribuées aux talents — qui pèse plusieurs milliards sur les comptes. 

OpenAI achète du temps de cerveaux rares à un prix que seule la promesse d’un futur oligopole peut justifier. Le déficit n’est pas seulement financier : c’est une avance de trésorerie sur un monopole espéré.

Un pari de plateforme, pas une PME rentable
Vu sous l’angle classique, perdre 12 milliards en trois mois avec 800 millions d’utilisateurs hebdomadaires ressemble à de l’irrationalité pure. En réalité, OpenAI joue un jeu différent : devenir l’infrastructure cognitive de l’économie numérique.

Si ChatGPT, ses API et ses modèles deviennent la couche par défaut de milliers d’applications, d’entreprises, d’administrations, alors le modèle bascule :

- effets de réseau (plus d’usage → plus de données → meilleurs modèles),
- verrouillage technologique (intégrations profondes, dépendance aux API),
- montée en gamme (offres entreprises, agents spécialisés, licences sur mesure).

Les investisseurs n’achètent pas 2025. Ils tentent de préempter 2030. D’où des valorisations frôlant ou visant le demi-billion, voire le trillion de dollars évoqué dans certains scénarios, malgré des pertes abyssales. 

Quand la défaite comptable alimente la victoire stratégique

Cette capacité à brûler autant de cash en si peu de temps n’est pas une anomalie isolée : c’est une stratégie de domination anticipée. L’idée est simple, presque brutale :
  saturer le marché, rendre l’infrastructure concurrente hors de prix, imposer ses standards techniques, juridiques et éthiques, devenir trop centrale pour être laissée tomber. L’expression « systemic risk » utilisée par certains analystes n’est pas exagérée : si une entreprise privée concentre à la fois les modèles, l’infrastructure et les usages critiques de l’IA, son instabilité financière devient un sujet macroéconomique, pas seulement boursier. 

Un modèle soutenable… ou un test de stress pour le capitalisme de l’IA ?

Reste la question qui fâche : est-ce soutenable ?
OpenAI ne peut pas perdre 12 milliards par trimestre indéfiniment, même dopée par les poches de Microsoft, Nvidia, Amazon et consorts. La restructuration de l’accord avec Microsoft, la possibilité de diversifier les partenaires cloud, la perspective d’une introduction en Bourse géante et la réduction progressive des parts reversées aux partenaires visent tous le même objectif : refermer progressivement le gouffre. 

Mais la trajectoire actuelle illustre un capitalisme version « mode hardcore » : accepter des pertes historiques pour figer un paysage où quelques acteurs contrôleront l’intelligence artificielle de base, comme d’autres contrôlent aujourd’hui les réseaux électriques ou les chemins de fer.

En somme, OpenAI ne « se permet » pas de perdre 12 milliards malgré le succès de ChatGPT ; elle s’y contraint délibérément pour tenter de transformer ce succès en hégémonie structurelle. Le pari est mathématiquement fascinant, politiquement sensible et économiquement risqué. La question n’est plus de savoir si ChatGPT est utile, mais si le monde est prêt à accepter qu’un tel niveau de dépendance technologique repose sur un modèle qui, à ce stade, ressemble à un incinérateur de capital sous stéroïdes.
 

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Jeudi 6 Novembre 2025
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