Plaidoyer pour briser le silence sur le suicide




Par Dr Anwar CHERKAOUI Spécialiste en communication médicale et journalisme de santé

Chaque 10 septembre, la planète se mobilise pour parler du suicide. 
Partout, des campagnes, des débats, des lignes d’écoute. 
Partout… sauf au Maroc. Ici, le silence est assourdissant. 

La religion condamne, la société stigmatise, et les familles se taisent. 

Résultat : le suicide reste une tragédie qu’on ne nomme pas, qu’on enterre deux fois : d’abord le corps, puis la vérité.

Des chiffres invisibles, une réalité alarmante 

Selon la Banque mondiale et l’OMS, le Maroc compterait trois suicides pour 100 000 habitants. 

Un chiffre officiel qui rassure. 
Un chiffre qui trompe.


Les associations de terrain parlent, elles, de plus de 1 000 suicides par an – soit trois par jour – un chiffre glaçant, mais que l’État ne publie pas. 

Comment bâtir un plan national de prévention sans statistiques fiables ?

Des victimes bien connues 
Les rares études disponibles tirent la sonnette d’alarme :
Les victimes sont majoritairement des hommes jeunes, sans emploi, souvent ruraux.
La pendaison est le mode d’autodestruction dans 9 cas sur 10.
Les adolescents sont de plus en plus touchés : un sur six a déjà songé à se donner la mort.
Les femmes, elles, expriment davantage leur détresse mais passent moins souvent à l’acte.

Ces données ne sont pas seulement des statistiques : elles racontent des vies fauchées, des familles brisées.

Un système de santé mental sous-équipé 

Au Maroc, les structures psychiatriques sont rares, mal réparties et sous-dotées. 
Les psychiatres se comptent par quelques centaines seulement pour 37 millions d’habitants.
Les associations, seules sentinelles de ce fléau, disparaissent les unes après les autres. 
 “Sourire de Reda”, pionnière de la prévention chez les jeunes, a cessé toute activité en 2025, faute de financement.

Aujourd’hui, il n’existe aucune ligne d’écoute nationale, aucune campagne continue, aucun programme de suivi structuré.

Le silence tue 

Ce silence est une deuxième mort pour les victimes. 
Il laisse les familles seules avec leur douleur, les adolescents seuls avec leurs idées noires, les malades mentaux seuls avec leurs démons.

Il est temps de dire que le suicide n’est pas un péché à cacher, mais un problème de santé publique à combattre.

Plaidoyer pour l’action 

Le Maroc ne peut plus détourner le regard. 

Les solutions existent :
Restreindre l’accès aux moyens létaux, notamment les pesticides en milieu rural.
Former les médecins, enseignants et imams à repérer les signaux d’alerte et informer les fidèles et les élèves 
Créer des lignes d’écoute régionales 24h/24 pour accompagner les détresses.
Soutenir financièrement les associations qui sauvent des vies sur le terrain.
Publier des statistiques transparentes pour mesurer l’ampleur du problème et agir.

Samedi 13 Septembre 2025



Rédigé par le Samedi 13 Septembre 2025
Dans la même rubrique :