Pour Gaza, juin c’est très loin


Il aura fallu beaucoup de sang et d’horreurs, majoritairement des femmes et des enfants, pour que la France, le Royaume-Uni et le Canada fassent entendre un début de désaccord avec la machine de guerre israélienne. Pour Naïm Kamal, ce n’est pas encore un tournant, mais un frémissement qui n’aura de valeur que suivi d’actes.



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Par Naim Kamal

Le carnage à huis ouvert

Pendant 18 mois, le massacre à huis-ouvert de Gaza s’est déroulé avec une régularité implacable. Des villes rasées, des civils ciblés, des enfants enlevés à la vie par milliers, des hôpitaux vidés, des fœtus saccagés, une population poussée à l’errance. Le monde a assisté les bras croisés au génocide d’un peuple, sans daigner briser la moindre complicité diplomatique, militaire ou commerciale avec Israël.
 

Pourtant, nul n’ignore la nature du projet porté par les gouvernements israéliens successifs. Celui de Netanyahu, qualifié par euphémisme hypocrite de « le plus à droite de l’histoire d’Israël », poursuit implacablement les ambitions messianiques des origines. Au nom d’une promesse divine, l’Etat hébreu a redessiné à sa guise, et continue, fait accompli après fait accompli, les frontières, selon une lecture apocalyptique de l’Histoire.
 
Frémissement diplomatique ou cynisme stratégique ?

Alors que l’on a plus que 365 kilomètres de décombres et des dizaines de milliers de morts dans une guerre où les blessés et les disparus ne comptent pas - qui en connait le nombre ? - l’onde de choc semble enfin atteindre certaines capitales occidentales. Ottawa, Paris, Londres… tous trois ont commencé à exprimer un certain malaise. Encore à peine une gêne face à une guerre d’anéantissement dont on veut taire le nom, génocide, mais dont chaque image qui arrive à nous parvenir hurle la réalité.
 

Washington, allié indéfectible de Netanyahu et d’Israël, montre des signes d’impatience. Le Washington Post évoque des pressions des partisans de Trump sur l’Etat hébreu : « Nous vous abandonnerons si vous ne mettez pas fin à cette guerre. » Le vice-président J. D. Vance, lui, aurait annulé une visite à Tel-Aviv pour ne pas sembler cautionner l’extension militaire à Gaza. Une inflexion ? On verra.
 

Les grandes capitales occidentales, qui se refusent encore à considérer que l’attaque du 7 octobre n’est pas l’origine de la guerre mais sa conséquence, doivent, pour rester cohérentes et crédibles, dépasser concrètement et rapidement le stade des expressions de l’agacement et des déclarations d’intention.
 

Reconnaître cette réalité, ce n’est pas excuser la violence. C’est lui retirer sa seule légitimité aux yeux des opprimés : celle du silence des puissants.

 


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Le moment d’agir

Il ne s’agit plus de « condamner », de « regretter » ou d’« exprimer une profonde préoccupation ». C’est l’heure d’agir.  Sans attendre la conférence sur la paix prévue en juin à New York pour passer à la reconnaissance immédiate d’un État palestinien, et aux actes de nature à contraindre Israël à renoncer à ses macabres desseins.
 

Netanyahu est un cynique froid. Nul n’ignore que c’est le fossoyeur des accords d’Oslo, au profit d’une guerre dont la première victime tombée sur le champ de la paix est son prédécesseur Yitzhak Rabin, rare Juste israélien – tué non par un Palestinien, mais par un extrémiste juif.
 

Netanyahu s’est habitué à des alliés qui grondent en public, puis reviennent au soutien inconditionnel. Il s’en vante même publiquement. Il est le produit d’un Etat habitué au fait accompli sans conséquences. Par la réoccupation déclarée et assumée de la Bande de Gaza depuis des années sous blocus, il cherche à accomplir un autre fait : vider toutes les reconnaissances de l’État palestinien espérées pour juin, de toute substance.
 

Et pendant qu’il affiche aux caméras son sourire narquois, l’opération de l’occupation totale de la bande de Gaza est lancée. Les tanks progressent, le sang coule encore, les morts s’entassent, les décombres s’épaississent. Sous les bombes et sur les braises, juin parait loin.

Rédigé par Naim Kamal sur QUID 

 

 


Jeudi 22 Mai 2025

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