Par Adnane Benchakroun
Il y a des engagements que l’on prend par intérêt, d’autres par fidélité à une idée plus grande que soi. Mon opposition à l’islam politique relève de la seconde catégorie.
Elle ne découle ni d’une hostilité à l’égard des croyants engagés ni d’une soumission à une vision laïque radicale importée d’ailleurs. Elle est au contraire l’expression d’un attachement profond à l’islam, à sa richesse spirituelle, à sa pluralité interprétative, à sa fonction éthique. Et c’est justement parce que je suis musulman que je suis profondément inquiet lorsqu’on réduit ma religion à un projet partisan.
Car l’islam politique n’est pas une simple opinion comme une autre : c’est une tentative de colonisation du champ politique par une certaine lecture du religieux. Cette lecture, souvent sélective et idéologisée, érige la charia en programme électoral, la mosquée en quartier général, le prêche en meeting. Ce faisant, elle transforme une foi personnelle en ordre social, une croyance libre en norme collective, une transcendance en pouvoir terrestre.
Or, cette confusion entre le religieux et le politique n’est pas sans conséquences. Elle est dangereuse pour la démocratie, qui suppose un pluralisme réel, une alternance pacifique, et une égalité entre citoyens, croyants ou non. Elle est nocive pour la société, qu’elle fracture en « pieux » et en « égarés », en musulmans « authentiques » et en autres soupçonnés de tiédeur ou d’athéisme masqué. Mais elle est surtout périlleuse pour la religion elle-même, qu’elle instrumentalise, abîme, vulgarise.
L’islam politique souille la foi en la soumettant aux jeux du pouvoir. Il pousse les prédicateurs à devenir des tacticiens, les croyants à devenir des militants, et les versets à devenir des slogans. Il provoque un divorce entre le spirituel et l’intime, et le temporel et l’opportuniste. En politique, il faut négocier, transiger, parfois un mentir ou faire semblant. Peut-on décemment demander à la foi de s’y plier sans qu’elle y perde son âme ?
Regardons autour de nous. Là où les partis islamistes ont accédé au pouvoir, l’islam n’a pas progressé, il a régressé. Il est devenu source de conflit plus que de réconciliation, de contrôle plus que de libération. On a vu les masques tomber, les promesses s’effacer, les slogans se retourner contre ceux qui y ont cru. L’expérience a été amère, pour les peuples comme pour la religion elle-même.
Je milite donc pour une séparation claire — non pas hostile, mais salvatrice — entre religion et pouvoir partisan. Que les valeurs religieuses inspirent les consciences, bien sûr. Qu’elles nourrissent le débat public, qu’elles éveillent à la justice, à la solidarité, à la dignité. Mais qu’elles ne soient jamais imposées comme loi commune sous peine de se trahir elles-mêmes.
L’islam, dans sa profondeur, a toujours été plus grand que les pouvoirs temporels. Il n’a pas besoin de ministères pour exister, ni de partis pour rayonner.
Il est temps d’affirmer que la spiritualité ne peut pas être l’otage d’un projet de société exclusif. Il est temps de protéger l’islam de ses faux défenseurs, de ceux qui confondent le minbar et l’urne. Il est temps de faire preuve de courage intellectuel et spirituel : refuser l’instrumentalisation de la religion, c’est refuser son effacement progressif dans le tumulte du pouvoir.
Je ne veux pas que ma foi soit utilisée. Je veux qu’elle soit vécue. En conscience. En liberté. En paix.
Elle ne découle ni d’une hostilité à l’égard des croyants engagés ni d’une soumission à une vision laïque radicale importée d’ailleurs. Elle est au contraire l’expression d’un attachement profond à l’islam, à sa richesse spirituelle, à sa pluralité interprétative, à sa fonction éthique. Et c’est justement parce que je suis musulman que je suis profondément inquiet lorsqu’on réduit ma religion à un projet partisan.
Car l’islam politique n’est pas une simple opinion comme une autre : c’est une tentative de colonisation du champ politique par une certaine lecture du religieux. Cette lecture, souvent sélective et idéologisée, érige la charia en programme électoral, la mosquée en quartier général, le prêche en meeting. Ce faisant, elle transforme une foi personnelle en ordre social, une croyance libre en norme collective, une transcendance en pouvoir terrestre.
Or, cette confusion entre le religieux et le politique n’est pas sans conséquences. Elle est dangereuse pour la démocratie, qui suppose un pluralisme réel, une alternance pacifique, et une égalité entre citoyens, croyants ou non. Elle est nocive pour la société, qu’elle fracture en « pieux » et en « égarés », en musulmans « authentiques » et en autres soupçonnés de tiédeur ou d’athéisme masqué. Mais elle est surtout périlleuse pour la religion elle-même, qu’elle instrumentalise, abîme, vulgarise.
L’islam politique souille la foi en la soumettant aux jeux du pouvoir. Il pousse les prédicateurs à devenir des tacticiens, les croyants à devenir des militants, et les versets à devenir des slogans. Il provoque un divorce entre le spirituel et l’intime, et le temporel et l’opportuniste. En politique, il faut négocier, transiger, parfois un mentir ou faire semblant. Peut-on décemment demander à la foi de s’y plier sans qu’elle y perde son âme ?
Regardons autour de nous. Là où les partis islamistes ont accédé au pouvoir, l’islam n’a pas progressé, il a régressé. Il est devenu source de conflit plus que de réconciliation, de contrôle plus que de libération. On a vu les masques tomber, les promesses s’effacer, les slogans se retourner contre ceux qui y ont cru. L’expérience a été amère, pour les peuples comme pour la religion elle-même.
Je milite donc pour une séparation claire — non pas hostile, mais salvatrice — entre religion et pouvoir partisan. Que les valeurs religieuses inspirent les consciences, bien sûr. Qu’elles nourrissent le débat public, qu’elles éveillent à la justice, à la solidarité, à la dignité. Mais qu’elles ne soient jamais imposées comme loi commune sous peine de se trahir elles-mêmes.
L’islam, dans sa profondeur, a toujours été plus grand que les pouvoirs temporels. Il n’a pas besoin de ministères pour exister, ni de partis pour rayonner.
Il est temps d’affirmer que la spiritualité ne peut pas être l’otage d’un projet de société exclusif. Il est temps de protéger l’islam de ses faux défenseurs, de ceux qui confondent le minbar et l’urne. Il est temps de faire preuve de courage intellectuel et spirituel : refuser l’instrumentalisation de la religion, c’est refuser son effacement progressif dans le tumulte du pouvoir.
Je ne veux pas que ma foi soit utilisée. Je veux qu’elle soit vécue. En conscience. En liberté. En paix.
De la même manière que l’usage légitime de la force appartient exclusivement à l’État, la gestion du champ religieux ne peut relever que de l’institution monarchique au Maroc.
Le Roi, en tant que Commandeur des croyants, incarne une autorité religieuse qui transcende les partis, les coalitions et les calculs politiques. Il est le garant d’un islam modéré, tolérant, enraciné dans notre histoire, et à l’abri des récupérations idéologiques.
Confier la religion à un parti, quel qu’il soit, c’est courir le risque de la déchirer, de la rendre conflictuelle, et d’ouvrir la porte à des logiques d’exclusion, de jugement et de division. Voilà pourquoi je refuse d’entrer dans ce jeu. Parce que je crois que la foi se vit, mais ne se vote pas.
Voilà pourquoi l’idée de voter PJD ne m’a jamais traversé l’esprit : parce que je considère que le religieux ne doit jamais devenir un argument électoral.
Confier la religion à un parti, quel qu’il soit, c’est courir le risque de la déchirer, de la rendre conflictuelle, et d’ouvrir la porte à des logiques d’exclusion, de jugement et de division. Voilà pourquoi je refuse d’entrer dans ce jeu. Parce que je crois que la foi se vit, mais ne se vote pas.
Voilà pourquoi l’idée de voter PJD ne m’a jamais traversé l’esprit : parce que je considère que le religieux ne doit jamais devenir un argument électoral.