Pr TOUNSI : Une grandeur dans la retenue


Par Dr Anwar CHERKAOUI

Il est des hommes dont la grandeur ne se mesure ni au fracas de leurs mots, ni à l’éclat de leurs titres, mais à la trace invisible qu’ils laissent dans le temps.

Pr TOUNSI était de ceux-là.
Aux premiers jours du Royaume du Maroc indépendant, quand tout était à bâtir, quand la médecine elle-même cherchait sa langue et ses gestes, il fut parmi les pionniers.
Un des premiers grands chirurgiens de cette terre marocaine qui renaissait à elle-même.
Il n’a pas seulement opéré des corps : il a sculpté des consciences, façonné des vocations, semé des écoles humaines avant d’être des écoles techniques.



Sa silhouette était grande, presque hiératique, comme ces figures antiques qui traversent les récits grecs sans jamais hausser la voix, mais dont la simple présence impose le respect.

Et puis il y avait cette voix.
Une voix chuchotée.
Une voix basse, presque secrète, comme si chaque mot devait mériter d’être dit.

Il opérait sans emphase.
Il enseignait sans éclat.
Il transmettait sans bruit.

Mais sous cette austérité apparente vivait une finesse rare : une auto-dérision discrète, presque invisible, glissée entre deux silences. 

D’un sourire à peine esquissé, d’une remarque douce murmurée au détour d’un geste, Pr TOUNSI savait rappeler aux plus jeunes que la science n’autorise ni la raideur ni l’orgueil. 

Comme les sages anciens, il se permettait de sourire de lui-même, convaincu que l’humilité est la forme la plus élégante de l’intelligence.

Dans les salles d’opération, son silence était une leçon. Dans les amphithéâtres, son calme était un traité.

À l’hôpital Ibn Sina, lorsqu’il arpentait les couloirs, ses pas étaient feutrés, comme s’il craignait de déranger le lieu, comme si l’hôpital était un sanctuaire où l’on entre avec humilité.

À la manière des sages de la Grèce ancienne, il croyait que le geste juste n’a pas besoin de proclamation, et que la maîtrise véritable s’exprime dans la retenue.

Et à la manière des maîtres de la tradition arabe, il savait que le savoir transmis dans la discrétion descend plus profondément dans l’âme.

Toute son œuvre, pourtant immense, s’est accomplie dans ce que les poètes appelaient le silence des dieux.
Un silence fertile.
Un silence habité.
Un silence qui enseigne plus que mille discours.

Aujourd’hui, Pr TOUNSI a rejoint le grand silence.
Celui qui ne fait plus peur.
Celui qui n’est plus absence, mais plénitude.

Il est désormais entre les bras du silence divin, là où les justes déposent leurs outils, là où les maîtres reposent après avoir transmis.

Son nom continuera de circuler, non dans le tumulte, mais dans la mémoire vive de ceux qu’il a formés, dans la précision d’un geste chirurgical, dans l’éthique d’un regard posé sur le malade.

Comme dans les élégies grecques, son passage nous rappelle que les hommes véritables ne meurent pas : ils se retirent.

Et comme dans la sagesse arabe, il nous enseigne que le silence, lorsqu’il est habité par le savoir, l’humilité et la bonté, devient une forme suprême de parole.

Reposez en paix, Pr Abdelkader TOUNSI.
Votre silence continue de parler.


Par Dr Anwar CHERKAOUI 


Lundi 22 Décembre 2025

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